9 ~ Celle qui sait ce qu'elle veut

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Kevin s'ennuyait souvent.

Depuis que Meena avait recommencé à aller à l'Université presque deux mois auparavant, ses journées et son cœur étaient vides quand elle n'était pas là. Il tentait de s'occuper en travaillant tout seul sur le projet, et bien-sûr il y avait toujours Jacob, mais même lui avait commencé à être bizarre ces derniers temps.

Kevin mettait ça sur le compte du stress de l'ouverture prochaine, le gros des travaux étant presque terminé. Son colocataire avait adoré les plans qu'il avait conçu en collaboration avec Meena et avait tout de suite décidé de les utiliser tels quels, l'absence de retouches accélérant considérablement le processus. Tout ce qui leur restait à finaliser maintenant consistait en quelques détails de décoration et de menu, et tout serait prêt.

D'ailleurs aujourd'hui, il avait décidé d'aller terminer la dernière section de fresque qu'il lui restait à peindre. Il était donc debout sur un petit escabeau avec un pinceau brosse à la main, remplissant de noir les zones qu'il avait délimitées quelques jours auparavant, quand il entendit du mouvement dans l'arrière boutique. Le bruit métallique, suivit d'une exclamation qui ressemblait à "Bordel, qui s'est dit que c'était une bonne idée de laisser trainer un seau derrière une porte..", lui indiqua immédiatement l'identitée du visiteur.

- Philomena, c'est toi ? Lança-t-il avec un sourire dans la voix.

- À ton avis, KEBIN ?

La jeune fille apparut finalement dans son champ de vision avec un air grincheux, qui venait sans aucun doute de l'habitude que le jeune homme avait rapidement prise d'utiliser son prénom complet à n'importe quel moment.

Il savait qu'il n'y avait rien de mieux pour l'agacer, mais il se justifiait en disant qu'il l'utilisait parce que lui, il l'aimait bien ce prénom (et pas du tout parce qu'il adorait voir Meena froncer le nez. Pas du tout). En contrepartie cette dernière avait commencé à l'appeler Kebin, sachant très bien la difficulté que le garçon rencontrait à faire prononcer le V maudit de son prénom à son entourage.

- Comment ça se fait que t'es là ? L'interrogea-t-il, tandis qu'elle rassemblait sa frange pour l'attacher sur le haut de sa tête et ainsi dégager ses yeux.

- Certains de mes cours ont été annulés, et Jacob m'a dit que t'étais parti peindre quand je suis rentrée. Du coup j'ai pensé que je pouvais venir t'aider.

- Oh... C'est cool, merci.

Tout en lui indiquant l'emplacement des pinceaux, Kevin sentait son cœur battre un peu plus vite, alors qu'il réalisait que Meena avait préféré venir le voir lui plutôt que de rester avec Jacob. Car même si il avait rapidement appris qu'ils se considéraient l'un l'autre comme des frères et sœurs, il ne pouvait s'empêcher d'être un peu jaloux des interactions qu'il voyait tout les jours entre eux. Surtout quand sa propre relation avec la musicienne n'avait pas l'air d'évoluer du tout.

L'histoire qu'il avait entendue sur leur baiser le dérangeait en particulier. Il était convaincu que l'événement s'était produit à cause de la présence de sentiments, conscients ou non, et il ne savait pas s'ils provenaient de Meena, de Jacob, ou bien des deux. Dans tout les cas, il avait peur de poser la question.

Une fois prête Meena se mit au travail, et leurs petites chamailleries se poursuivirent tout le reste de l'après-midi, jusqu'à ce que la fresque soit enfin terminée. Kevin descendit alors de son escabeau pour admirer son œuvre, reculant de plusieurs pas pour avoir une meilleure vue tandis que sa partenaire se mettait sur le côté pour ne pas le gêner.

Mais il avait oublié que le sol était recouvert d'une bâche de protection contre la peinture, c'est pourquoi il ne comprit pas immédiatement pourquoi l'air était chassé de ses poumons, ni pourquoi il était tout d'un coup en train de contempler le plafond.

En revanche il était certain d'avoir entendu la jeune fille crier son nom.

