L'orpheline.

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Mai 1998.

Euphémia Rowle avait toujours trouvé l'enfant étrange. En s'engageant à devenir sa tutrice, elle pensait bien que cette nouvelle aventure lui réserverait son lot de surprises ; après tout, il s'agissait de l'héritière de deux puissants mages noirs. Mais elle ne s'attendait pas à ce que la petite adopte un comportement pour le moins... choquant, dès son plus jeune âge. Si la sorcière avait été agréablement surprise par l'absence totale de pleurs du bébé qu'elle avait recueilli, elle n'aurait pas pu prévoir que la jeune Jedusor fasse preuve d'un manque d'empathie flagrant dès qu'elle fut capable de s'exprimer. D'ailleurs, l'enfant ne parlait jamais beaucoup. C'était plutôt ses actes qui avaient alerté Euphémia. Delphini développa dès son plus jeune âge la manie assez dérangeante de malmener les êtres vivants qui avaient le malheur de croiser son chemin. Du chien des voisins, retrouvé noyé dans le fleuve à côté de la petite maison qu'elles habitaient, à Rilny l'elfe de maison qui portaient encore les traces des petits jeux de Delphini sur sa peau. Rowle ne portait pas l'enfant dans son cœur, il était certain. Elle était quelque peu embêtée par les occupations de Delphi, mais surtout parce qu'elles attiraient l'attention du voisinage moldu qu'elle n'appréciait guère.

Pour maintenir son autorité sur une personnalité déjà bien affirmée, Euphémia avait recours à des pratiques « traditionnelles » et avait adopté pour une éducation des plus strictes. Elle avait décidé que la jeune fille suivrait des cours à domicile. Hors de question d'exposer l'enfant aux yeux du monde. La petite serait immédiatement reconnue, car même si seule une poignée de sorciers étaient réellement au courant de son existence, n'importe qui ayant connu la génitrice de l'enfant aurait pu faire le lien entre les deux. D'ailleurs, Euphémia n'avait jamais été très à l'aise lorsqu'elle se trouvait dans la même pièce que l'enfant, surtout à mesure que cette dernière grandissait pour ressembler de plus en plus à sa folle de mère. Rowle avait eu la malchance de croiser la mangemort avant que celle-ci ne périsse durant la dernière guerre. Rarement elle n'avait pu voir la cruauté aussi bien incarnée qu'en la personne de cette dernière. Elle se disait souvent que ce genre d'individu ne devrait jamais avoir d'enfant, mais avec mûre réflexion, elle trouvait que la naissance de Delphini n'était pas une si mauvaise chose ; elle avait après tout rapporté à Euphémia un paquet d'argent dont elle ne pouvait pas se plaindre.

La bonne femme se remémorait avec exactitude le jour où elle avait été désignée tutrice de l'enfant Jedusor. La guerre venait de prendre fin. Les Rowle, qui avaient combattu aux côtés du Seigneur des Ténèbres, étaient envoyés un à un à Azkaban. Euphémia n'avait pas pris place à leurs côtés. Elle n'avait jamais eu le courage de réellement affirmer ses positions extrémistes bien qu'elle ait souhaité tout du long une victoire des sang-purs et le rétablissement de l'ordre dans le monde des sorciers. Néanmoins, elle était recherchée comme étant une complice. Elle venait de perdre sa fortune, saisie par le Ministère de la Magie qui gelait les fonds des familles reconnues comme foyer de mangemorts. Elle avait eu vent d'une rumeur selon laquelle Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avait eu un enfant. Après s'être renseignée, elle avait fini par tomber sur Narcissa Malfoy qui lui avait confirmé la nouvelle dans un élan d'émotion qu'elle avait vite regretté. Pourtant, Euphémia était la clef d'une partie des maux de l'épouse Malfoy, qui se retrouvait avec le bébé sur les bras. En effet, Narcissa ne mit pas longtemps avant de céder à la proposition de la sorcière qui promettait de disparaître et de protéger l'enfant contre toute forme de protection. Elle avait donc convenu d'un accord qui incluait le versement mensuel d'une grosse somme d'argent, et le contrôle discret de la résidence qui abriterai l'enfant et sa tutrice. En échange, les deux devaient disparaître et ne jamais faire part de cet arrangement à quiconque.

Narcissa avait emmené Euphémia jusqu'au manoir Malfoy. L'immense demeure, autrefois impressionnante et richement ornementé, était désormais désolée. On y voyait les traces de nombreux combats. La présence encore récente du Seigneur des Ténèbres flottait toujours dans l'air. Les pièces baignaient dans l'obscurité, une odeur de décomposition embaumait la résidence. Mrs. Malfoy guida son invitée jusqu'à une chambre minuscule sous les toits, habilement cachée par un faux mur. La pièce était quasiment vide, seule un berceau trônait en son centre, faiblement éclairé par la lumière de la Lune. Elle s'avança la première et prit le bébé enroulé dans des précieuses étoffes blanches dans ses bras. Euphémia s'avança prudemment, redoutant de découvrir le visage de cet enfant certainement monstrueux. Mais à son grand étonnement, elle découvrit le beau visage rond et blanc d'un poupon aux grands yeux noirs comme la suie. Narcissa regarda la femme avec un mélange d'inquiétude et de colère.

- Je ne peux pas m'en occuper.
- Je le sais Narcissa. Je suis sûre que la mère comprendrait. Vous avez votre propre famille à protéger.
- Je ne peux pas prendre le risque de...
- Je sais. Je m'en occuperai, n'ayez crainte.
- Le jurez-vous ? Êtes-vous prête à vous soumettre au Serment Inviolable pour m'assurer de la protection de l'enfant ?

Un silence s'installa. Rowle réfléchit un instant, puis pensa à la fortune qu'elle allait retrouver.

- Je le jure et je suis prête. Je vous laisse, madame Malfoy ? Vous devez être celle qui scelle le Serment.

Narcissa semblait terrorisée. On pouvait voir les sillons encore frais des larmes qui avaient creusé ses joues. Ses yeux s'étaient assombris, ses cheveux autrefois d'un blond éclatant était aujourd'hui ternes et emmêlés. Elle sortit sa baguette, et alors qu'elle prononçait les conditions du Serment, un mince filet doré vint unir les mains des deux femmes.
Mrs Malfoy raccompagna Rowle, qui tenait l'enfant caché sous un pan de sa cape, le plus loin possible du manoir. Alors qu'elles allaient se quitter, elle la retint une dernière fois.

- La petite... ne lui parlez pas de ses parents. Delphini ne doit pas savoir qui elle est, le moment viendra.

L'AugureyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant