Chapitre 1 : Deux formulaires et une bière

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Perchée sur ma branche, j'observe Dieil martelé par une pluie battante. Mes cheveux bruns, d'ordinaire ondulés, me collent au visage. Je les replace une énième fois derrière mon oreille pour dégager mes yeux, légèrement plissés à cause des rafales. La couleur du ciel rendu violet par l'orage me fait penser à celle de mes yeux. C'est cette couleur atypique qui me distingue des autres jeunes filles d'après mon entourage. D'ordinaire zinzolins, mes iris ont une fâcheuse tendance à changer de nuance en fonction de mon humeur, passant de l'aubergine au byzantin selon que je suis en colère ou amusée.

Un éclair déchire le ciel.

J'aperçois de l'agitation dans les rues du village. Le clocher, qui surplombe nos habitations se met à sonner. Chouquette, il est déjà 18 h. Je dois absolument rentrer, j'ai une tonne de chose à faire. Mes frères et sœurs comptent sur moi pour faire le dîner.


Je saute de l'arbre centenaire, et dévale la montagne en évitant racines et fourrés à une allure folle. Je connais chaque recoin de cette forêt, l'emplacement exact de chaque tronc. Je pourrais m'y balader les yeux fermés. Je bondis au-dessus d'un rocher et m'apprête à franchir un creux rempli de boue à cause de la pluie.

Mais je sentis soudain une vibration dans la poche de mon short. Déstabilisée, je glisse, tombe et m'écrase dans le trou. Génial... Je suis recouverte de boue. Je recrache rageusement une mèche de ces fichus cheveux à nouveau plaqués sur mon visage.

Je me relève et me dirige vers le village en sortant mon demata de ma poche. Heureusement, ce petit appareil, qui nous sert à communiquer à distance, est intact. La vibration était à cause d'un appel d'Eunice... Je le plaque à mon oreille. Je vais l'étriper !

- « Nan mais ça va pas de ... » Je hurle.

- « HENNESSYYYYYYYYYYY !!!!!!! » , beugla-t-elle d'une voix surexcitée.

J'éloigne précipitamment l'appareil de mon tympan, qu'elle a apparemment décidé de percer. Elle veut ma mort ma parole ! Autant son caractère explosif m'amuse en général, autant là ce n'est pas le moment ! Elle a beau être ma meilleure amie depuis notre naissance, ce n'est pas une raison pour détruire ce qu'il me reste de dignité ! Je serais bien tentée de l'envoyer paître, mais ma curiosité est trop forte.

- « EUNIIIIIIIIIIIIIIICE !!!!!!!!! » Crié-je à mon tour. « Nan mais sérieux il se passe qu... »

-  « VIENS...(bzzzz) BOUGE TES FESSES... (grzzzzz) À LA TAVERNE DEVANT... (brrrrrrrr) LA FAMILLE ROYALE !!!!!!!! »

Quoi ? Mais qu'est-ce qu'elle... Bon, on va espérer qu'elle n'aurait pas osé dire une chose pareille, et que soit elle a encore trouvé la réserve d'alcool de son père, soit, plus probable, le réseau fait encore des siennes.

- « Je ne comprends rien de ce que tu me racontes, mais je suis là dans dix minutes », soupiré-je.

Si elle me demande réellement de "bouger mes fesses" dans la taverne, devant tout le village, et en prime la famille royale... Je n'ose même pas imaginer le désastre. Je devrais peut-être faire demi-tour ? Ça me paraît être la meilleure idée à cet instant précis, mais encore une fois, j'ai bien trop envie de savoir ce qu'il se passe, surtout vu l'agitation de tout à l'heure.


Je me hâte en faisant bien attention de ne pas me laisser déconcentrer, cette fois. Mais maintenant que j'y pense, je ne peux absolument pas me présenter dans la taverne recouverte de boue ! Déjà, on ne me laissera pas entrer, et si la famille royale est réellement là, ce qui serait la première depuis... Ben toujours, en fait, je risque de faire tache.

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