Chapitre 8 : Un après-midi chez Éric (3) : Léa

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"Les enfants sont des énigmes lumineuses."

Daniel Pennac, Messieurs les enfants

C'est fou comme c'est facile de créer un lien avec une enfant ! Léa s'installe encore plus près de moi et se met à me raconter ce qui se passe dans sa petite vie. Sa meilleure amie s'appelle Anabelle mais elle l'appelle Ana comme moi. Elles habitent dans le même immeuble et quand Tamara n'est pas là c'est souvent chez Anabelle qu'elle reste en attendant.

Les garçons et elle ont l'air de bien se connaitre. Léa s'entend particulièrement bien avec Timothée : c'est comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Je suppose qu'avant mon arrivée, elle passait beaucoup de temps avec eux : maintenant que je suis au courant de son existence, j'espère que leur vie va reprendre sa dynamique qu'elle avait...

Du haut de ses quatre ans comme elle me l'a indiqué en me montrant quatre doigts, elle s'exprime très bien et adore poser des questions. Nous sommes tous les cinq installés devant « Barbie : cœur de princesse » un film qu'Éric a mis pour Léa. Éric et Tamara, pas du tout intéressés par le film discutent d'autre chose pendant que Timothée et moi, regardons avec Léa. Enfin, moi je regarde ; Timothée pourrait juste être perdu dans ses pensées... Nous en sommes à la moitié du film quand Léa commence son inquisition :

- Tata Ana, pourquoi je ne t'ai jamais vu avant ?

- Parce que j'habitais à Toulouse avant. Tu sais où ça se situe ?

- Non, c'est loin ?

- Oui, c'est plutôt loin d'ici.

- Et pourquoi tu as changé de maison ?

- Parce que je voulais découvrir d'autres endroits.

- « Et ta maman, elle était d'accord ? Ma maman elle ne veut jamais que je me balade toute seule ! » S'exclame-t-elle en croisant ses petits bras pour montrer qu'elle boude.

- Et ta maman a raison tu sais, c'est très dangereux pour les petites filles de se promener toutes seules. Quand tu seras plus grande, tu pourras le faire.

Léa me regarde longuement en réfléchissant à mes propos puis répond :

- Mais tu n'es pas très grande toi...

Plus personne ne parle puis les garçons et Tamara se mettent à rigoler. Même Timothée se marre ! C'est la première fois que je le vois comme ça. Ses fossettes creusent ses joues et le rendent tellement craquant... Attendez, quoi ? Est-ce que je viens de penser ça ? Non non non, c'est votre imagination... Bon revenons à nos moutons !

Léa regarde sa mère et ses « oncles » avec des yeux ronds ne sachant pas qu'elle est à l'origine de leur hilarité. Entre deux éclats de rire, Éric me dit :

- Tu vois pequeñita, quand je te dis que tu es petite !

Cet idiot a même les larmes aux yeux tellement il trouve ça drôle. Léa continue à nous observer confuse puis me demande enfin :

- Pourquoi ils rient tous ?

- Parce qu'ils sont méchants.

- Mais maman dit qu'il ne faut pas être méchant avec les autres.

- Oui et elle a raison. C'est pourquoi, ils n'auront pas de tarte aux fraises.

A ce moment-là, ils arrêtent tous les trois de rire et la mère et la fille s'exclament :

- Tu as acheté une tarte aux fraises ?!

- Non, je l'ai faite.

- « Tu sais faire des tartes aux fraises ? » me demande Léa abasourdie.

- Je sais faire toute sorte de tartes. En fait je sais faire toute sorte de desserts.

- On va la manger quand ?

- On pourrait la manger maintenant si tu veux.

Léa en oublie son film, se lève et se rue vers la cuisine. Je la suis de près sous les regards de Tamara, Timothée et Éric.

Je sors la tarte et la pose sur la table à manger puis j'installe Léa sur une chaise. Après que je lui ai servi une part, elle prend une bouchée puis ouvre des yeux ronds et me demande :

- C'est trop bon ! C'est VRAIMENT toi qui l'as faite ?

- Oui oui.

- Tu pourrais m'apprendre ? Maman ne sait pas faire les tartes ni les gâteaux, ni les biscuits...

- Oui, et j'apprendrai aussi à ta maman.

- Merci tata Ana ! Tu es la meilleure !

Je lui fais un bisou sur le front et vais au salon et dis à mes amis :

- Allez, venez manger. La tarte est beaucoup trop grande pour Léa et moi.

Tamara n'a pas besoin de plus, elle se lève et comme sa fille quelques instants plus tôt se rue dans la cuisine. Quand je vous disais qu'elle serait plus heureuse de voir la tarte que moi...

Éric me prend dans ses bras et me fait un bisou bruyant sur le front avant de me dire :

- Je savais que tu ne pouvais pas rester fâchée longtemps contre moi, pequeñita.

Timothée est le dernier à se lever, je ne résiste pas à l'envie de le taquiner :

- Alors, comme ça toi aussi tu te moques de ma taille ?

- Pour ma défense, c'est Léa qui m'a fait rire. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle dise ça. Je n'ai pas pu résister. Et puis, tout le monde sait que tout ce qui es petit est mignon.

Il me fait un petit sourire et se dirige vers la cuisine. Je reste quelques secondes immobile. « Tout ce qui est petit est mignon ». Je ne sais pas ce qui m'arrive aujourd'hui mais je suis affectée par tout ce que Timothée dit ou fait. C'est sûrement parce que la journée a été riche en émotions...

L'après midi se termine dans la joie et la bonne humeur. Tamara et Léa sont les premières à partir car Léa ne doit pas dormir trop tard. Avant de partir, Tamara me prend à part et me dit :

- Merci beaucoup pour cet après-midi, Merci d'avoir été là pour Léa, merci de ne pas avoir posé de questions, merci de ne pas m'avoir jugée, par-dessus tout, merci d'avoir été toi et de ne pas avoir changé après avoir rencontré Léa.

Elle me sert dans ses bras puis s'en va me laissant les larmes aux yeux. Ces paroles me réchauffent le cœur. Je suis heureuse de l'avoir rassurée.

Comme nous prenons le même chemin, Timothée et moi rentrons ensemble. Pendant que nous marchons je lui pose une question qui me tracasse depuis l'arrivée de Léa.

- Ton prénom coréen c'est Tae ?

- Non c'est Tae Il mais Léa m'a toujours appelé Tae parce que c'était plus facile pour elle quand elle apprenait à parler.

- Tae Il...Pourquoi tu préfères Timothée ?

- Je ne préfère pas vraiment Timothée c'est juste plus facile d'utiliser mon prénom français en France tu vois ?

- Oui, je vois. Donc ça ne te dérangerait pas que je t'appelle Tae Il ?

- Pas du tout Anaëlle.

Nous nous sourions et continuons notre chemin. Lorsque nous sommes installés dans le métro, je lui pose une autre question :

Commentça se fait que tu connaisses Léa depuis aussi longtemps ? Je croyais vousvous étiez tous rencontré il y a deux ans mais en t'entendant parler, j'ai l'impressionque tu les connais depuis beaucoup plus longtemps.

Me, myself and I (Version française) [EN PAUSE]Where stories live. Discover now