3. Margot : Une rencontre

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Je n'ai jamais aimé l'hôpital. Rien que l'idée de m'y rendre me répugnait. Un endroit fade, sans couleur, sans joie. Un endroit où les gens pleurent et meurent en silence. Je ne voulais pas finir ma vie dans un endroit pareil. Alors, j'ai à nouveau essayé de tenir, de me ressaisir, et de ne pas finir comme la plupart des gens lorsqu'il arrive ici.

C'était encore pire qu'à la maison. J'étais seule. Encore plus seule qu'avant. Mais j'avais un objectif, et je ne voulait pas échouer. J'ai donc persévéré.

J'ai fait la rencontre d'un petit garçon. Il avait 6 ans. Il s'appelait Maxens. Tout blond, tout mignon. On s'est vu la première fois alors qu'il avait été transféré dans ma chambre. Il aimait que je lui raconte des histoires, que je lui fasse des câlins, que je lui parle de tout et de rien. Lui, il me racontait ce qu'il vivait à l'école, qu'il était amoureux d'une fille, qu'il aimait jouer avec ses copains. Un jour, alors qu'il était en train de dormir, ces parents sont venus me parler. Ils m'ont d'abord remercié d'être à ses côtés, d'être son amie.

Et ils m'ont raconté pourquoi il était là.

Il avait un cancer du foie. On l'avait mis sur liste d'attente pour la greffe. Les médecins pensaient qu'ils étaient trop tard. Qu'ils ne trouveraient pas un donneur à temps. J'ai alors proposé de donner le mien. On m'avait dit qu'il n'était pas endommagé, alors j'ai voulu faire un bon geste. Au moins, j'aurais accompli quelque chose dans ma vie. Mais c'était impossible. Il aurait fallu que je sois morte. Et ma mort aurait du être cérébrale. Or, je n'étais pas morte. Et j'allais mourir à cause de mes poumons. Je m'en voulais. De tout mon être, je m'en voulais. Mon corps allait mourir, et je ne pouvais même pas en tirer quelque chose. C'était injuste.

Après ça, j'y ai longuement repensé. Comment un cancer pouvait tomber sur quelqu'un qui n'avait même pas encore commencé à vivre ? Maxens n'avait que 6 ans ! Et il allait mourir. Tout le monde finissait par mourir. Seulement, certains avait la chance de vivre, et d'autres non.

- Je vais mourir.

Cette phrase mettait sortie de la bouche toute seule. Je n'y avais pas fait attention, et Maxens l'avait entendu. Un enfant de 6 ans avait entendu ma phrase morbide.

- Moi aussi.

Sa réponse m'avait achevé intérieurement. Avait-il seulement conscience de ses paroles ? Savait-il ce qui l'attendait ? Si même moi, je n'arrivais pas complètement à comprendre, lui ne devait pas savoir ce que voulait dire "mourir". La mort. Quelque chose d'horrible dont on a peur. Mais Maxens n'avait pas peur. Il ne réalisait pas.

Après ça, on n'en a plus jamais reparlé. Je me sentais nulle d'avoir prononcé cette phrase. Je trouvais ça injuste qu'il est eu cette réponse. Comment un enfant pouvait-il dire ça avec autant de calme, alors que, partout dans le monde, des adultes pleuraient parce qu'ils allaient mourir ? Je voulais, pour réparer mon erreur, faire de chacun de ses jours des jours uniques. Parce que, au fond de moi, je me rappelais les paroles de ces parents.

"Maxens n'a plus qu'un mois à vivre."

Et Maxens allait vivre le meilleur mois de sa vie.

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