Tribu : La Flamme [Tome 2]

Chapitre 28 : Rescapés (2/2)

L'odeur enivrante et sucrée des gaufres chaudes qui sortaient tout droit de la cuisine parvint aux narines de la jeune femme aux cheveux auburn, retenus dans une longue tresse qui pendait sur son épaule droite. Elle détailla le reste du contenu de son déjeuner. Trois tranches de pain étaient déposés sur une assiette, et à côté, différents couverts afin de se servir abondamment de beurre et de confitures en tous genres. Un bol de lait chaud remplie se tenait juste devant elle à quelques centimètres d'une tasse de café dont les effluves lui parvenaient au même titre que l'odeur de la pâtisserie. À l'exception que celle de la boisson chaude, semblait étouffer la pièce.

Pendant un instant, Nima pensait être revenue en Bellvuannie et s'attendait presque à voir débarquer des soubrettes, piallant dans tous les sens, en ayant pour principal sujet de conversation, sa garde de robe... il n'en fut rien. La table longue de plusieurs mètres, avec au bout un Dornan tout aussi absorbé qu'elle par son déjeuner, lui faisait bien comprendre qu'elle était en Montaudréanie et pas à la Cour bellevuenne.

Cette ambiance pesante était loin de lui plaire. Elle avait espéré qu'en gagnant la salle à manger, elle aurait retrouvé le reste de ses compagnons et qu'elle éviterait ainsi de subir la présence de Dornan. Hélas, en dirait bien que le Tout-Puissant et les Astres en avaient décidé autrement.

Ce matin, la gouvernante était venue lui dire que le déjeuner était servie en bas. Elle était donc descendue. Une fois dans la salle à manger, elle avait trouvé le jeune homme au catogan, attablé, l'attendant pour déjeuner. Elle était loin d'être stupide. Elle savait que le jeune comte y était pour quelque chose dans cet étrange événement, mais elle préférait ne pas mettre de l'huile sur le feu. Il voulait l'avoir pour lui tout seul, pour sans doute l'humilier encore. Qu'il en soit ainsi. Dans ce cas, pourquoi diable restait-il murer dans son silence et l'observait-il du coin de l'oeil !

— Merci pour la robe de nuit, gratifia-t-elle poliment en espérant que cette approche délit les langues.

— Je t'en prie.

Nouveau silence. La jeune femme se décida à attaquer son déjeuner et prit une bouchée de sa gaufre. Elle sentait le regard du montaudréen sur elle, mais elle refusait de le regarder. Ce n'est que lorsque l'un des valets vint informer son maître de détails qui lui échappait, qu'elle se laissa le temps de le contempler.

Toujours aussi crâneur, pensa-t-elle avec un sourire en coin en buvant son lait à petite gorgée.

Il arborait une barbe de trois jours. Son nez légèrement busqué, ses yeux bruns pétillants de malice, ses longs cheveux sombres attachés... Elle constata qu'il était déjà habillé et soudainement elle prit conscience de sa tenue. Dans un geste pudique, elle tenta de presser davantage les pans de sa robe de chambre verte contre elle. Cela lui fit penser à quelque chose.

Comment se faisait-il qu'il possède des vêtements de femme chez lui ? À part les domestiques, il n'y avait aucune femme dans le manoir. Et les vêtements qu'on lui avait porté étaient ceux d'une femme de la noblesse montaudréenne, pas d'une servante. Son sang ne fit qu'un tour. Est-ce que ces habits avaient été portés par les conquêtes de Dornan qui arrivaient à passer la nuit ici ? La guerrière se leva subitement de table, laissant son déjeuner. Intrigué par ce geste, Dornan congédia son serviteur et reporta son intention sur son invité :

— Que fais-tu ? demanda-t-il.

En entendant sa voix, Nima stoppa son ascension vers le couloir. Elle était à deux doigts de sortir de la pièce. Entendre la voix de Dornan qui lui faisait encore beaucoup trop d'effet à son grand désarroi, avait réveillé ses sens. C'est la première chose qu'elle avait remarqué, lors de leur première rencontre : son accent nordique. Il parlait d'une voix grave, traînante et posée. Cet accent qui rendait folle toutes ces dindes !