Chapitre 4

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— Que fais-tu ici ?!
C'était une infirmière qui était censée être là, et non celle que je devais surveiller. Elle regarda un moment vers l'extérieur, puis s'avança timidement vers moi.
— Tu m'avais dit de choisir une zone...
La fin de la phrase restait en suspend, mais cela suffisait pour me ramener le déclic qu'elle attendait. Avant d'être envoyée en mission à la dernière minute, nous étions à l'accueil de Zodiacera et parlions de l'assigner à un pôle pour être mieux intégrée. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit déjà admise, à moins qu'elle soit encore en période de test. Après tout, nous avions beaucoup de blessés et il était évident qu'il fallait des mains d'œuvre en plus. De plus, cela faisait plusieurs heures que je souffrai dans la chambre sans me plaindre de l'attente, bien au contraire puisque je me faisais toute petite. D'autres personnes avaient des blessures plus graves que les miennes, et surtout, l'attaque venait tout juste d'être arrêtée, alors les médecins qui étaient sur le terrain devraient revenir et faire augmenter le nombre de docteurs.
— C'est vrai que tu es étudiante en médecine.
Eléonore acquiesça d'un hochement de la tête face à l'un de mes soupirs. Je m'installai alors confortablement dans le lit tandis qu'elle alla fermer la porte lorsqu'un soldat le lui défendit, la bloquant avec un coup de bras.
— Je suis blessée, en tant que surveillée, tu n'as pas le droit d'être seule avec moi.
Elle se tourna vers moi, compréhensive. La demoiselle se mit ainsi à me soigner, analysant tout d'abord toutes mes blessures, ma possibilité de mobilité et me posa des questions sur ce qui s'était passé. Tout se déroula comme il le fallait, elle avait effectué les étapes de mes soins comme si elle avait été dans le métier depuis des années. Eléonore était en plus très minutieuse, prenant de son temps tout en me rendant admirable, bien que je ne le montrai pas.
— Vous avez fini ?
Elle avait terminé au bout d'une trentaine de minutes, et nous étions en train de discuter, lorsque la porte s'ouvrit lentement. C'était le chef des meneurs qui était à l'embrasure et qui attendait une réponse de notre part. Ma soigneuse et moi, nous nous regardons un instant avant de hocher la tête.
La jeune femme se leva alors, rangea les outils médicinaux tandis que l'homme s'installait à une chaise qui était près de mon lit. Le silence planait dans l'atmosphère où Eléonore comprit qu'elle devait s'en aller, ce qu'elle fit sans poser de question.
— Tu vas bien ?
Je tournai mon regard, qui était sur la poignée de porte, vers mon chef qui s'était installée de telle sorte à ce qu'il puisse communiquer avec moi dans le confort. Son visage s'était quelque peu adouci par rapport à d'habitude où il était plutôt sérieux. Il semblait même s'être inquiété, puis rassuré de voir que j'étais dans un état correct.
Il attendait ma réponse bien que ce n'était pas spécialement nécessaire. Je hochai la tête pour le faire susciter du positif, puis lui adressai un léger sourire qu'il me retourna.
— Sais-tu si Jaycen est en train de travailler ?
J'ignorai s'il avait été mis au courant sur ce que nous comptions faire, alors je lui posai simplement cette question pour qu'il comprenne que je pensais à quelque chose en particulier. Un doux ricanement s'échappa de ses lèvres, ce qui m'affirma qu'il avait bien été informé.
— Ixion et lui n'ont pas quitté la salle informatique.
C'était une bonne chose qu'ils s'y mettaient de suite, le temps que Maur et Blanche ne reviennent pour reprendre le relais. Lors de ma deuxième rencontre avec Qays, son départ m'avait incitée à réagir et à le frapper avant qu'il ne s'en aille. Ce n'était pas pour ma fierté, mais il me fallait un contact physique avec lui pour lui planter une minuscule puce discrètement sur la nuque. La douleur qu'il avait ressenti ne devrait pas ressembler à celle d'une piqure étant donné que cet engin était fait spécialement pour être implanté sans être repéré. Etant donné que mon acolyte et moi travaillions depuis des années, il avait rapidement compris mes gestes avant mon évanouissement, ce qui nous faisait gagner beaucoup de temps.
Une main se posa sur la mienne. C'était celle de Steafan qui m'avait réveillée de mes pensées. Il me regarda un petit moment dans les yeux, ses pupilles dorées m'envoûtant comme elles le faisaient à chaque fois. Délicatement, ses doigts entamèrent des caresses sur ma peau, provoquant des frissons dans mon être.
— Sois prudente la prochaine fois.
Ces paroles me firent sourire. Je ne répondis pas, ce n'était pas indispensable. Il me disait cela à chaque fois que mon corps se retrouvait à l'infirmerie ou à un hôpital. Au fond, il savait que cette phrase ne porterait pas ses fruits vu les répétitions, mais cela me touchait énormément, et il le voyait.
Nous passions un moment beau et paisible, mais comme d'habitude, il ne durait que très peu de temps. Son mobile vibra, agitant un peu plus l'atmosphère calme qui régnait dans la pièce. Il soupira face à mon sourire, celui qui le soutenait. Son rôle de chef des meneurs n'était pas aussi facile que cela en avait l'air, il était constamment occupé et avait beaucoup de tâches dans sa liste de choses à faire. Ses priorités de supérieur faisaient qu'il n'avait plus beaucoup de temps à se consacrer à sa vie personnelle.
— Bon courage.
Les traits de son visage s'adoucirent quelque peu suite à mes mots, les bouts de ses lèvres s'élèvant doucement alors qu'il ramena l'une de mes mains jusqu'à ses lèvres, embrassant le dos. Ses gestes étaient lentes et douces, et elles étaient poursuivies par un baiser sur le front. Cela était la transmission d'un message qu'il ne me communiquait pas verbalement ; il me protégera malgré tout.
— Les choses deviennent imprévisibles, me dit-il, fais attention à toi.
Il avait soudainement adopté un ton sévère, mais qui ne ressemblait pas à celui qu'il utilisait d'habitude lors des réunions. Cette fois-ci, c'était un peu plus tendre, et son regard accentuait ce semblant d'autorité qu'il semblait mettre en place dans ma protection. Suite à ces paroles, il se redressa, me fit revoir un sourire avant de se lever. Sa main s'était glissée jusqu'à mon visage, où ses doigts effleurèrent ma joue, puis il se retourna. Steafan sortit de la salle en veillant à laisser la porte entrouverte, probablement au cas-où j'aurai besoin d'aide.
Je soupirai doucement. Cela faisait un moment que nous n'avions pas eu de petits moments de ce genre en vue de nos temps de repos qui n'étaient aucunement en concordance.
Et puis, c'était peut-être le mieux pour nous.
Quelques minutes après, Eléonore revint dans la chambre et me demanda si j'allais toujours bien, et si je voulais quelque chose en particulier. Je lui répondis négativement, appréciant l'attention qu'elle portait à la zone qu'elle avait choisi bien qu'il ne s'agissait pas de son lieu de vie habituel. Ma soigneuse me conseilla de continuer à me reposer, de rester cette nuit. Elle resta alors avec moi en fin d'après-midi où nous discutions. Ces conversations étaient si intéressantes, ainsi que sa manière de penser, que j'en oubliais qu'elle était sous ma responsabilité et qu'elle était soupçonnée.
Elle partit au bout de quelques heures où un soldat qui était mon remplaçant l'appela pour l'amener à sa résidence provisoire. Je restai alors dans ce lit, et m'endormis sans vraiment de souci.
Le réveil n'en avait pas autant, c'était très tôt dans la matinée où la première lueur du jour se mit à illuminer ma personne. Au bout de quelques secondes, je me redressai et me levai du lit. Je pris le temps de m'étirer et de me réhabituer à mes membres que je n'avais pas réellement utilisés depuis l'attaque. Sans perdre de temps, et ne faisant pas attention aux pansements et aux compresses qui étaient sur ma peau, je sortis de la salle.
Je n'étais même pas repassée dans ma résidence pour me changer. Eléonore s'était chargée de me vêtir d'une tunique d'hôpital lorsque j'allais encore très mal, ne laissant que mes sous-vêtements. Et sans surprise, ces vêtements étaient encore sur moi, avec pour seule différence que j'avais toujours mes bottes sales à l'hôpital de Zodiacera.
Il y avait un bon nombre de docteurs qui étaient présents, ce qui voulait dire que le nombre de patients aussi. Ils avaient tous l'air occupés, à tel point qu'ils se parlaient à peine, ou se saluaient très rapidement. Aucun d'entre eux ne m'avait accordée de l'attention, et pourtant, je n'étais pas sûre que j'avais le droit de sortir de ma chambre.
Alors, en voyant que personne ne m'interdisait quoi que ce soit, je poursuivis ma route et sortis de l'hôpital. Le bâtiment qui était le plus proche était le QG, le lieu de réunion ainsi que les salles attribuées à chaque zone. Je me rendai alors tout naturellement jusque là-bas ou cette fois-ci, on me remarqua, mais l'on ne me fit pas de remarque. Certains étaient surpris tandis que d'autres semblaient être habitués à la vue de mon identité physique.
Je franchis alors les portes de l'établissement des pôles, signant mon arrivée en écrivant mon nom, mon appartenance et l'heure à laquelle j'y étais, sous le regard du réceptionniste qui était sur son téléphone. Je me dirigeai ensuite vers l'ascenseur où une pancarte était présente près de celui-ci, contenant les étages qui représentaient une zone. Je ne l'avais pas regardée, l'habitude me le permettait.
Arrivée au troisième, je traversai le couloir qui s'étendait vers la gauche, et passai devant plusieurs portes jusqu'à ce que je sois vers ma destination désirée. Une fois que mon chemin était terminé, je posai ma main sur la poignée et l'abaissa très lentement pour ne pas faire de bruit, et l'ouvrit. A ma grande surprise, elle était bien ouverte, me permettant ainsi d'entrer dans la salle sans grande difficulté.
L'image qui se présentait devant moi était à la fois prévisible et mignon. Trois de mes partenaires de mission étaient bien présents, sans être là. Ils étaient tous dans les droits de Morphée, tout simplement. Mon acolyte principal, Jaycen, se trouvait sur le fauteuil, les bras croisés, tandis que Maur et Blanche étaient sur une chaise devant un ordinateur, tous les trois endormis. Tout autour d'eux, les machines étaient allumées et les vidéos continuaient à tourner sur les écrans, filmant plusieurs scènes différentes. Nous avions parmi elles, c'est-à-dire celle qui était sur la plus grande télévision, le point de vue de la caméra qui était ma puce, que j'avais mis sur la nuque de Qays lors de notre altercation. Elle avait été confectionnée par nos scientifiques, où une fois qu'elles étaient implantées dans la peau, le plus conseillé sur la nuque, tout un système nerveux et tout un apport d'électricité se déplaceraient de telle sorte à ce qu'ils aillent jusqu'au nerf optique. Cela les permettait ainsi d'avoir une caméra présentant directement la vision de la personne touchée de ses propres yeux, et bien évidemment de son ouïe.
Les images qui se déroulaient sur l'écran présentaient déjà pas mal d'informations. Tout d'abord, il y avait la décoration et la présentation de l'endroit où il était. On aurait pu dire que c'était un lieu normal, ressemblant à d'autres, que ce soit sur Terre ou à Zodiacera, mais c'était un peu plus sombre, voire du style assez gothique. Dans l'atmosphère régnait une certaine animosité, une antipathie qui en donnait des frissons rien qu'en posant les yeux sur ce cadre. J'avais l'impression que toute la haine qu'ils avaient à notre égard se transmettait de leur monde au nôtre rien que par cet écran.
— Ils ont fait la fête toute la nuit.
Je me retournai en direction de la voix, celle de mon acolyte, Jaycen, qui s'était sûrement réveillé entre-temps. Toujours assis sur le fauteuil, il se redressa, puis s'étira, se tapotant le visage avant de lever la tête vers moi et la caméra. J'abaissai mon regard vers le haut pour être plongée dans la réflexion. Ils avaient sûrement célébré l'attaque qu'ils avaient organisé, bien qu'ils n'avaient pas réellement gagné, et réciproquement de même.
— Leur premier but était de nous montrer qui étaient nos ennemis.
C'était devenu une évidence, mais nous continuâmes à observer la vidéo comme si le moindre détail allait nous aider, ce qui pouvait être le cas. Après un certain temps, je me retournai vers Jaycen qui semblait concentré sur la caméra, toujours les bras croisés, comptant sur ses aptitudes d'observation et sa mémoire visuelle.
— Tu devrais aller voir ce que fait les surveillés.
Avec tous les évènements, j'en avais oublié que nous avions une tâche principale qui se faisait sur le long terme. Je hochai la tête en guise de réponse et le saluai, tandis que les deux autres dormaient encore, puis sortis de la pièce, et allai en direction de la résidence où j'avais emmené les deux concernées.
J'arrivai alors dans le bâtiment résidentiel d'Eleonore et Laëna. Les agents de sécurité me saluèrent. Ils étaient à peu près le même nombre, montrant qu'ils étaient bien restés pour protéger cet endroit où on avait ramené les enfants pour qu'ils soient le moins touchés que possible par cette attaque imprévue.
Tout semblait normal, au contraire de l'extérieur. Des petits garçons et des petites filles jouaient ensemble, courraient partout, ou se chamaillaient, s'accusaient et pleuraient. Ce lieu inspirait la joie et la naïveté, alors que dehors, l'hostilité commençait à peine à se dissiper.
Dans le tas se baladèrent des silhouettes que je reconnus presque rapidement. La petite chantait une chanson enfantine avec ses camarades tandis que sa grande sœur la surveillait, et l'élogiait dès que Laëna le réclamait plus ou moins. Elles ne me virent pas de suite, me laissant le temps de me poser tout en gardant un œil sur elles.
Honnêtement, l'ennui aurait pu m'envelopper à n'importe quel moment, à force. Non seulement ce n'était pas marrant d'être sur le dos de quelqu'un durant vingt-quatre heures sur plusieurs journées, bien que j'ai déjà eu cette tâche, mais en plus, elles avaient tout ce qui se rapportait à l'innocence. Ces deux individus étaient adorables, que ce soit entre elles ou avec autrui, et avaient réussi à rapidement s'intégrer dans notre société en quelques jours. Il était évident que nous ne devions pas baisser notre garde face à ça, mais c'était quand même assez fatiguant.
Cependant, le peu de temps où elles étaient ici ne me donnait pas l'impression de vivre dans la monotonie. Leur simple présence donnait à l'atmosphère du dynamisme, essentiellement concentré sur leur relation fraternelle. Lorsqu'elles étaient séparées, naturellement, l'une était en colère tandis que l'autre pleurait beaucoup, mais dès lors qu'elles avaient eu un contact visuel, l'apaisement s'était glissé dans leur âme. Et même, suite à leur emprisonnement, elles gardaient leur joie lorsqu'elles n'étaient pas ensemble rien qu'à l'idée de savoir que leur soeur allait bien. C'était sûrement grâce à ce calme d'esprit qu'elles arrivaient à avancer et à vivre dans notre société tout en étant plus ou moins marginalisées.
Discrètement, je me hissai de cette grande salle et montai les étages par les escaliers. Malgré tout, ma mission ne s'arrêtait pas à là, et s'il y avait un endroit potentiel où je pouvais trouver une preuve de nos soupçons, c'était dans leur chambre.
J'entrai ainsi à l'intérieur sous le regard d'un soldat qui surveillait le couloir, seul et donc, sans dérangement. La pièce était déjà bien différente de la dernière fois. Lorsque je leur avais présenté leur demeure, les salles étaient ternes, les murs n'avaient d'autres couleurs que la blanche, seuls une table, quelques meubles et deux chaises décoraient le salon, ainsi qu'un grand lit dans la chambre. Cette fois-ci, il y avait plusieurs jouets dont je reconnaissais la propriété d'autres enfants de Zodiacera, ainsi que des décorations. Des confettis étaient éparpillées par terre et sur la table où se trouvaient des feuilles ainsi que des crayons et de la peinture. Des dessins étaient collés sur les murs à l'aide de gommes tackantes sûrement demandées ou empruntées. C'était tout simplement enjolivé grâce la beauté de la distraction, de la frivolité mais surtout de l'imagination.
D'ailleurs, cette inventivité infantile me fit oublier ce que je faisais ici. Je m'avancai vers le centre de la pièce, et observai ces fameuses dessins. Il fut un temps où c'était une réelle contemplation à mon égard, surtout à la période où l'on m'apprenait à les observer à l'Académie de Zodiacera. Mon professeur m'expliquait qu'il existait de la psychologie dans plusieurs dessins d'enfant, et me donnait les techniques ainsi que des astuces pour les interpréter. Il fallait tout prendre en compte, c'est-à-dire le style graphique incluant les couleurs, les traits et l'espace dessiné ; la structure de ces dessins et son contenu, représentant ou non la réalité, l'identification des personnages, puis de nombreux détails encore. Même les outils utilisés et la manière de les manier sont à prendre en compte, par exemple, si le crayon est fortement appuyé, alors il est énergétique voire déterminé, alors que si son appui est léger, alors l'enfant à une certaine timidité. L'histoire du temps peut être interprété aussi, la gauche représente le passé, le milieu le présent et la droite, le futur. Enfin, c'est toute une indication qu'il faut savoir interpréter, et je me souvins que ce domaine m'avait tellement interessée que j'en faisais des recherches personnelles. Cependant, mon professeur avait bien insisté que une chose ; tout n'est pas forcément le sujet d'une interprétation. Pour valider individuellement l'interprétation de notre observation, il ne suffit pas de se dire que puisqu'il y a ça alors c'est ça, mais de nous informer du contexte. La vie de l'enfant, son passé et sa situation doivent être des renseignements à prendre en compte avant d'annoncer à tort un message décodé.
En tout cas, je pouvais être sûre d'une chose, c'était qu'il y avait une vraie diversité d'âges parmi ces dessins. Parmi eux se trouvaient des feuilles avec des formes de paumes de main, faites avec de la peinture ou quelque chose qui y ressemblerait, et d'autres des gribouillages, ce qui étaient possiblement propriétés d'enfants de moins de deux ans. C'est le moment où l'interprétation ne peut pas encore se faire, où ils apprennent à manier les différents outils qui se présentent devant eux. Ensuite, il y avait des dessins qui commençaient à montrer des objets bien que c'était assez difficile de les identifier, mais il ne s'agissait pas forcément de représentation réelle, donc c'était plutôt du trois ou quatre ans. Ensuite, jusqu'à sept ans, l'enfant commence à dessiner ce qu'il sait d'un objet, mais pas encore totalement la réalité, et va accorder plus d'importance aux couleurs bien que ce n'est pas toujours fidèles à ce qu'on voit.
A partir de huit ans, certains enfants commencent à abandonner cette activité tandis que d'autres ont adopté ont adopté une mode d'observation ancré par notre cerveau droit. Certaines inventions artistiques étaient habituelles pour nous, mais si signifiantes et intéressantes quand on s'accorde à observer les détails.
— Oh...
Je me retournai à l'entente de cette onomatopée. C'était Eléonore qui était à l'embrasure de la porte d'entrée, une main posée sur le cadre, et regardant la pièce en faisant rapidement le tour. Elle se mordit la lèvre en voyant le désordre qui était présent dans la salle, sûrement gênée qu'il y avait une spectatrice.
— J'suis désolée, on avait besoin de moi pour garder les enfants, et j'ai dû les faire sortir pour les accompagner jusqu'à la cantine.
Elle se mit, sans attendre un quelconque commentaire de ma part, à ranger la demeure. La surveillée avait pris de grosses boîtes en carton et commencé à trier, mettant dans l'une les dessins, dans une autre les outils de dessinage, et éventuellement quelques petites affaires à rendre. Ce n'était pas dérangeant en vérité et j'aurai pu le lui dire, mais je ne dis rien et la laissai faire. D'ailleurs, j'avais de suite pris l'initiative de l'aider, en prenant un balai et en commençant à l'utiliser, plaçant une poubelle dans la pièce pour plus de facilité.
