1. Margot : L'annonce

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Nous n'avions plus que 3 ans à vivre. 3 ans, c'est à la fois beaucoup et pas assez. On dit que la vie est courte, mais ceux qui le disent ne savent pas de quoi ils parlent. La vie est un voyage aux multiples étapes. Il s'avère parfois qu'elle s'arrête brusquement, alors que le voyage ne fait que commencer. La tristesse, puis l'angoisse nous accable. On sent la fin venir. Jusqu'à ce que la mort nous surprenne, un jour où le soleil se dresse haut dans le ciel.

« Cancer du poumon, toutes les deux »

6 mots exactement, et pourtant dévastateurs. 6 mots prononcés par notre médecin. Son visage exprimaient, ou plutôt, faisait semblant d'exprimer un regret. Avec son métier, on doit faire cette annonce assez souvent. On en devient donc impassible, même en voyant les personnes devant nous sombrer dans la tristesse. Cela en devient machinal ! Prononcer les mêmes mots à chaque patient pour voir à chaque fois la même expression du visage. La personne est accablée, détruite. Mais le médecin ne s'en soucie pas : il a fini son travail.

Mes deux parents ne savaient que faire en apprenant la nouvelle. Essayer de ne pas trop fondre en larmes et rassurer leurs enfants ? Ou, au contraire, s'effondrer de désespoir en se demandant qu'est-ce qu'ils avaient fait de mal pour avoir ça ?

Mes parents ont essayé de la première option, mais mon père n'a pas su se retenir de pleurer. Ma mère la suivit quelques secondes plus tard, et nous nous retrouvions dans leur rôle : les réconforter. C'est quelque chose d'assez embêtant : dire à nos parents de ne pas pleurer notre propre mort ! En même temps, je l'ai comprenais : perdre leurs deux filles à la fois, ça faisait beaucoup. Bizarrement, je n'étais pas très affectée par ce virus qui se promenait dans mes poumons : le cancer.

Je pense surtout qu'à ce moment-là, je ne m'en rendais pas compte. A 12 ans, la réalité nous échappe. On se sent invincible, immortel. La mort n'est qu'une chose qui se trouve dans les histoires. Personne ne meurt et c'est parfait. Évidemment, je ne dis pas que je vivais dans un monde de licornes qui crachent des arcs-en-ciel. Mais je ne vivais pas non plus en enfer.

Ma jumelle et moi, on avais repris notre vie normalement, comme si rien ne s'était passé. Pour nous, c'était le cas. Un cancer ? Les médicaments marcheront ! Nous serons tirées d'affaire ! Notre réaction aurait elle pu être autrement ? Je ne crois pas. Il me semble que les enfants de 11 ans sont comme ça. Inconscients.

Le véritable problème de cette maladie, c'est la pitié qu'elle engendre. Lorsque les enseignants ont été avertis, ils ont adoptés un changement d'attitude. Regard triste en coin, devoirs pas obligatoires, points en plus sur les notes pour « redonner le moral ». Nos camarades n'y sont pas restés infaillibles. Le doute s'est installé et, finalement, ils ont compris.

Évidemment, cette pitié a attiré des conséquences. C'est là que la descente aux enfers a définitivement commencée. Les trois facteurs n'ont cessé de se répéter.

Cancer. Pitié. Fatigue.

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