Prologue

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« À Paris,

Le 23 décembre 2067

Pour mes sentiments les plus purs, ceux de l'amour véritable.

Lis-moi où fais-toi lire par quelqu'un de confiance.

J'ignore à quel âge tu découvriras ces mots, ni même si tu les liras un jour. Mais si c'est le cas, et que tu as passé l'âge de l'innocence que procure l'enfance, tu as sûrement dû te poser ces questions mille fois : qui suis-je ? D'où est-ce que je viens ? Qui sont mes parents ? Pourquoi ne sont-ils pas là, auprès de moi ?

À travers ce courrier, j'espère pouvoir te répondre au mieux et combler les manques à distance, à défaut de ne pouvoir encore te donner tout ça de vive voix.

J'ai passé ma vie toute entière à suivre le chemin qui m'était destiné. Confiante dans mon avenir, celui de mes proches, envers mon pays, j'ai aveuglément suivi le parcours qui m'était tracé sans jamais le remettre en cause. L'enfance, l'adolescence, les études, l'amour, la famille puis le travail, tout respectait la logique sociétale et normée que l'on m'avait inculqué, tout. Et pourtant, cela n'a pas suffit.

Le passage à l'âge adulte n'est jamais simple pour personne, c'est un fait. Une fois dans la vie active, les responsabilités sont plus grandes, le futur moins certain. Cependant, qu'en est-il de la difficulté de ce passage d'âge lorsqu'on y a été mal préparé ?

J'avais tout et tout pour être heureuse. Je ne souffrais d'aucun manque de n'importe quel nature. J'avais la santé, les connaissances, la profession, l'entourage, l'amour et un peu d'argent. Suffisamment pour couler des jours modestes mais heureux. Alors, comment cela-a-t-il pu si mal tourner ?

Je n'en veux pas à mes proches, eux-mêmes ne s'attendaient pas à ce que l'avenir qu'on allait nous offrir soit si sombre. À vrai dire personne n'y attendait.

Le secteur de l'emploi surchargé pour bien des raisons, chacun avait progressivement revu ses attentes salariales à la baisse au fil des années, y compris la paie, dans l'espoir de survivre. C'est ainsi que le Code du Travail s'est étiolé au fil du temps, petit à petit, jusqu'à presque disparaître, ne laissant aux français, comme partout ailleurs dans le monde, que deux options : vivre de rien ou mourir.

Le réchauffement climatique étant ce qu'il est après tant de décennies dédiées à la pollution, les migrations se sont faites plus nombreuses, au détriment de tous, tant et si bien que les conditions de vie se sont encore détériorées. Il n'était plus rare de voir des familles complètes dormir et s'éteindre dans la rue, des hommes et des femmes s'entretuer pour un morceau de viande minuscule. La pauvreté était telle que la colère des moins chanceux s'est mise à gronder si fort que même les plus hautes institutions en ont eu vent.

Les Etats se sont alors unifiés, centralisés, en guise de réponse, nous intégrant dans ce que nous devions désormais appeler les Etats Réunifiés Mondiaux. Plus aucun pays n'avait de légitimité en tant que tel puisque faisant désormais parti de cette nouvelle société universelle.

Les lois se mirent à être changées pour certaines, abrogées pour d'autres, mais jamais à l'avantage des citoyens, contrairement aux fables que nous racontaient en direct au JT François Malleloy, le nouveau représentant de la France Réunifiée.

Mais là encore, j'avais confiance. Nous avions des droits, nous étions des millions, nous avions le pouvoir de faire basculer les choses. Forts de nos convictions personnelles, mon époux et moi-même avions décidés de rejoindre le mouvement citoyen qui semblait naître et qui nous redonnait espoir pour l'avenir et celui de notre petite fille Lila, alors à peine âgée de deux ans. Toi, ma chérie.

Violette!Where stories live. Discover now