* * *

Meena avait vu l'action se dérouler parfaitement au ralenti. Kevin qui recule, qui se prend le pied dans un pli de la bâche, puis qui bascule en arrière avant de s'écraser au sol. Et qui ne bouge plus.

- KEVIN !!

Immédiatement elle se précipita vers lui, atterrissant à genoux à ses côtés, et repoussant les cheveux de son visage avant de laisser ses mains glisser à différents endroits de sa tête et de son buste dans une tentative d'auscultation un peu hasardeuse.

Heureusement, le jeune homme poussa bientôt un grognement qui attestait qu'il était bien toujours en vie, soulageant aussitôt la Française.

- Ça va ? Tenta-t-elle en replaçant une main sur sa joue.

Mais Kevin referma les yeux qu'il venait d'ouvrir, avant de secouer la tête et de murmurer.

- Non.

Sa réponse réactiva immédiatement le stress de Meena, jusqu'à ce qu'elle le sente prendre la main qu'elle avait laissée sur lui, empêchant ainsi qu'elle ne devienne hystérique.

- T'inquiètes, j'ai mal nulle part...

- Mais alors-

-Tu peut pas vouloir que je sois ton ami, et me toucher partout comme ça ensuite, l'interrompit-il en soupirant.

La phrase suffit à faire rougir la jeune fille, mais elle ne retira pas sa main pour autant.

Depuis qu'ils avaient décidé d'un commun accord de s'en tenir à l'amitié, le garçon n'avait jamais tenté d'approche frontale, multipliant à la place les petites attentions pour lui signifier son intérêt. Ces dernières allaient du café qu'elle trouvait toujours prêt pour elle quand elle se levait après lui, au plan qu'il avait pris soin de lui dessiner en y annotant des points de repères amusant, la première fois qu'elle avait dû se rendre toute seule au local où ils se trouvaient maintenant.

Il s'était même débrouillé pour découvrir que le bordeau était sa couleur préférée avant de lui offrir une écharpe de cette teinte, pour remplacer celle qu'elle avait un jour malencontreusement oubliée dans le bus. Et elle l'avait portée tout les jours depuis.

Elle n'était pas certaine de comprendre ce qu'il avait vu chez elle qui pouvait lui plaire suffisamment pour qu'il se comporte de la sorte, mais de son côté, elle était indéniablement tombée sous son charme. Probablement dès leur rencontre dans l'ascenseur, d'ailleurs.

Seulement Meena était une personne prudente, et Kevin, en plus d'être un partenaire de travail et son colocataire, était aussi l'ami de Jacob. Et elle ne prenait pas à la légère le risque qu'elle courait en acceptant les avances du jeune homme, s'il s'avérait qu'il n'était pas sérieux. C'est pourquoi elle avait eu besoin de temps pour être sûre que leur attirance mutuelle était suffisante pour tenter un rapprochement.

Mais alors qu'elle le voyait maintenant allongé sur le sol, vulnérable, les sourcils froncés et les cheveux éparpillés dans tout les sens, elle ne voulait rien de plus au monde que de pouvoir apercevoir son sourire. Celui qui faisait apparaître une adorable fosette sur sa joue gauche.

Et soudain, tout ses souvenirs des semaines passées à échanger des regards, à rire et à discuter ensemble se combinèrent en une seule boule d'anticipation, qui se logea ensuite au creux de son estomac.

Elle savait ce qu'elle voulait, et c'était Kevin.

C'est pourquoi elle se libéra afin de pouvoir l'attraper par les épaules et l'aider à se relever en position assise, ignorant son air bougon.

Puis elle passa les deux bras autour de son cou avant d'y exercer une minuscule pression. Il ne fallait pas être Einstein pour deviner la signification du geste et l'expression du Canadien changea aussitôt, alors qu'il entourait à son tour la jeune fille de ses bras, avant de l'aider à réduire le peu d'espace qui restait entre eux.

À cet instant, Kevin n'aurait pas su dire si le moment n'avait duré que quelques secondes ou de longues minutes. Parce que la seule pensée qui resta claire dans son esprit alors que sa bouche rencontrait celle de Meena, sa lèvre inférieure trouvant naturellement sa place au creux des siennes, était la suivante :

Enfin.

"... Funky." (Kevin Moon Fanfic)Where stories live. Discover now