Chapitre 14.

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Effondré sur mon bureau, je soulevai sans rien en faire, différents papiers, pochettes et courriers. J'avais honte de moi, de ce chaos de sentiments dignes d'un adolescent boutonneux. Je tapotai de mon stylo sur le bord du meuble, mordillant mes lèvres. Mes yeux se fermaient tous seuls alors que mon cerveau lui était en ébullition. Romain apparut à la porte, toquant deux coups. Je me tournai vers lui, épuisé.

"Il y a quelqu'un pour toi."

Il était déjà dix-neuf heures passées, le cadran numérique clignota au mur. J'avais fini depuis longtemps, près de deux heures maintenant, j'attendais simplement que les couloirs se vident, pour ne parler ni de voir personne.

"Je ne prends plus de patients à cette heure-là, soupirais-je."

Je me râclai la gorge en m'attendant parler.

"C'est ton frère ! Sourit-il, enjoué."

Je posai mon stylo, déconcerté. Devant mon incrédulité, Romain hésita devant mon air.

"T'as bien un frère ?

_ Oui ! Oui."

Je me levai, remassai mes affaires en un grand geste je fourrai le tout dans mes poches et ma sacoche. Ezéchiel en effet, m'attendait sagement sur les sièges en métal de la salle d'attente. En chemise blanche et blouson de cuir, il répondait à un message sans me voir.

"Ezé ? Qu'est-ce que tu fais là ?"

Ce surnom m'avait toujours fait rire quand j'en avais compris le sens. Ezéchiel avait d'abord été trop difficile à prononcer pour l'enfant que j'avais été, puis j'avais appris ce que voulait dire "aisé", dans son sens de "facile". Ça le représentait bien, lui à qui tout souriait sans effort, lui que tout le monde appréciait parce que toujours calme, jamais un mot plus haut que l'autre, discret, sans jamais hausser la voix. Lui qui avait fait ses études, trouvé un magnifique appart, passer son permis, réussit sa vie, fait le bonheur de nos parents, en un claquement de doigt.

"Ça fait vingt-quatre heures que je t'appelle, pas de nouvelles. Alors je m'inquiétais."

Je revins à moi en sortant de mes pensées, haussant un sourcil. Debout devant lui, mon sac pendant à mon épaule, je ne savais quoi lui dire. Il était bien sérieux lui, comme toujours.

"Tu t'inquiétais ?

_ Ca ne s'est pas vraiment bien passé dimanche, tu m'envoies un mail inquiétant lundi soir, tu ne me réponds pas depuis hier. Alors oui, je m'inquiétais.

_ Désolé ? Hésitais-je. Je ne pensais pas.

_ Je te paye une bière ?"

Je hochai la tête en lui désignant de se lever. Il me suivit jusqu'aux vestiaires où je retrouvai mes habits civils sans regarder personne. La présence d'Ezéchiel dissuada d'autres de me parler.

Le bar était étonnamment plein. Notre table était tassée contre le mur du fond, nous étions étouffés de bruits et de lumières, d'odeur et de mouvements tout autour de nous. Je bus, à m'en mettre le visage dans la chope. Je regardai mon frère au travers, déformé par le verre épais.

"As-tu revu ton patient ?

_ Oui, je crois avoir un début de réponse. Désolé que tu te sois déplacé.

_ Ça me fait plaisir de te voir."

J'aurais pu rire tant la situation était incongrue. Je bus à la place. La tête commençait à me tourner, encouragée par le passage incessant de vagues de personnes tout près de moi.

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant