1. solstice d'hiver

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14 ANNÉES DANS LE PASSÉ

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❝ Jyn se savait en sécurité, tant que sa mère lui tenait la main. ❞

JYN ÉTAIT ASSISE sur un tabouret trop haut pour elle

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JYN ÉTAIT ASSISE sur un tabouret trop haut pour elle. Elle avait passé la journée à convaincre sa mère de la laisser manger à la table des adultes. Le solstice d'hiver était un événement très célébré dans le village d'Alvir : et cette année, Jyn avait passé la barre des dix ans. Il était hors de question pour elle de passer la soirée en compagnie des plus petits, alors qu'à la table des adultes, sous la grande tente des fêtes, elle pourrait écouter mille et unes histoires exotiques. 

Le vieux Kal, qui venait de s'installer dans le village, en était une source intarissable. Aedirn, Cintra, Kaedwen... il semblait avoir voyagé partout. Jyn balançait ses jambes dans le vide au rythme du luth. Elle avait beaucoup trop mangé, et son père l'avait autorisé à boire un peu d'alcool, si bien qu'elle se démenait à garder les yeux ouverts. 

- On va jouer dehors, tu viens ? l'interpella le cadet de ses frères. 

La petite Jyn secoua la tête, sans perdre une miette du récit de Kal. Il racontait avec passion les exploits de la Lionne de Cintra. 

Sa mère remarqua l'échange entre ses enfants et posa un regard concerné sur sa fille. Le récit du vieux Kal était beaucoup trop graphique à son gout : il n'était définitivement pas adapté aux oreilles d'une fillette de dix ans. Cependant, les yeux de Jyn étincelaient. La femme poussa un soupir attendrit et reporta son attention sur son mari. 

Soudain, les jambes de la fillette arrêtèrent de se balancer. 

En face d'elle, un pan de la tente avait remué, comme heurté par quelque chose. 

- Et c'est là que la reine dégaina son épée, couverte de sang de la tête au pied, et...

Jyn n'écoutait plus le récit captivant du vieux Kal. Son attention était fixée sur la toile de la tente, qui commençait à prendre feu. Rapidement, d'autres s'en aperçurent eux aussi : les discussions cessèrent. Les verres ne s'entrechoquèrent plus dans un joyeux brouhaha. Pendant quelques seconde, ce fut que comme si une force supérieure avait mit la soirée en pause.

La petite fille ne paniqua pas. Tout ce qui lui passa par la tête, fut que ses frères et sœurs allaient être dans un sacré pétrin : comment avaient-ils fait pour mettre le feu à la tente ? Maintenant, elle regrettait de ne pas être allée jouer avec eux. Elle n'était jamais là lorsqu'ils faisaient les meilleures bêtises.

Et puis, d'un coup, tout se remit en mouvement. Les adultes se levèrent précipitamment, des assiettes se brisèrent au sol. Des bras la soulevèrent de son tabouret. Jyn leva la tête : l'horreur mélangée à la peur qu'elle vu dans les yeux de son père fut une image qu'elle n'oublierait jamais. Il la déposa au sol. 

- Prend la main de maman, Jyn.

Le ton calme de son père jurait avec le chaos qui se déchaînait autour d'elle. Sa mère la tira en dehors de la tente. Elle avait beau serrer la petite main de Jyn, cette dernière sentit ses tremblements. 

Dehors, tout était rouge.

Les maisons brûlaient. Le feu, ardent, seule lumière dans la nuit, dévorait le village en entier. Sa mère cherchait ses autres enfants du regard - mais une flèche enflammée se planta dans un mur en bois à moins d'un mètre d'elle. Les flammes rougeâtres se reflétèrent dans les yeux de Jyn. Ce fut à cet instant qu'elle sortit de sa torpeur, et que son sang se glaça dans ses veines. Elle balaya le village du regard : un homme tomba au sol, inerte, et son assaillant chercha une nouvelle victime des yeux. 

Ce spectacle ne ressemblait en rien aux récits passionnant du vieux Kal. Les combattants n'étaient pas entourés d'un halo lumineux, comme les héros que la fillette s'était imaginés dans sa tête. Elle n'entendait pas le son des épées s'entrechoquant - seulement des cris. Des cris qui pénétraient dans sa tête comme des ondes de choc. Il n'y avait aucun combat héroïque. Seulement des hommes, des femmes, désarmés, qui tombaient au sol. 

Et du sang. Du sang noir, assombri par la pénombre. 

C'était un massacre.

- Elias ! hurla sa mère. 

Elias. Le plus âgé de ses frères. Il se tenait devant le cadavre d'un homme, un poignard à la main. Il ne bougeait plus. Ses yeux étaient fixés sur sa victime. 

- Elias ! répéta sa mère. Derrière toi !

Sa voix avait des élans de désespoirs. Mais elle tenait toujours la main de Jyn : la fillette se savait en sécurité, si sa mère lui tenait la main. 

Soudain, sa mère l'attira contre elle et lui cacha les yeux. Des sanglots soulevaient sa poitrine. Jyn tenta de se dégager, effrayée face à sa vision obstruée. 

- Maman... murmura-t-elle. 

Celle-ci lui attrapa le menton et planta ses yeux pleins de larmes dans les siens. L'ordre qu'elle lui donna résonna dans les oreilles de la petite fille :

- Cours aussi vite que tu le peux. Ne te retourne pas. 

Elle lâcha sa main. Et elle la poussa en direction de la forêt. Jyn obéit, trop effrayée pour réfléchir par elle même, et elle courut sur une dizaine de mètres sans rencontrer d'obstacles. Mais un cri féminin résonna derrière elle. Jyn se retourna. 

Les flammes se reflétèrent un instant sur l'acier poli d'une épée - le corps de sa mère tomba en arrière, dans un bruit sourd. 

Jyn hurla. 

L'assassin l'avait de toute manière déjà repérée : le sacrifice de sa mère n'avait fait que ralentir l'échéance. Lorsqu'il s'élança vers elle, Jyn se tut. Ses yeux s'écarquillèrent de terreur. Il était encore loin : elle pouvait le distancer. Après tout, elle était la meilleure des enfants du village à la course. 

La fillette aurait voulu courir vers sa mère, mais la menace de l'homme qui s'approchait d'elle réveilla ses instincts, et elle s'enfuit. Elle courut de toutes ses forces. Ses jambes la brûlait et le chemin était parsemé d'obstacles, mais la petite Jyn connaissait le village comme sa poche. Elle ne tomba pas. 

Cela ne fut pas suffisant. 

Des bras puissants l'attrapèrent, tout comme son père l'avait fait un peu plus tôt. Mais cette fois ci, l'homme jeta violemment l'enfant qui se débattait contre le sol. Jyn retint un cri, se retourna.

L'homme dégaina son épée. L'acier était désormais à peine visible sous la couche de sang. Jyn tenta de se relever sur ses coudes, mais la lame frappa. Sa gorge fut nettement tranchée : la douleur eut à peine le temps de surgir, que sa vision se brouilla. 

Les muscles de la fillette se détendirent. Elle reposait, inerte, contre le sol - et le meurtrier était déjà repartit.

HEARTLINES | The WitcherWhere stories live. Discover now