La Légende d'Aédé

30. Tan

Jinah émergea de sous la couverture bleue, totalement décoiffée. Lorsqu'elle le vit, elle poussa un cri et s'enfouit sous les draps.

    — Sympa l'accueil, rit Tan, couché sur le côté.

    — Qu'est-ce que tu fais là ? cria-t-elle sans sortir.

    — C'est toi qui m'as demandé de rester je te signale, se justifia-t-il, hilare.

    Jinah gigota sous les couvertures et ressortit la tête. Tan ne put s'empêcher de sourire. Son air furieux et gêné ne la rendait que plus adorable. Il marqua une pause dans le cours de ses pensées, surpris par son propre constat.

    — Il ne s'est rien passé, si ça peut te rassurer.

    Jinah se laissa retomber lourdement sur son oreiller, les yeux clos.

    — Alors que fais-tu dans mon lit ?

    Tan laissa échapper un petit rire, amusé.

    — C'est comme je te dis. On s'est embrassé. Un moment d'ailleurs, souligna-t-il devant le visage cramoisi de la jeune fille. Et quand j'ai dit que j'allais dormir, tu m'as pris la main et m'a demandé de rester. Tu as d'ailleurs beaucoup insisté, se souvint-il. Tu m'as même dit que tu connaissais cette chambre et tu ne semblais pas très rassurée. Je me suis dit que tu étais très fatiguée et que c'était aussi la première fois que tu buvais de l'alcool hier soir. Quoi qu'il en soit, on a dormi ensemble mais rien de plus. 

    Jinah se mit les mains sur les yeux.

    — Oui je m'en souviens, marmonna-t-elle. Merci d'être resté, ajouta-t-elle timidement.

    Tan hésita un instant. Le souvenir de la soirée d'hier lui revint. Elle n'avait vraiment pas eu l'air de vouloir se trouver seule dans cette chambre. Comme si quelque chose l'effrayait. Il cligna des yeux pour chasser ces souvenirs et l'embrassa sur la joue, la faisant rougir davantage.

    — Je vais me changer, je te laisse. On se retrouve au petit-déjeuner.

    Il se leva et traversa la chambre en direction de la porte. Il jeta un dernier coup d'œil à Jinah qui marmonnait toute seule des choses incompréhensibles et sortit. Il se passa une main dans ses mèches brunes. En fait il ne savait pas vraiment comment prendre la situation. Tout en lui était tiraillé. 

    D'un côté, il ne voulait pas de relation amoureuse et ne savait même pas ce qu'il ressentait exactement pour Jinah.

    D'un autre côté... Le souvenir de leur baiser de la veille lui revint en mémoire. Il soupira d'aise. Ce moment resterait à jamais gravé dans sa mémoire, il en était certain. 

    Une femme de ménage qui passait par là le dévisagea un instant avant de lui faire un grand sourire plein de sous-entendus. Tan se sentit rougir. Il rendit le sourire de la femme, gêné, puis s'empressa de rejoindre sa chambre. 

    Lorsqu'il entra dans la salle à manger, seule Jinah était présente. Mal à l'aise, celle-ci fixait la table, l'air perdu. Tan la détailla tout en s'avançant. Elle avait mis une robe bustier, bleue, comme la plupart des choses présentes dans ce château, y compris la chemise du jeune homme, et ramené ses cheveux en arrière avec une pince. Lorsqu'elle leva la tête vers lui, les yeux de Tan furent immédiatement et implacablement attirés par ses lèvres, légèrement maquillées. De nouveau la soirée de la veille fit son apparition dans son esprit. Il secoua la tête. Pourquoi ne pensait-il plus qu'à ça ?

    Elle lui sourit en le voyant et Tan hésita. La belle assurance qu'il avait en se réveillant s'était totalement envolée. Il resta figé un moment en se grattant l'arrière de la tête, ne sachant que faire. Il essaya de ne pas revivre la scène du baiser mais son cerveau et son cœur ne l'écoutèrent pas. Tan pouvait presque les entendre lui souffler : vas-y, embrasse-la !