9. Une partie de cache-cache (version éditée)

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Les envoyés du duc de Normandie partirent le lendemain matin et la vie reprit son cours pour les habitants de la forteresse. Alinor tournait comme un animal en cage dans sa chambre, elle n'en pouvait plus de rester enfermée. Pour tromper son ennui, elle brodait ou lisait, mais son inaction physique lui pesait. Elle dépensait son trop-plein d'énergie à reproduire les assauts et parades des chevaliers normands, qu'elle continuait d'épier depuis sa fenêtre. Ne pouvant plus supporter sa réclusion forcée, elle décida d'aller fureter dans l'enceinte du château pour glaner des informations.

Elle ressortit sa robe brune informe, attacha ses cheveux et les recouvrit d'un foulard, mit un tablier taché, jeta un vieux châle en lainage sur ses épaules, puis sortit de son refuge. La jeune fille descendit jusqu'à la cuisine, sans croiser âme qui vive. Jetant un coup d'œil à la salle commune, elle vit que celle-ci était vide pour une fois. Elle s'avança jusqu'à la grande porte et constata que la cour était quasiment déserte. Seuls les serviteurs du donjon allaient et venaient en vaquant à leurs tâches quotidiennes. À l'exception de quelques gardes en faction sur le chemin de ronde, tous les soldats ennemis étaient à l'entraînement dans les deux champs clos à l'extérieur de la forteresse. Alinor ne se sentit plus de joie. C'était l'occasion ou jamais de se rendre à l'écurie pour passer un moment avec Tornade, sa jument.

Elle se hâta de rejoindre le bâtiment adossé aux remparts et chercha la stalle de sa monture. Celle-ci reconnut son odeur et se mit à hennir doucement. Alinor entra dans le box, posa son front contre le cou de l'animal et caressa avec tendresse la tête soyeuse de la bête. Lord Dunstan avait offert cette jument à sa fille pour ses seize ans, alors qu'elle n'était encore qu'une toute jeune pouliche. Alinor l'avait élevée, dressée elle-même, et elles s'étaient apprivoisées l'une l'autre au point de devenir complices. Son père et son frère s'étaient souvent émerveillés de voir le tableau qu'elles formaient toutes les deux quand elles étaient au grand galop, la jeune fille couchée sur l'encolure de la bête, ses longues mèches cuivrées mêlées au pelage immaculé de sa jument. Lors de ces courses folles, elles semblaient aussi fières et indomptables l'une que l'autre. Après avoir passé un petit moment à cajoler Tornade, Alinor sortit de l'écurie et traversa la haute-cour pour regagner le donjon.

Pendant ce temps, Gautier de Fougères s'entraînait au maniement de l'arc dans un des champs clos. Après une dernière volée de flèches, satisfait de ses troupes, il ordonna à ses guerriers de rentrer se reposer. Les hommes étaient fourbus, mais contents d'eux et plaisantaient en récupérant leurs équipements avant de prendre le chemin de la forteresse.

Alors que les chevaliers franchissaient la palissade entre la basse-cour et la haute-cour, une silhouette au pas énergique attira l'attention du baron normand. Il saisit avec brusquerie le coude de son cousin et s'arrêta :

— Thibaud, elle est là !

— Qui ?

Gautier tendit le bras et montra la jeune Saxonne du doigt.

— La fille ! Regarde ! Elle sort des écuries.

— Tu es sûr que c'est la souillon de l'autre jour ?

— Oh oui ! Je reconnais sa démarche.

— Que veux-tu que l'on fasse ?

— Je veux en avoir le cœur net, savoir qui elle est ! Il faut l'attraper !

Aussitôt les deux hommes s'élancèrent à travers la cour sous les regards éberlués des soldats et des serviteurs.

Alinor entendit des exclamations étonnées et un bruit de course derrière elle. Elle tourna la tête pour voir ce qu'il se passait, juste au moment où Gautier rugissait :

Combat d'amour - Tome 1 [ 2018 ADA Editions - 2023 auto-édition]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora