chapitre 1

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Mon patient est sorti depuis peu. J'envoie un message à Sarah, la secrétaire du cabinet pour lui demander de me laisser dix minutes avant de m'amener le prochain patient. J'ai la gorge nouée et la sensation d'étouffer. Je me lève du fauteuil et vais ouvrir la fenêtre. Malheureusement, je n'ai pas la vue mer, j'ai plutôt la vue sur un parking dans une impasse. Ce parking est à l'image même de ma vie : un cul-de-sac.

Je m'éloigne de la fenêtre et me dirige vers la cuisine commune. Je me verse une grande tasse de café et j'attrape une boîte de chocolats offerte par je ne sais plus quel visiteur médical ou laboratoire pharmaceutique. Tout ce qui compte c'est le réconfort qu'ils vont m'apporter. J'avale une énième bouchée que je fais passer avec une longue gorgée de café. J'aime ce mélange de saveurs dans ma bouche. Le café, le chocolat noir craquant puis la ganache praliné ferme et fondante et enfin les petits éclats de noisette qui craquent sous la dent. Mumm, c'était vraiment Ma bouchée parfaite.

Je rince rapidement ma tasse et la pose à côté de l'évier. Ensuite, je me lave méticuleusement les mains et retourne dans mon bureau. Il est presque quinze heures, nous sommes en pleine période de grippe, je ne pense pas finir de si tôt ce soir !

Encore un coup d'œil sur le parking puis je referme la fenêtre. Et merde, maintenant il fait trop froid, les patients vont se plaindre. Je suis à nouveau prêt, je déverrouille mon ordinateur qui était en veille. Je vois que j'ai un message interne non lu. Il a dû être envoyé juste après le mien. Je suis plus que surpris à la lecture de ces quelques mots. « Joël, vous pouvez rentrer chez vous, vous n'avez plus de rendez-vous. S »

Je me lève d'un bond, ouvre ma porte. La salle d'attente est pleine à craquer. Il n'y a même plus assez de chaises ! A grands pas, je vais dans le bureau de Sarah. Avec un grand sourire, elle est en train de rendre la carte vitale d'une petite mamie.

— Sarah, c'est quoi cette histoire, je n'ai plus de rendez-vous ?

Elle semble gênée.

— Ah Joël, en effet, vous n'avez plus rien de prévu pour aujourd'hui. Les docteurs Pilorge et Eska assurent les consultations libres, le docteur Loréna a son carnet de rendez-vous plein. Quant au docteur Jurius, elle gère les visites à domicile. Profitez-en pour vous aérer un peu. Ici, tout est sous contrôle.

Je ne perds pas une seconde de plus. Sans un mot, je tourne les talons, traverse la salle d'attente toujours aussi pleine puis, arrivé dans mon bureau, j'ouvre ma sacoche, y glisse mon téléphone et mon portefeuille. Je verrouille mon ordinateur, attrape mon trousseau de clés, éteins les lumières et ferme ma porte. En moins de cinq minutes, je suis dehors.

Et maintenant ?

J'ouvre le coffre de ma voiture et nerveusement y jette ma sacoche à côté de mon sac de sport. Ça me ferait peut-être du bien de me défouler à la salle. Pour une fois que j'ai un peu de temps, je compte bien en profiter. Alors que je m'insère dans la circulation, je décide de changer de cap et d'aller voir Max à son bureau. Avec Stéphane et Loïc, on arrivera peut-être à se réunir tous les quatre pour un diner. Depuis que Max est rentré de voyage avec Kat dans ses bagages, il n'est quasiment plus disponible. Ni pour aller au club de sport ni pour ces fameuses virées entre mecs qu'il adorait. Je veux bien reconnaître que sa vie a pris une tournure inespérée. Il a retrouvé un fils majeur et depuis il s'est installé. Il est posé, heureux de sa vie avec sa nouvelle femme et les jumeaux qui doivent avoir quatre ans maintenant. Oui, il s'est éloigné de nous. De moi, surtout. J'aimerai le voir, lui parler ouvertement, mais je ne le vois jamais seul. Il est toujours accompagné de sa Kat. Je n'en peux plus de les voir si heureux.

En arrivant au bureau, je suis doublement surpris de découvrir le fils ainé de Max derrière le bureau qu'occupait précédemment Angélica. Inconsciemment, je pensais la voir, lui sourire la faire rire. Gabriel m'apprend que Maxime travaille à la maison depuis quelques semaines. Vraiment, j'ai l'impression d'être déconnecté de toute sa vie, de ne plus rien savoir. De ne plus rien comprendre.

Qu'en est-il d'elle ? Where stories live. Discover now