Épilogue

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Le calme était revenu à Déalym.

Au plus grand bonheur de tous ses habitants, la forêt avait recouvré sa paisible tranquillité. Les soldats étaient rentrés chez eux, aussi vite qu'étaient apparues leurs ombres serpentant dans la nuit et les dirigeants du Royaume s'étaient empressés d'étouffer cette sale affaire. Le roi avait ordonné à ses hommes de taire cette cuisante défaite et, très rapidement, le nom de K. était tombé dans l'oubli.

Le criminel leur avait échappé. En plus de s'être évadé avec une déconcertante facilité, il avait réussi à se soustraire aux moyens mis en œuvre pour l'arrêter. L'humiliation avait été grande, immense même, inavouable. Un secret que la forêt garderait sagement pour elle, avec toute la bienveillance imaginable. Farétal conserverait le souvenir de ce qui l'avait habitée, échos éphémères de son existence millénaire.

Deux êtres, dont le domicile se situait au cœur de Farétal, portaient la fierté d'avoir mis en déroute la vigilance de plusieurs centaines de gardes. Deux êtres, un frère et une sœur, dont la vie était brutalement revenue à la normale. Pour eux, dans le silence qui leur avait été imposé, un manque incommensurable grandissait sans connaître de fin. La douleur ne s'apaisait pas, elle finissait seulement par devenir tolérable.

Abby avait assisté à la déchéance muette de son frère aîné. Sans un mot, sans même une plainte, Sheran avait souffert de l'absence de celui qui avait bouleversé son existence entière. Lui qui s'était reposé durant des années sur le confort de sa demeure endurait de la monotonie de son existence. Il comprenait désormais le goût prononcé de sa sœur pour les grands espaces, pour cette liberté qui lui était si chère.

Lui...

Kyo. Comment oublier un être de sa trempe ? Comment oublier l'adrénaline qui l'avait accompagné jusqu'au dernier instant ? Comment oublier l'ivresse qu'il avait su créer dans son sillage ? Comment remplacer cet être d'exception ? Comment écarter la justesse de ce qu'ils avaient partagé ? La réponse était unanime et tenait en une poignée de mots : on ne le pouvait simplement pas.

Terrés dans leur maison, Abby et Sheran espéraient sans relâche à l'aube et souffraient de désillusions dès l'arrivée du crépuscule. Un éternel et douloureux recommencement. Qui viendrait y mettre un terme ? Le médecin priait pour que Kyo les rejoigne avant que la mort ne vienne toquer à leur porte. Il avait toujours craint cet ennemi contre lequel il ne pouvait rien et tout cela le rendait pessimiste, morose, comme si la flamme qui le nourrissait jusqu'alors s'était éteinte sous le souffle d'une bourrasque trop violente. Portait-elle le nom de son amant ? Non, il refusait de le croire coupable de quoi que ce soit.

Des mois venaient de s'écouler. Interminables, sans que rien ne les distingue les uns des autres. Même Abby se montrait incapable de dénombrer les mois qu'elle avait vu passer suite au départ de Kyo. Une année avait passé pourtant, presque une année entière sans une nouvelle, sans un signe de vie. Elle voyait son aîné décrépir par sa faute et ne parvenait pas à lui en vouloir. Ne comptant plus les tentatives pour rendre le sourire à son frère, elle avait épuisé toutes ses ressources, le pilier de sa vie ne supportait plus de porter ce titre bien qu'il n'existe aucune forme de rancœur entre eux. La détermination farouche d'Abby avait battu en retraite et se contentait désormais d'espérer que le vent tourne. Qu'un miracle n'apparaisse.

Sheran aussi se risquait à prier pour l'avènement d'un tel phénomène. Il ne savait que faire de plus efficace. Traverser la frontière à son tour et ainsi abandonner cette vie qui l'écœurait au plus grand des secrets ? Attendre un signe, de quoi raviver ses espérances ? Rien ne semblait à la hauteur. Rien ne sembla à sa hauteur. Kyo avait rendu son sens à la vie, à une vie pleinement vécue, et en la quittant, il lui avait ôté toute saveur.

Coeurs en cage [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant