Retrouvailles

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- Je crois que tu le sais déjà...avait murmuré Ariana avant de s'évaporer.

Oui, Gellert savait. Il ne s'en était pas aperçu, tout simplement, trop occupé à contempler le décors familier et à analyser leur étrange conversation.

Mais au fond de lui, il avait toujours su. Il avait su dès qu'il avait ouvert les yeux sur le paysage de son enfance. Il avait su quand la fillette était apparue. Il avait su durant sa course vaine et effrénée pour échapper à la douleur qui le tourmentait. Il avait su en mettant des mots sur le vide qui menaçait à tout moment de l'engloutir. Il avait su quand il avait réalisé qu'en cet instant, son seul désir - besoin - était de le revoir, ne serait-ce qu'une fois.

Il avait su bien avant d'apercevoir la silhouette élancée. Il ne l'avait pas compris immédiatement, voilà tout.

Et maintenant, il était paralysé.

Le jeune homme ignorait comment réagir à la vue de celui qui occupait continuellement ses pensées depuis six ans déjà.

Il se contraignit à dissimuler la peine qui le poignardait, mais il était toujours incapable d'avancer.

Finalement, ce fut Albus qui parcourut les derniers mètres.

Le professeur déglutit avec difficulté en contemplant son ancien amant.

Six ans s'étaient écoulés depuis la mort d'Ariana.

Six années passées à tâcher d'enseigner tout ce qu'il savait à ses élèves.

Six années à tenter de faire son deuil.

Six années à s'efforcer de se réconcilier avec son frère, tout en sachant que rien ne ferait revenir leur petite sœur, que rien n'effacerait ce qu'il avait commis.

Six années à essayer d'oublier le mage noir.

En vain, à chaque fois.

Et le revoir, après tout ce temps... Il n'était peut-être qu'une image dans un miroir, que le reflet de ses désirs, qu'un écho créé par le manque mais il paraissait tellement réel que ça en était intolérable.

Albus leva la main pour caresser la joue de l'Autrichien, puis la laissa retomber entre eux, terrorisé à l'idée que le mirage s'évanouisse.

Gellert avait détruit ce qu'il lui restait de famille. Il était responsable de la mort de sa sœur. Il était résolu à toutes les atrocités "pour le plus grand bien", le professeur le savait.

Il aurait dû lui en vouloir mais il en était incapable. Toute sa haine était dirigée contre lui-même. Après tout, ce n'était pas le mage noir qui avait négligé les avertissements de son frère et la santé de sa sœur. Ce n'était pas le mage noir qui avait méprisé sa famille. Ce n'était pas le mage noir qui, aveuglé par l'amour, avait refusé d'admettre la vérité. Ce n'était pas le mage noir, qui, ce faisant, avait tout perdu. C'était Albus, et lui seul.

En revanche, les sentiments que Gellert avait nourris, ou fait semblant de nourrir à son égard, semblaient tout aussi intenses que lors de leur été commun. Tout aussi vrais. Et tellement plus douloureux.

Le professeur le voyait à la manière dont il le fixait, le dévisageant intensément, sans ciller, sans montrer la moindre émotion, comme toujours, mais s'imprégnant du moindre détail, du plus infime changement.

Gellert n'osait plus respirer, de crainte d'éteindre la flamme infime, si fragile et incertaine, de leurs retrouvailles. Il ne clignait pas des yeux, refusait de détourner le regard. Et si Albus s'évanouissait, comme sa sœur quelques instants auparavant ? S'il disparaissait ? Si Gellert se réveillait ? Après tout, il ne s'agissait que d'un rêve, d'un mirage !

Le temps d'un rêveWhere stories live. Discover now