Lady von Dast [Ruthless Ravenwell - 2]

38 - Let him go

ISOBEL

L'aube se levait doucement sur Ravenwell. Isobel était passée voir son père une dernière fois et elle avait récupéré tout ce qu'elle avait ramené à Ravenwell en partant d'Irmingarde. Seulement trois semaines s'étaient passées depuis qu'ils étaient partis de Condé mais elle avait l'impression que cela faisait des années.

La rénovation du Temple avait été interrompue et le calme qui régnait dans la ville lui donnait des frissons. Elle se tourna vers Rabier, le capitaine du Taraske qui lui tendait les rênes de la jument de son père. Tempête était toujours aussi belle, avec sa robe noire et ses yeux pétillants.

"Elle est revenue toute seule, à la caserne. C'est ce qu'elle faisait tout le temps.

- Merci, capitaine. J'en prendrai grand soin."

Elle avait dit à son père qu'elle préférait les grands chevaux trop poilus de Hochen, qui faisaient presque deux mètres de haut et étaient tout en muscles. Mais elle ne supporterait pas de laisser la jument de son père toute seule ici, sans personne pour la monter. Pire, il lui était insupportable de penser que qu'un étranger ne la monte.

Plus loin, son beau-père discutait avec le nouveau commandant du Taraske. Il était le chef des soldats du Taraske depuis plus de cent vingt ans maintenant mais il n'en avait pas le titre, puisqu'Yvan ne lui avait jamais officiellement transmis. Avec la mort de son père, la place était désormais vacante et il semblait naturel pour tout le monde que ce soit le commandant Joe qui la prenne.

Georges Isaac Joe était un patriote, un homme honorable, père de famille et récemment devenu veuf, à cause de l'Infection. Son père n'aurait jamais voulu que qui que ce soit d'autre ne vienne diriger le corps militaire des dragonniers. Elle les rejoignit, accompagnée de sa jument, qui donna un coup de tête affectueux à la licorne gracile de Taesch. L'animal cornu se détourna en un geste de mépris.

"Chaque jour, nous travaillons avec la mort mais c'est toujours difficile quand c'est un des nôtres qui part."

La voix du commandant Joe était râpeuse et un peu cassée. C'était la voix d'un homme qui avait vieilli trop vite. Il avait à peine deux cent ans mais il ressemblait à un humain de cinquante ans. Un humain de cinquante ans en parfaite forme physique et avec un charme indéniable mais tout de même marqué par l'âge. Il avait récemment pris vingt ans dans la gueule, sans doute à cause de ... tout ça. Isobel aimerait qu'il regagne ses cheveux noirs d'encre mais elle en doutait.

"Ah, Isobel ! Toutes mes condoléances."

Georges Joe ne l'avait jamais trop apprécié mais uniquement parce qu'elle était une fille forte. Il était persuadé que les femmes devaient être protégées, comme des fleurs délicates. Mais elle ne lui voulait pas. Il posa une main sur son épaule et elle sourit doucement. Elle en avait assez qu'on lui présente ses condoléances.

"Merci. J'ai appris pour votre femme, je suis désolée. Est-ce que vos enfants vont bien ?"

Le commandant hocha la tête, resta un moment le regard dans le vide, puis secoua la tête. Il passa ensuite sa main dans sa barbe imposante.

"J'ai appris que vous vous rendiez avec votre beau-père à Condé. J'en suis désolée. Vos petites farces vont me manquer."

Irmingarde était plus accueillante et plus verte que Ravenwell - quand la neige ne la recouvrait pas - mais la caserne allait lui manquer cruellement. La capitale ... Non, plus sa capitale. Elle rehaussa sa cape, marquée d'un loup et d'une licorne et haussa les épaules en souriant.

"Ne vous en faites pas, je pourrais peut-être mettre au point quelques farces pour vous si vous voulez !"

Charlie venait d'arriver dans la Cour. Elle flatta l'encolure de Tempête, qui la heurta d'un coup de museau humide. Elle portait une somptueuse robe pourpre, complètement ouverte dans le dos et un chapeau assorti, épinglé dans ses cheveux relevés en chignon. Bientôt, elle porterait une couronne et Isobel ne s'y faisait pas. Elle ne s'y ferait jamais.