19.

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Noémie

Six mois auparavant...

— Pas mal la présentation, me complimente Meg en saisissant une des assiettes alignées sur le comptoir.

Je détache brièvement les yeux du plat que je suis en train de dresser pour lui retourner son sourire.

Elle récupère une deuxième assiette qu'elle cale sur son avant-bras, en attrape une troisième et me lance un regard complice avant de quitter la cuisine.

Je termine rapidement la déco des mets. Je stresse un peu. Non, à mort ! Il y a six couverts ce soir. Mais on ne s'en sort pas trop mal grâce à Meg qui s'est proposée pour me filer un coup de main. C'est sûr que si elle n'était pas venue faire le service, ça aurait été bien moins fluide. Et je ne parle même pas du degré exponentiel d'anxiété pour moi. J'aurais juste eu l'impression d'être carrément sur des charbons ardents !

Un large sourire aux lèvres, Meg franchit à nouveau le seuil alors que, d'un geste souple du poignet, j'ajoute artistiquement un ultime filet de sauce sur le plat.

— Ils ont l'air pas mal impressionnés. Tout roule, chef Noémie, m'asticote-t-elle avant de récupérer rapidement les trois dernières assiettes.

Je lui tire comiquement la langue. Elle me rend la pareille et articule distinctement « dé-stres-se » avant de disparaître.

Poussant un soupir de soulagement, je prends appui contre le plan de travail et embrasse la cuisine du regard. Ultramoderne et clinquante, elle est à l'image des riches clients qui m'ont engagée pour la soirée en tant que chef à domicile. Il ne me restera plus que les assiettes à dessert à dresser. J'ai encore un peu de temps devant moi avant qu'ils réclament la suite.

Commençant à remettre rapidement de l'ordre dans la pièce, j'entreprends ensuite de laver les casseroles et les ustensiles.

Cette soirée est importante pour moi. Un dîner d'affaires. C'est le premier vrai test pour ma minuscule et à peine balbutiante société. En clair, je galère. La clientèle est loin, très loin de se bousculer pour se payer mes services de chef à domicile ! Avant ça, je n'ai eu pour seuls contrats qu'un buffet repas et un goûter d'enfant pour un anniversaire. Bon. Il faut dire aussi que je ne m'y consacre réellement que depuis quelques semaines.

Il y a un peu moins de deux mois que j'ai décidé de me lancer. Entre les démarches administratives et la création du site... Sans compter que jusqu'à récemment, j'acceptais encore des missions. Et que je vais toujours chez les Steadman. Par ailleurs, j'ai décroché un petit contrat pour quelques heures de ménage en journée en attendant que je puisse dégager un salaire décent de ma microentreprise. En admettant, bien sûr, que j'y arrive un jour !

Ian m'a aidée à me dégoter un vieil utilitaire d'occasion qu'il a retapé. Indispensable pour transporter provisions, glacières et matériel. Je suis d'autant plus reconnaissante à mon frère que ça n'a pas l'air d'aller mieux pour lui. Le week-end dernier, il est rentré aussi bituré qu'il y a deux mois. Cette fois-là, c'est Daphnée qui lui a passé un savon. Il avait réveillé toute la maisonnée. J'ai bien essayé de l'interroger, de l'inciter à me parler. Chaque fois, il esquive avec une boutade qui tombe à plat. Il commence vraiment à nous inquiéter, ma mère et moi.

Daphnée va reprendre le travail dans quelques jours. Heureusement, sa fracture s'est bien remise. Jusqu'à récemment encore, ses douleurs à la marche étaient très handicapantes. Mais Jay était, et est, aux petits soins pour elle. Du reste, il passe souvent à la maison. Il reste même dîner. Ce qui n'a pas l'air de beaucoup plaire à Ian. Entre eux, ce n'est toujours pas ça. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces deux-là ne s'apprécient pas beaucoup !

Pour toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant