La journée avait pourtant bien commencé

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La journée avait pourtant bien commencé.

Ou plutôt, elle n'avait pas mal commencé. Gellert Grindelwald savait que jamais plus une journée ne pourrait bien commencer. Pas depuis...

Le jeune homme soupira et leva les yeux vers le pacte de sang qui flottait devant lui. Un objet magnifique, où lignes et courbes s'entrelaçaient en un subtil équilibre, où charme et délicatesse se mêlaient en une parfaite harmonie. Et surtout... Tout ce qui lui restait d'Albus. Albus. Il pensait ne plus jamais entendre ce nom. Il croyait avoir réussi à enfouir son souvenir au plus profond de lui. À l'évidence, il se trompait. Le mage noir tendit la main pour se saisir du bijou et le serra dans sa paume, espérant que la légère douleur causée par les angles qui s'enfonçaient dans sa chair le détournerait un instant de celle morale, presque insupportable.

Un peu plus tôt...

- Alors, c'est... ça, notre quartier général ? demanda Krall d'un ton quelque peu méprisant.

- Oui, c'est ça, notre quartier général. Mais si tu n'es pas pleinement satisfait, tu peux retourner à Asphodèle. Je suis certaine qu'ils t'accepteront avec plaisir.

Krall déglutit et s'abstint prudemment de répondre devant l'ironie redoutable de Rosier. Gellert adressa un signe de tête imperceptible à la sorcière en entrant dans la pièce où se tenaient ses fidèles. Celle-ci lui rendit un sourire entendu. Krall était décidément assez décevant, songea distraitement Grindelwald. Il croyait dissimuler sous son arrogance et sa mauvaise humeur une incroyable lâcheté mais ne parvenait pas à tromper le mage noir. Celui-ci savait bien que seul le désir de quitter Asphodèle l'avait décidé à embrasser sa cause. Krall pensait sans doute également que graviter autour de plus puissant que lui le protègerait de la justice des différents ministères.

Gellert ne l'avait d'ailleurs libéré que parce qu'il ne pouvait pour le moment pas se permettre de sélectionner avec trop d'exigence ses fidèles et songeait déjà à un moyen de s'en débarrasser, ou en tout cas d'éprouver sa loyauté. Au moins, Krall n'était pas assez stupide pour contrarier délibérément Rosier.

En revanche, il était plutôt satisfait de la sorcière française. En effet, sa froide logique et sa fidélité sans faille étaient d'immenses atouts. Si le mépris qu'elle vouait aux Moldus se manifestait un peu trop au goût du mage noir - après tout, il voulait seulement la liberté, n'est-ce pas ? La liberté d'être eux-mêmes ! - elle était suffisamment intelligente pour savoir le dissimuler et mettre tout son talent au service du plus grand bien. De plus, contrairement à Mulciber, jamais elle n'aurait commis la grossière erreur de se faire attraper après avoir commis un meurtre. Ou un massacre en l'occurrence. Elle agissait avec une subtilité qui manquait grandement à ses deux acolytes. Depuis que le mage noir l'avait rencontrée, peu après l'évasion d'Asphodèle, Rosier avait immédiatement embrassé sa cause, et contacté de nombreuses familles de Sang-pur françaises, qui, en plus de lui permettre d'étendre son réseau bien au-delà de l'Europe de l'Est, formaient autant de futures recrues potentielles.

Le jeune homme embrassa la petite pièce du regard. Ses fidèles et lui avaient trouvé une maison délabrée en Serbie, habilement dissimulée et défendue par de nombreux sorts, dont les propriétaires étaient décédés depuis peu. Gellert avait renforcé les différentes protections, la rendant quasiment introuvable. La maison était certes plutôt misérable, mais il ne comptait la garder que le temps de s'organiser. Et contrairement à Krall, les autres ne s'en plaignaient pas.

- Alors ? Ils parlent de nous ? demanda Mulciber à Rosier avec excitation.

La sorcière, debout près de la cheminée, leva les yeux de son journal et sourit.

Le temps d'un rêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant