3- Avorton pour ami

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Une sonnerie stridente retentit sur le ciel gris de Caen. Comme toujours, il fait moche en Normandie, pense la jeune femme sans foi ni loi. Tandis qu'elle se déhanche sur les trottoirs sans but précis, elle observe les mioches qui déferle du ventre d'un établissement scolaire immense et regroupant collège, lycée et même brevets de techniciens supérieurs en tous genres. Il y en a pour tous les goûts, tous les âges et toutes les nationalités ici. Cela laisse même la sorcière pensive. Les années où elle formait les meilleures sorcières du royaume de France et même d'Europe est finalement révolu et cela la peine de penser à ceux qui sont désormais morts par la main des hommes. C'est aussi pour cette raison qu'elle est devenue une créature sans cœur, ni remords. La vie lui a appris qu'il n'y a ni amis, ni lien de sang qui ne comptent lorsque vous en avez besoin.
Postée là, devant les grilles vertes de cette prison pour enfants sages, elle observe tout en restant perdue dans ses pensées les jeunes qui ne se mêlent pas les uns aux autres. Chacun est bien rangé avec ses amis de classes, sauf pour les adolescents qui s'aventurent vers le sexe opposé -ou pas- et tente une quelconque séduction.
C'est assez drôle pour Shireen de voir cela, à son époque, lorsqu'elle était elle-même enfants, les mœurs étaient bien différentes et l'on aurais jamais imaginé se retrouver un jour, entre filles et garçons à batifoler dans une grande cours fermée et sous surveillance de quelques adultes.

- Le monde à tellement changé, mère, souffle la belle.

Shireen n'aurait jamais imaginé qu'en si peux de temps le monde se métamorphoserait autant. Cinquante petites années passé à être scellé avec ce maudit mercenaire au derrière et voilà où en est la terre et le genre humain: ils pullulent, et elle va mal, voir même très mal!
La belle sorcière, soupire. Alors qu'elle vient à peine d'émerger d'un long sommeil, une impression de déjà-vu, l'ennuie déjà. Aussi, malgré ces humains qui tel une fourmilière géante, cherchent à manger et se déplace partout sans aucune raison qui semble vraiment valable aux yeux de la belle, Shireen se lance en quête d'un toit pour la nuit et pourquoi pas d'une compagnie qui lui en apprendrait plus sur le monde actuel.
La sonnerie de l'établissement scolaire retentit et met fin sa rêverie, elle s'élance du haut de ses hauts talons en cuir noir vers l'hyper centre de la ville en faisant rouler ses hanches dans un va-et-vient formant un huit allongé et parfait. Tandis que son jean noir moulant suit le mouvement de fesses de Shireen, son corset en cuir tout aussi collant reste impeccablement en place en ne dévoilant qu'un tout petit peu le bas de son dos et de son ventre.
Le bus s'arrête non loin du lycée et au moment de monter. Un jeune homme et une veille dame montent et s'installent après avoir payé leur entrée. Alors que la belle ne possède pas d'argent, un simple sourire au conducteur bedonnant lui sert de passe droit.

- Merci, dit discrètement Shireen.

La porte du bus se referme derrière elle. Un sourire satisfait continue d'illuminer son visage aux traits fins.
Elle prend place au milieu du véhicule, préférant rester seule pour le moment. Le calme règne à l'intérieur de ce vieux bus sans ceintures, à l'odeur de tabac froid et aux banquettes dont les tissus grisonnants et a l'aspect sale laisse penser que le nettoyage est négligé. Hormis la sorcière, il n'y a même pas huit personne qui attendent leur prochaine arrêt et aucun visage ne motive Shireen à aborder l'un d'entre eux. Les hommes des temps plus modernes sont de plus en plus maigres sur le plan musculaire et des plus en plus gras, à son grand désespoir. Comment l'espère humaine va-t-elle finir? Noyée sous les maladies et la graisse? Ou peut-être de fin en entraînant par la même occasion l'extinction des autres espèces vivantes sur terre? Ou peut-être bien à cause d'une incapacité à copuler? Enfin, cela n'est pas pour la déplaire. Depuis qu'elle est sortie de sa grotte normande, la sorcière a vu bien plus de gens et d'écrans TV LED HD, qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Comment un tel bond en si peu de temps est-il possible? La seule chose qu'elle apprécie en ces temps moderne reste encore la mode et les voitures, surtout celles qui ont un gros moteur sous le capot.
Et après de longues minutes à réfléchir sur le genre humain et le sens que prend leur évolution, le bus se stop en remuant doucement ses passagers. Une grand-mère sort en faisant avancer devant elle sa canne et le chauffeur semblant astiqué dans son fauteuil réussi à s'en extraire afin d'aider la petite vieille à descendre les marches du véhicule. Elle le remercie amicalement, offre un billet au conducteur et repars sur ses trois jambes en direction du marché.
Pourquoi pas? C'est un endroit où il y a du monde, de l'animation et où shireen peux en apprendre d'avantage sur le monde dit « moderne ». Sans réfléchir, la belle se précipite vers l'extérieur en adressant de nouveau se sourire radieux qu'elle avait offert au chauffeur en montant, puis s'empresse d'approcher le marché, lieu où la vie explose, enrobée d'un brouhaha incessant, enivrant de parfums exquis donnant tantôt l'envie de manger, tantôt l'envie de se pomponner et aux couleurs explosives visant à attirer l'attention d'un exposant à un autre. Les « par ici messieurs dames », les « il est pas chère mon produit » et les « et comme ça tout le monde sera content à la maison », explosent dans tous les sens, entourés d'une foule captivée par les présentations offertes par les marchands. D'autres vont et viennent également, fermés, bien décidés à fuir cet endroit où bien à rejoindre leur objectif sans se laisser distraire par les leurres des vendeurs.
La sorcière observe tout. Elle mémorise une quantité d'informations phénoménale en un temps record, tout en se déplaçant l'air de rien dans les grandes allées formées par les stands. Ce lieu de vie en plein air est si grand qu'il s'étend au centre de la ville, sur les deux rives de l'Orne, fleuve qui traverse Caen en deux avant de se jeter quelques kilomètres plus loin dans la Manche.
Mais marcher sous un soleil de juillet assoiffe rapidement la créature mortelle qui se met en quête d'un bar. En quelques secondes, elle en repère un à la véranda attrayante dont les baies ouvertes pour la saison, laissent pendre de jolis doubles rideaux pourpres et délicatement attaché par une corde dorée. L'intérieur du lieu reste plutôt cosy, comme les voilages, les banquettes, les serviettes de table et même le comptoir son de cette couleur voisine du rouge. Toujours aussi élégante, elle s'installe sur l'un des hauts tabourets se situant devant le tavernier.

- J'vous sert quoi, mademoiselle, prononce un homme grand et a première vu plutôt musclé.

- Quelque chose de frais et de pétillant avec du citron, répond la belle de sa voix de velours.

Mais ses yeux se portent sur le ventre de l'homme et la déception de voir à nouveau de la bedaine lui donne des envies de meurtre. On sont donc ces gentlemen fin et si gracieux? Ou sont ses chevaliers aux balafres si masculines? Et que fais donc Amaï, sont humain de compagnie? Est-il vraiment tombé aux mains d'une stupide organisation à la noix, juste parce qu'il a passé une petite cinquantaine d'années enfermé avec elle? Son absence fini par agacer Shireen qui n'attend que son retour pour continuer à jouer. Le monde dans lequel la sorcière c'est réveillée l'ennuie et c'est avec impatience qu'elle aimerait se remettre à fuir celui qui lui manque. À moins que celui-ci ne se terre non loin et guette le passage inopiné de la belle.

- Voila pour vous, s'exclame le barman blond aux yeux bleus.

Il dépose devant Shireen un verre de Perrier sur lequel est enfoncé une rondelle de citron frais, le tout avec des glaçons.
« Pas d'alcool », se dit la sorcière en se délectant de ce breuvage rafraîchissant à souhait. Tandis que la belle se change les idées, des pièces tintent sur le comptoir en zinc en résonnant bruyamment.

- Un deuxième, propose un jeune homme brun au collier tout aussi foncé et parfaitement dessiné et à la moustache légèrement recourbée sur les extrémités.

- Oh, c'est très aimable de votre part, jeune homme, avec plaisir.

Un deuxième verre est livré. Shireen le sirote tranquillement tandis que le jeune homme la regarde, un sourire au coin des lèvres.

- Avec ce temps, c'est agréable de boire ce genre de choses, commente t'il.

- Tu essayes de me draguer?

La question fuse si vite et facilement que l'homme se retrouve pantois. Il rougit malgré lui et reste planté devant la demoiselle sans pouvoir répondre. Cela amuse beaucoup Shireen face à sa mine confuse et gênée.

- Et bien, de toute évidence ce n'est pas le cas, se moque la sorcière.

- Non, tranche le jeune homme, disons que vous êtes... intrigante.

Elle soulève l'un de ses sourcils, curieuse d'en savoir plus.

- Dis m'en plus, timide.

Ce surnom a le don de faire rougir encore plus le jeune homme brun. Il n'ose pas répondre à la belle si envoûtante. Et si quelqu'un se moquait de lui, de ses questions idiotes et de son allures de jeune coq inexpérimenté sur la manière d'aborder une femme?

- Tu préférerais peut-être marcher, maintenant que le ciel gris a laissé place à un soleil radieux, propose Shireen.

La sorcière ressent une sincère sympathie pour ce jeune coincé, mais qui a visiblement bon cœur. Tandis qu'elle l'observe, l'analyse, le scrute sans même un remord, il accepte sa demande, paie la note tatamis de ce qu'ils ont bu sans même sourciller et suit Shireen comme un petit toutou vers l'extérieur du bar, laissant le gérant avec son sourire gentil et moqueur à la fois.

- Alors?

- Heu... et bien... pour commencer, je m'appel Félix.

L'homme tend une main un peu tremblante et mal assurée à la sorcière qui la saisit en une poignée de mains vigoureuse.

- C'est original comme façon de procéder pour aborder une fille, se moque Shireen, ton idée de me payer mes consommations était un peu moins originale!

- Ne te moque pas, ronchonne le jeune homme, rouge pivoine, je n'ai aucune expérience en la matière et c'est bien la première fois de ma vie que j'aborde une parfaite étrangère!

La sorcière tend à nouveau sa main en direction de Félix, qui hésite un instant à la saisir. Lorsqu'il se lance enfin et alors qu'il s'apprête à avoir le bras secoué énergiquement dans tous les sens une nouvelle fois, la belle enlace ses longs doigts fins et délicats autour des siens et l'invite à le suivre dans la foule du marché toujours bondé.

- Tu es étonnant, Félix, c'est agréable de te rencontrer, commente la sorcière, moi je me prénomme Shireen et je viens... de très très loin si tu veux savoir!

Sous un soleil de plomb, à midi en plein milieu du marché de Caen, complètement noir de monde, ils disparurent dans la foule sans autre mot ni demande qu'un « tu veux bien devenir mon amie? », qui fit bien rire la sorcière.

TornWhere stories live. Discover now