Chapitre 1

66 10 3
                                    

Quelques heures plus tard, j'arrivais devant le seuil de mon appartement. Le cœur battant la chamade et les mains tremblantes, je ne parvenais pas à déverrouiller la porte. J'étais dans une angoisse folle. Je n'arrivais plus à réfléchir de manière cohérente. Soufflant un bon coup, j'arrivais finalement à tourner la clef dans la serrure et je me précipitais à l'intérieur, puis je m'empressais de tout verrouiller derrière moi. Peinant à respirer correctement, je me laissais glisser le long de la porte avant de fondre en larmes. Je n'arrivais pas à chasser ces images de ma tête. Je revoyais l'homme vêtu de noir abattre sans la moindre émotion le conducteur affolé. Je le revoyais presser la détente, encore et encore. Et surtout, je revoyais son regard braqué sur moi, son regard dénué d'expression, le regard froid d'un homme qui venait d'ôter la vie sans le moindre remord.

- Surtout, si vous avez besoin de quoi que soit, appelez-moi.

Les paroles de l'inspecteur de police qui avait pris ma déposition me revenaient aussi sans cesse en mémoire. Il avait parlé d'un choc post-traumatique. Il m'avait mis en garde contre la paranoïa liée à au stress, mais en cet instant, je n'en avais que faire. J'étais comme dans un état second. Je n'avais même pas remarqué la présence d'Hilton, mon labrador, qui jappais et qui venait se coucher à côté de moi, posant son museau sur mes genoux, comme pour me faire réagir.

- Oui, ça va, ça va,murmurai-je en le caressant.

Je me relevais en chancelant, suivi de près par mon compagnon, et décidais d'allumer toutes les lumières de mon appartement. Une fois cela fait, j'allumais également la télévision et décidais de mettre un film, une comédie, et je montais le son suffisamment fort pour qu'il puisse combler le silence qui me terrifiait. Puis, je décidais de faire chauffer de l'eau pour me préparer un thé. Je faisais toutes ces actions par habitude, pensant pouvoir chasser de mon esprit cet événement en me refugiant dans ma zone de confort. Pourtant, je ne parvenais pas à me calmer. Je n'arrivais pas à suivre le film que je connaissais par cœur. Je n'arrivais pas à boire ma boisson tellement la boule d'angoisse qui me serrait le ventre me donnait des haut-le-cœur. Assise sur mon canapé, tremblante de la tête aux pieds, je ne savais pas quoi faire. J'étais complètement paniquée. Réalisant que je ne pouvais pas me sortir seule de cette situation, j'étais sur le point de téléphoner à Dyn, mon meilleur ami, quand un bruit attira mon attention, et également celle d'Hilton.

Surpris, le chien sauta de mes genoux et s'avança dans le couloir en direction de la salle de bain. Puis, il se stoppa, et commença à grogner, chose qu'il ne faisait jamais d'habitude. L'adrénaline pulsant encore dans mes veines, je me dirigeais vers ma cuisine et attrapais un couteau. La paranoïa devenait à cet instant bien réelle. Et si cet homme en avait après moi maintenant ? Et s'il me voulait du mal ? Un tas de pensées irrationnelles me traversait l'esprit. Entre temps, Hilton s'était mis à aboyer. Je me dirigeais rapidement vers lui, lui ordonnant d'arrêter, et me précipitais dans ma salle de bain, mon arme de fortune en main. Il n'y avait évidemment personne.

- Je deviens complètement folle, soupirai-je en jetant un regard à Hilton.

Lessivée, je m'apprêtais à retourner sur mon canapé lorsque je le vis.

Il était là. Immobile, dans l'encadrement de la porte de mon salon.

Il me faisait face.

Je ne sais pas pourquoi mais à cet instant, il m'était de nouveau impossible de bouger. J'étais tétanisée, terrifiée par l'homme qui se trouvait devant moi. Pourtant, mon instinct de survie était bel et bien toujours là. Comme pour me donner du courage, je resserrais ma prise sur mon arme, mais je restais totalement stoïque. Hilton quant à lui avait cessé d'aboyer et restait à mes côtés. Je savais qu'il était attentif à la moindre de mes réactions.

- Hey ...murmura-t-il d'une voix rauque, je ne te veux aucun mal.

Il leva les mains en l'air pour confirmer ses dires, et il laissa malgré lui échapper un grognement de douleur. Il semblait mal en point.

- J'ai besoin de ton aide, continua-t-il.

-Sortez de chez moi, le menaçai-je en brandissant mon couteau.

- Je crains que ça ne soit pas possible,répondit-il en s'approchant d'un pas.

J'analysais rapidement la situation avec une panique grandissante. J'étais complètement coincée.

Non, il y a toujours une issue, pensai-je.

Comment faire pour m'en sortir ? D'un rapide coup d'œil, je jaugeais la distance qui me séparait de ma porte d'entrée. Je pouvais l'atteindre avant lui, c'était certain. Cependant, la déverrouiller me prendrait trop temps, et m'obligerait à lui tourner le dos, ce qui n'est pas une brillante idée. Retourner dans ma salle de bain ? Mauvaise idée également, il m'était impossible de sortir par là à moins de me retrouver suspendue dans le vide à plus d'une quinzaine de mètres du sol. Il me restait une seule solution, mais pas des moindres, qui consistait à le mettre hors d'état de nuire en frappant en première. Le problème étant son pistolet qu'il avait à la taille. Si j'agissais assez vite, j'avais peut-être une chance. Il était sans le moindre doute blessé vu la façon dont il se tenait, mais il fallait frapper juste, je n'aurais pas le droit à une seconde tentative.

- Elizabeth Brown. Tu as vingt-et-un ans cette année et tu es étudiante en photographie à l'université d'Oxford. Tu es fille unique, et tu as perdu ton père à l'âge de 10 ans, il est mort d'une overdose. Ton meilleur ami, Dyn Smith, est étudiant en cinéma et vous travaillez souvent ensemble. Tu l'aides à réaliser ses projets. Tu sembles être brillante d'après tes professeurs, et toujours soucieuse des autres. Je suis rarement du genre à m'avancer mais j'en déduis facilement que ton comportement est en lien avec le décès de ton père. Tu n'as pas pu le sauver étant gamine, alors tu cherches à être là pour les autres, à les sauver, d'où ton implication dans les cours de soutien que tu organises. Ton travail est reconnu, ton site est très consulté. Pourtant, ta carrière ne décolle pas car tu veux rester indépendante. Bosser pour un journal ou pour une boîte ne t'intéresse pas, tu préfères être libre de toute contrainte. Dois-je continuer ? Ai-je toute ton attention ?

Figée par l'effroi, je laissais tomber mon couteau au sol avant de reculer avec précipitation. Comment ce type pouvait-il savoir autant de choses sur moi ?

- Bien ! poursuivit-il en s'avançant dans ma direction, j'ai besoin de ton aide, Elizabeth.

WITNESSWhere stories live. Discover now