It's time for Love Tome 3

Chapitre 1

Trois mois et demi plus tôt ...

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job.

Enora Miller se répétait en boucle ce mantra, espérant que les Dieux l'entendraient et se montreraient enfin un peu clément avec elle. Avec son diplôme d'infirmière, elle avait naïvement pensé qu'elle retrouverait un emploi facilement. Elle avait postulé avec optimisme et espoir, prête à accepter la première offre qui se présenterait, même en horaires de nuit ou à temps partiel. Mais elle avait quitté le marché du travail depuis bientôt cinq ans et cette décision la pénalisait aujourd'hui. À l'époque, arrêter de travailler lui était apparu comme une évidence. Elle attendait son premier enfant et était déjà l'heureuse belle-mère du petit Léo, alors âgé de huit ans. Avec Ludovic, ils s'étaient mis d'accord pour qu'elle se consacre à temps plein à son rôle de mère. En tant que chirurgien orthopédiste, il gagnait très bien sa vie et pouvait aisément subvenir aux besoins de leur famille. Enora était une jeune infirmière de vingt ans, fraichement diplômée, lorsqu'ils s'étaient rencontrés et elle n'avait exercé son métier que deux ans à peine avant de démissionner. Elle n'avait pas vécu l'abandon de sa carrière professionnelle comme un sacrifice à ce moment-là. Malheureusement aujourd'hui, elle devait se justifier auprès des rares employeurs qui la recevaient en entretien et qui pointaient du doigt son manque d'expérience. Après plusieurs échecs, elle avait élargi ses recherches aux métiers d'aide-soignante et à ceux de la petite enfance. Elle n'avait pas plus d'expérience professionnelle dans ces domaines mais elle considérait qu'élever des enfants était un vrai travail qui valait pour références. Jusqu'à présent, en-dehors de quelques heures de baby-sitting très mal payées, rien de correct ne s'était présenté. Alors cette offre d'emploi, dénichée dans la boulangerie à proximité du collège de Léo, la faisait espérer.

Cherche garde-d'enfants sérieuse à temps plein pour s'occuper de jumeaux (5ans). Logée et nourrie. Références exigées.

L'annonce était succincte mais c'était dans ses cordes. Elle n'avait peut-être pas de référence mais ses enfants étaient polis et en bonne santé. Ça comptait, non ?

— Je vais avoir le job, je vais avoir le job, je vais avoir le job.

À force de se le dire, peut-être cela allait-il enfin marcher. Enora avait passé trois entretiens ces quinze derniers jours mais aucun n'avait pas été concluant. L'école avait repris et ça la rendait malade. Obligés de quitter leur maison de Strasbourg quelques semaines plus tôt, Léo, Luna et elle avaient heureusement trouvé refuge chez ses parents à Colmar. Seulement pour être à l'heure à l'école, tous les trois se levaient à cinq heures chaque matin et rentraient après dix-neuf heures le soir. Les enfants accusaient déjà une grande fatigue alors que l'année scolaire venait de commencer. Il fallait donc absolument qu'elle trouve un emploi et un logement au plus près et au plus vite. Elle ressentait cette pression à chaque instant et fulminait de se sentir impuissante à prendre correctement soin de ses enfants. Si seulement elle avait continué à travailler, ne serait-ce qu'à temps partiel ou si elle avait imposé à Ludovic de faire les démarches administratives nécessaires ... Mais avec des si, on pouvait mettre Paris en bouteille ... La réalité était que son curriculum vitae était si maigre que personne ne voulait lui donner sa chance alors qu'elle avait désespérément besoin d'un travail. Elle essayait de garder la foi mais c'était difficile.

Accompagnée de ses sombres pensées, elle arriva enfin devant l'adresse que lui avait indiqué la femme qu'elle avait eu la veille au téléphone. Un peu anxieuse, elle se rassura en se disant qu'elle savait faire bonne impression et que les gens l'appréciaient en général. Sa taille et ses petites rondeurs donnaient tout autant une impression de solidité que de douceur. Elle avait un joli visage harmonieux, des pommettes hautes, des yeux bleu glacier et des taches de rousseur sur le nez. Elle possédait une grande bouche, qu'on comparait souvent à celle de Julia Roberts, qui arborait toujours un sourire franc et sincère. Oui, elle allait se montrer sous son meilleur jour pour décrocher le job. Elle jeta un coup d'œil à sa montre et constata qu'elle avait quinze minutes d'avance. Elle observa les hauts murs qui entouraient le jardin et ne laissaient presque rien entrevoir de la demeure depuis le trottoir. Pour tromper son impatience, elle fit les cent pas en se répétant les arguments qui feraient d'elle une candidate fiable et responsable. Ce job, elle le voulait plus que les autres. Autant parce qu'il s'agissait de s'occuper de jeunes enfants, lointain écho à son rêve de devenir puéricultrice, autant parce que la maison se trouvait dans un secteur proche de son ancien quartier. Elle s'interdisait d'avoir trop d'espoir, cependant, elle voyait en cette offre une véritable aubaine.