Chapitre 14

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- Plus que demain et la semaine prochaine et à nous les congés d'été ! S'extasie Minho en s'étirant de tout son long alors que nous arrivons devant la porte de mon immeuble.

Je lui souris et acquiesce, c'est vrai que quelques semaines de repos ne feront de mal à personne, même si depuis que les dernières notes du semestre ont été données, nous sommes tous plus serein lorsque nous nous rendons au lycée. Surtout moi d'ailleurs, puisque à peu près au même moment, j'ai commencé à accepter les garçons et donc, je ne suis plus jamais seule lorsque je suis à l'école, chose qui n'est pas arrivée depuis des années. Si ce n'est pas depuis toujours.

- Passe une bonne soirée, et fais attention à toi au travail ! Lance mon accompagnant avant de me tourner le dos.

Je lui souhaite la même chose et rentre à l'intérieur. J'ai un peu de temps libre avant le début de mon service me permettant de redécouvrir quelque chose qui commençait à me manquer, dessiner.

À peine ai-je posé un pied dans mon appartement que j'ai enclenché la bouilloire, ouvert mon store et nettoyé ce qui traîne sur ma table pour pouvoir m'installer correctement pour travailler. J'ai l'impression que l'arrivée de ces neuf enfants turbulents dans ma vie fait plus que soigner ma solitude chronique, ils m'aident aussi pour retrouver le goût de petites choses toutes bêtes que j'avais fini par délaisser avec le temps.

C'est avec le sourire que je me suis installé derrière mon carnet de croquis, un thé bouillant à droite et mon téléphone à ma gauche, n'ayant aujourd'hui, presque, plus peur d'un appel ou d'une notification. Ca ne peut jamais être quelque chose de bien grave.

Vers dix-huit heures, la légère perte de luminosité dans la pièce me rappelle à l'ordre. Après plus de deux heures à laisser aller ma fibre artistique, je range mes affaires et commence à me préparer pour me rendre au restaurant où je suis attendu dans une demi-heure.

Je saute dans mes chaussures quand, au même moment, quelqu'un frappe à la porte. Désabusée, me doutant bien de qui se trouve derrière, je prends mon temps de finir de faire mes lacés. Jisung va devoir comprendre que je suis assez grande pour aller à mon travail toute seule.

Je déverrouille sans la moindre appréhension la porte et l'ouvre sans prendre la peine de vérifier dans le judas de qui il s'agit, chose que j'aurais encore fait il y a deux jours.

Et j'aurais dû le faire ce soir. J'aurais dû.

- Bonjour ma fille, ça fait longtemps. Grince sa voix à mon oreille.

Mon instinct de survie répond à ma place, sans lui, j'aurai laissé la porte de mon appartement grande ouverte à ce qu'il reste de mon père. Mais comme toujours dans les situations qui me dépassent, mon corps a agit seul et avant qu'il n'est le temps d'ouvrir de nouveau sa bouche sale, j'avais claqué la porte et refermé tous les verrous un à un.

Il s'est mis à frapper contre cette dernière, de toutes ses forces en hurlant des choses déformées par sa mâchoire abîmée, mais malgré ça, mon cerveau comprends, il comprend tout.

- Tu devais m'apporter la réussite, mais depuis que tu es sur terre, je n'ai plus rien.

Je plaque mes mains contre mes oreilles et me laisse choir contre la porte qui vibre sous ses coups, il ne doit pas réussir à entrer.

- Tu es ma fille Naesil, tu te dois de m'aider, tu ne peux pas vivre bien au chaud alors que l'homme qui a toujours prit soin de toi est à la rue.

Je serre les poings et me mets à frapper mes tempes, espérant qu'il n'est pas vraiment là, qu'il se trouve juste dans ma tête. Il ne peut pas être revenu, pas maintenant, pas ici.
Je ne veux pas partir, je ne veux pas fuir. Pas maintenant que des gens me retiennent ici. Pourquoi me fait-il ça ? Pourquoi m'inflige-t-il sa vie misérable ?

- Laisse moi entrer, je suis ton père, tu dois m'obéir.

Mes cordes vocales lui répondent, afin de couvrir le bruit de sa voix rauque qui résonne en moi. J'ai mal, mais je hurle, de toutes mes forces. Peut-être qu'il va se dissoudre sous mes cris, qu'il va disparaître à tout jamais pour que je puisse essayer de vivre ma vie et de me reconstruire, enfin. 

- Ça ne sert à rien de te voiler la face, tout ça, ma situation, c'est de ta faute ! C'est de ta faute si Eunji est mort, de ta faute si ta mère m'a quitté et aussi si j'ai fait faillite. Tout est de ta faute, tu dois te faire pardonner !

Et là, pour la première fois depuis longtemps, des larmes éclatent sur mon visage. J'arrête de crier alors que mon regard se pose sur le portrait de famille reposant sur mon plan de travail. Je quitte ma place et rampe pour l'atteindre. Quand mes doigts rentrent en contact avec la surface lisse, je ressers le plus possible ma prise avant de lancer le cadre à travers mon petit appartement.

C'est de ma faute, je ne suis pas légitime d'avoir cette photo chez moi. C'est de ma faute si tout ceci n'existe plus.

Alors que le bruit du verre brisé se répercute aux poings de mon père sur la porte, je me hisse jusqu'à mon lit où je sors une petite boîte argenté.

Je suis bien sa fille, je l'ai fait sombrer, mais le précipice était trop attrayant et je l'ai rejoint, les yeux fermé, comme une fille fait confiance à son père.

Je rejoins ma porte au pied de laquelle je me roule en boule et attrape trois gélules que je viens enfoncer au fond de ma gorge et j'attends. J'attends désespérément qu'elles fassent effet. J'attends de ne plus entendre sa voix ni ses coups.

J'attends que son image d'homme brisé disparaisse de ma rétine. J'attends que les ténèbres m'enveloppent.

Et j'espère, au plus profond de moi, qu'elles le feront, pour toujours. Puisque c'est tout ce que je mérite pour avoir infligé à un homme qui m'aimait de tout son être, la vie la plus misérable qu'il soit.

Fate (Stray Kids FF)Where stories live. Discover now