Dragonniers ‒ Eiran (T1) [MxM]

Chapitre VIII : La crise au Royaume 2/2

Tandis que les deux têtes couronnées humaines s’affrontaient du regard, la troisième – sans doute la plus importante vu les circonstances, se décida à prendre part au débat.

Le Roi Dragon avait reprit constance, balayant l’assistance de son regard intimidant, l’expression impassible.

Et dire que tout ceci était de sa faute – c’était ce que tout le monde pensait en cet instant.

– Quelle est cette histoire ? Demanda-t-il alors, froidement. Comment des Dragons ont-ils pu se retrouver chez toi, Goidridh ?
La stupéfaction se lisait sur le visage de tous, sauf sur celles de l’Empereur et de Krynian.

Ainsi… Il ignorait la présence des siens à Emeroth ? En tout cas, il avait l’air véritablement furieux de le constater !

D’un geste de la main, il fit reprendre une forme humanoïde au Dragon qui accompagnait l’Empereur. Celui-ci n’avait pas l’air particulièrement fier d’être face à lui dans de telles circonstances.

– Il était temps pour toi de partager les tiens avec nous, répliqua Goidridh. Regarde-les ! N’ont-ils pas l’air en grande forme ?

Cela, je devais l’avouer… Tous leurs Dragons semblaient aller bien. Même si les sourires étaient absents pour le moment – vu la tension palpable qui planait sur nous, je le comprenais.

– Qui ? Qui a permis une chose pareille ? Tonna Krynian, hors de lui. Quel inconscient a désobéi !

Le silence était glaçant. Visiblement, il cherchait le responsable de la mutinerie dont il avait été victime, au même titre que nous… et ce n’était pas rassurant du tout.

– Demande à ton fils, ricana l’Empereur. Trahi par la chair de sa chair, quelle humiliation…

Les regards se tournèrent vers Krynian, qui ne semblait pas vouloir y croire. Son propre fils…

Depuis quelques années, son fils Neykan apprenait à ses côtés afin de reprendre son rôle le jour venu. Il assistait aux Cérémonies, aux entretiens, aux présentations… Seulement personne ne faisait jamais réellement attention à lui. Moi-même d’ailleurs, je n’avais pas fait attention à lui lors de la Cérémonie de Griff.

Il était plutôt discret. Bien plus impressionnable que son père, en tout cas. Moins intransigeant. Moins méfiant. Et, quelque part, à être habitué à négocier avec un souverain tel que Krynian, on avait l’impression que son fils tenait plus d’un suivant ou d’un domestique qu’un prince héritier.

Cette trahison était tout de même inattendue de la part d’un type aussi effacé et discret. La preuve : personne n’avait jamais envisagé que cela soit de sa faute. Personne, pas même moi, n’avait, ne serait-ce que songé, à le soupçonner de quoi que ce soit…

Pourtant, c’était de sa faute, toute cette histoire. Quelle inconscience ! Surtout de la part d’un fils qui avait grandi au plus près du Roi Dragon et était ainsi le plus capable de comprendre ses choix, sa philosophie.

– Il est hors de question qu’un seul Dragon ne soit confié à Emeroth, ni par moi, ni par mon fils ! Tu le savais parfaitement, mais tu as tout de même manigancé pour les obtenir !

– Je dirais plutôt que ton fils avait un ardent désir de t’impressionner ! C’est si facile de manipuler ce genre de pauvre petit fils à papa… Il avait l’air tellement fier d’avoir une chance de te plaire, d’être à ta hauteur – c’en était hilarant !

Krynian commençait à montrer des signes de faiblesses, d’impatience. Il aimait la chair de sa chair plus que tout au monde, sans doute plus que son statut de Roi… Et de constater qu’il l’avait berné – même en pensant bien faire – était un échec. Un échec parental aux conséquences désastreuses, et pas uniquement pour leur espèce !