Nous restâmes dans le silence. L'atmosphère était si calme, l'air vibrant uniquement nos gestes de rangement, des frottements de feuilles et de pieds, voire quelques rires ou pleurs d'enfant au loin. C'était satisfaisant par la tranquillité qui régnait, ce n'était pas malplaisant d'être dans cette situation, l'ennui ne m'avait même pas enveloppée.
Cependant, elle engagea la conversation.
— Est-ce qu'on est réellement menacé ?
Je me figeai un petit instant. Elle avait directement abordé un sujet plus ou moins fort, ce qui me témoignait de sa perturbation mentale. Mon attention se tourna vers elle, qui avait toujours la tête tournée vers ces boîtes en carton. Elle semblait être plongée dans la réflexion, faisant son rangement dans la limite du robotisme. C'était normal qu'elle s'inquiète après tout, elle était dans ce monde désormais, et surtout en compagnie de sa soeur. Il fallait qu'elle fasse attention, et j'en étais bien consciente.
— J'assiste à une réunion globale et importante concernant les évènements récents, nous verrons bien.
Un court silence se fit, et elle hocha la tête en signe de compréhension. Je n'avais pas grand chose à lui dire de plus concernant cette attaque, à part que c'était assez violent, mais cela n'allait sûrement pas rassurer la demoiselle. De plus, elle avait l'air inquiète, ce qui était compréhensible ; en plus d'arriver dans un monde inconnu, elle se trouvait face à une situation dangereuse et encore pas très renseignée. Elle était bien celle qui devait s'en plaindre, mais elle n'en fit rien, ne faisant que patienter d'en savoir plus. C'était une qualité que j'admirai beaucoup.
— C'est bientôt l'anniversaire de Laëna, on est d'accord ?
Elle me regarda, clignant plusieurs fois des yeux. Eleonore avait adopté l'émotion de la surprise, s'étonnant sûrement de voir que j'avais fait attention à ce petit détail alors même qu'elle ne m'en avait pas parlée. C'était un peu mon travail aussi, j'étudiai la totalité du dossier et prenait quelques notes, voire me faisait des rappels grâce à mon téléphone voire des blocs-notes. C'était totalement normal pour moi.
— Je vais essayer de convaincre mes chefs de vous faire voir vos parents et vos amis durant quelques petits temps.
Je tournai la tête cette fois-ci, annonçant ce que je venais tout juste de décider, de manière nonchalente pour ne pas lui faire penser que cela me touchait. Elle ne dit rien pendant un moment, mais la joie se faisait sentir derrière moi bien que je n'avais aucune visibilité sur elle.
— Par contre, il faudra que Jaycen ou moi soit là pour vous surveiller quand même, il n'y a pas de...
En même temps que ces paroles, je me retournai dans sa direction, et m'arrêtai en la voyant enfin. Elle était tournée vers un mur, de mon point de vue elle était de profil. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues tandis qu'un sourire se forma sur ses lèvres. La jeune femme était à la fois remplie de bonheur et de soulagement, comme si la pression qu'elle avait durant ce temps s'était tout-à-coup allégée. Je détestai ces situations bien que j'y étais confrontée à de nombreuses reprises. C'était une grande facilité pour moi de jouer, faire la comédienne et consoler quelqu'un même si son histoire ne me touchait pas réellement, mais c'était différent cette fois-ci. J'en oubliai toutes mes capacités d'actrice, et me mis même à légèrement paniquer. Alors, machinalement, mais surtout avec hésitance, je m'avançai vers elle, m'accroupis en face d'elle et posai mon balai sur le sol. Et puis, sans que je n'eus la conscience de le faire, mon bras se mit sur son dos et fis une petite pression, l'incitant à se blottir contre moi.
— Merci infiniment, Aella.

Zodiacera [ EN PAUSE ]Where stories live. Discover now