Partie 5

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Damien se frotta les yeux et jeta un coup d'œil en bas de son écran. Trois heures. Le soleil n'était même pas encore levé. Il reporta ses yeux sur les commentaires qui s'affichaient a l'écran. Des questions; des messages de soutien; des moqueries; quelques théories; et le plus souvent des inquiétudes en rapport avec la chaîne. Damien n'avait aucune réponse a ce sujet.

Il y avait de cela quelques jours, il avait posté une vidéo où il expliquait rapidement sa situation. Depuis, les abonnés le bombardaient de messages, que ce soit sur son problème ou sur le mutisme de Laink, qui avait disparu de la circulation. De plus, les réseaux sociaux s'étaient donnés à cœur joie de répandre la nouvelle, tant et si bien que l'allergie de Damien tait devenue virale. Il n'aurait pu rêver d'une publicité plus efficace pour Wankil, toutefois, il n'arrivait pas a s'en réjouir. La chaîne était en suspens; avec Damien qui n'osait plus se montrer et Thomas qui semblait avoir disparu, leur dernier live n'avait pas eu lieu. Depuis, seuls les montages qu'ils gardaient en réserve sortaient. Une bien maigre consolation. 

Damien se sentait déchiré. Il comprenait que cette pause était nécessaire et, en même temps, il s'en voulait de la faire. Il voulait voir Thomas. Il voulait lui parler. Lui dire qu'il était désolé. Qu'il avait voulu lui dire, mais qu'il ne pouvait pas. Mais chaque fois qu'il pensait à son ami, il détournait ses pensés pour éviter de faire réagir la tache. Ironique, lorsqu'on y pensait: il prenait une pause pour penser a l'avenir de la chaîne, mais en même temps, il était dangereux pour lui de le faire. Soudainement, son téléphone sonna. Damien l'attrapa et décrocha, espérant entendre la voix de Thomas, même s'il avait promis à Hugo de l'éviter.

-Monsieur Laguionie? demanda le médecin au bout du fil.

-Oui?, dit Damien d'une voix déçue.

-C'est a propos de votre prochain rendez-vous. J'ai cru remarquer que vous avez oublié d'en prendre un.

-Ah...c'est possible...

-Ce serait donc pour vous en proposer un aujourd'hui, cet après-midi. Vers 1 heure. Cela vous conviendrait-il?

-Docteur, dit Damien, un peu déboussolé, il est trois heure du matin...

-...Bien sur. Disons alors vers 2 heures.

-Docteur, ce n'est pas..., commença Damien, mais comme le médecin semblait vouloir l'interrompre, il termina d'une voix dure: Laissez faire. Je raccroche.

Damien suivit le geste a la parole. Lorsque le téléphone se remit à sonner, il le laissa de côté et continua de faire défiler son écran. Des questions sur sa tache. Encore. Ras le bol. 

Il se leva subitement avec son téléphone et alla se poster devant son miroir. Il se tourna et, tel un contorsionniste, prit une photo de son dos. Puis, toujours guidé par son impatience, il la posta sur le réseaux sociaux - son premier signe de vie depuis la vidéo. Les réponses ne tardèrent pas a fuser.

«On dirait une fleur...»

«C'est vraiment une allergie? On dirait un tatouage»

«C'est des extra-terrestres qui te bouffent le corps»
 

Damien sourit. Il avait posté la photo, à la recherche de réponse, mais il trouvait plutôt du réconfort dans les commentaires parfois interrogatifs ou parfois absurdes; en quelques jours déjà, sa communauté lui avait manqué. Toutefois, même si Wankil n'était pas mort car lui était présent, l'autre partie importante n'était toujours pas là. Sans Laink, Wankil n'en valait pas la peine. Damien secoua la tête. Ne pas y penser. 

 Ou plutôt, si. Un éclair venait de le frapper, lui faisant comprendre certaines choses. Damien se rua sur son téléphone et composa le numéro de téléphone de son ami: sa décision prise, puisque Thomas ne donnait plus de nouvelles, il se permettait d'en prendre lui-même. La sonnerie résonna plusieurs fois avant que la boîte vocale ne s'enclenche. Déçu, Damien laissa un message puis raccrocha. Il devait être trop tôt pour son ami. Il resta tout de même sur sa chaise à attendre une réponse en gigotant, mais son téléphone ne vibra que lorsque son médecin, persistant, l'appela de nouveau. Damien combla le temps en lisant les commentaires sous sa photo - il espérait en lire un de son ami - puis il alla s'installer devant sa console, un tacos-saucisse à la main. Il resta éveillé à viser des ennemis car son esprit était plein de Thomas. 

Les mots doux qui fleurissentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant