Contre-exemple

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Je pense avoir passé le pire quand je rentre chez moi. Cette espérance s'avère malheureusement fausse. En effet, lorsque mon père rentre, j'entends déjà depuis ma chambre qu'il est de mauvaise humeur et remonté contre tout le monde. Inutile de préciser que je n'ai pas hâte de les rejoindre pour manger, sachant déjà à l'avance que je vais m'en prendre plein la tête moi aussi.
Pour l'instant je termine d'étendre à ma fenêtre mes affaires humides. Ce n'est même pas ça qui me blesse le plus, c'est surtout le geste en lui-même qui se voulait bien évidemment humiliant et le fait qu'encore une fois, personne ne m'est venu en aide. Je trouve ça fou. Est-ce que je mérite vraiment qu'on me traite comme ça ? Si ça se trouve, j'ai fait quelque chose dont je ne me suis même pas encore rendue compte qui pourrait justifier cette haine que je reçois. Mais j'ai beau réfléchir, je ne trouve pas. Je sais déjà que je n'irai pas en cours demain. Ce n'est pas possible, ce serait du suicide. Et puis je sens que j'ai de plus en plus du mal à tenir le coup. Rien ne va. Je ne me suis encore jamais sentie aussi prisonnière, isolée, mal-aimée.
Mes prédictions se confirment, sauf que c'est pire que ce à quoi je m'attendais. Mon père n'attend même pas l'heure du dîner et m'appelle de la salle à manger pour que je vienne « immédiatement » le voir. Je m'exécute, non sans soupirer discrètement.
Je constate que ma mère est à ses côtés, bras croisés. Ça ne sent pas bon. Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

- T'as fait quoi exactement pendant notre absence la semaine dernière ? demande-t-il.

Je manque d'avaler ma salive de travers. Merde, qu'est-ce qui se passe ? Parmi tous les sujets possibles, celui-là est bien celui qui me stresse le plus. Qui m'a balancée ? Quelqu'un du lycée ? Une connaissance à mes amis ? Ou alors, mes amis ?

Sois pas stupide, je me reprends. Ils auraient jamais fait ça.

- Euh, bah je vous l'ai dit... j'ai juste regardé une série.

- Bon, ça suffit, il me coupe, épargne-nous tes petits mensonges. Qui était là avec toi ? Hein ?

Là, tout s'affole dans ma tête.
Putain, putain, putain.
Je suis censée dire quoi ?

- Mais pourquoi ? J'étais seule je vous dis, qu'est-ce qui a ?

Je continue de mentir parce que c'est la seule chose que je peux tenter. Je ne vais pas me jeter moi-même dans la gueule du loup en avouant toute la vérité.

- C'est pas ce qu'a dit le voisin, intervient ma mère.

Encore de la faute de quelqu'un de l'immeuble.
Décidément, je les déteste.

- Y'a eu un boucan pas possible vers 5h du matin, reprend mon géniteur. Ça criait et ça cassait même des objets apparemment, alors dis-nous qui t'as ramené ici petite idiote !

C'est impossible. J'ai vraiment une malchance comme je n'en ai encore jamais eu pour qu'il m'arrive tout ça en si peu de temps.
Pourquoi fallait-il que ce connard de voisin ouvre sa gueule ?

- Mais personne ! Il a dû confondre avec un autre appartement, moi j'étais en train de dor...

- Tais-toi, c'était ici et point barre ! crie-t-il. Je sais très bien qui ça peut être, crois pas que je suis débile. Encore un de ces branleurs plus vieux que toi, t'as pas honte ?

C'est un cauchemar. Je pensais avoir réussir à lui faire croire que je ne les connaissais pas. Je ne trouve pas quoi répondre.

- J'ai fait quoi pour mériter une gosse pareille hein ? continue-t-il en s'adressant en même temps à ma mère comme si c'était de sa faute. Elle pouvait pas rester sérieuse et droite, non, fallait qu'elle joue les traînées avec des mecs qui ont même pas son âge !

Sous InfluenceWhere stories live. Discover now