La lumière

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PDV OREL

- Orel ? résonne la voix de Gringe derrière moi.

Elle me sort un peu de ma somnolence.

- Mh.

- J'vais faire un tour vite fait.

- D'acc.

Il y a un silence, je continue de fixer sans raison la fissure au dessus de la télé, affalé dans le canapé. Je sais pas si c'est parce que je suis plus trop attentif à rien mais au bout de quelques secondes, je doute de l'avoir entendu fermer la porte. Quand je veux vérifier, sa voix résonne encore.

- T'as pas... envie d'venir ? Juste pour prendre l'air un peu.

Ok, il est toujours là. Il lâche pas l'affaire avec ça, hein.
Je pivote lentement la tête à droite pour observer quelle genre de lumière il fait dehors. Ça m'indique pas grand chose vu comme ça.

- Il est quelle heure ?

- T'as l'horloge en face mec. Il est 11h passé.

Je soupire.

- Ouais, non merci.

- Ça fait des jours que t'as pas vu le soleil mon pote, t'abuses.

Allez, il recommence avec sa morale. S'il savait à quel point j'en ai rien a foutre.

- J'm'en fous Gringe.

Il souffle, exaspéré, puis je l'entends se diriger vers la sortie.

- Ok, comme tu veux. Si jamais l'envie te prend j'suis pas loin.

- Ouais.

Puis la porte claque.
L'envie me prendra pas jusqu'à ce qu'il fasse nuit noire et que je puisse aller marcher seul. C'est comme ça depuis que je la vois plus : j'ai plus envie de sortir, j'ai plus envie de voir personne, même baiser j'en ai plus envie. Pour faire court j'ai plus trop goût à rien. Et c'est chiant comme situation, mais j'ai aucun contrôle là-dessus. Ça fait plus d'une semaine que j'esquive les soirées avec mes potes alors qu'ils insistent tous pour que je vienne. Les seuls vrais que je vois, Bouteille, Claude, Ablaye, Skread et Clem, c'est parce qu'ils viennent d'eux-mêmes à l'appart'. Mon job j'y vais plus non plus. Pour l'instant j'crois que mon patron me remplace mais je sais que j'vais pas tarder à me faire virer. Je fume beaucoup plus aussi, j'ai même recommencé les spliffs alors que j'avais arrêté ces derniers temps.
J'ai l'impression de replonger dans ce que j'étais y'a six mois, quand j'faisais n'importe quoi aussi, sauf que là c'est encore plus intense. J'aurais jamais pensé qu'une meuf arrive à me foutre dans un état pareil. Et ça me fait chier, ouais, j'dois l'avouer, ça me casse les couilles d'avoir l'impression de dépendre d'une fille. Ça m'arrive jamais ça. Pourtant j'avais remarqué qu'elle me faisait remonter la pente sur pleins de points, et y'a pas si longtemps j'ai même réussi à l'accepter et à oublier ma fierté de merde parce que j'avais capté et que j'étais bien avec cette idée. Elle m'aidait et j'étais heureux pour de vrai avec elle.
~
J'me souviens encore de cette matinée, quand je l'ai vue marcher d'un pas pressé le long du skate park alors que j'étais avec Gringe et quelques autres gars sur une rampe. Sur le moment je l'ai un peu suivie des yeux. C'est pas commun que des lycéens viennent si près. C'est pas qu'on leur a interdit de passer ici, mais c'est eux qui évitent en fait. J'crois qu'on les intimide un peu et qu'il y a de fausses petites rumeurs qui circulent sur nous. On s'en bat les couilles, on a passé l'âge de ces gamineries, mais c'est vrai que du coup, voir cette fille passer avec son sac à dos comme si de rien n'était, ça faisait chelou. J'allais vite passer à autre chose parce qu'au fond c'était pas non plus l'événement du siècle, mais j'ai entendu Gringe ricaner à ma droite.

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