Chapitre 3 : Des confidences et un violon

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Il est 21 h 51, les petits sont tous couchés. Je suis assise sur le canapé du salon, fixant intensément les feuilles face à moi, espérant secrètement que cela les fasse disparaître, ou au moins qu'elles se remplissent toutes seules. Commencer à écrire dessus serait donner du poids à l'idée que je puisse être admise à la sélection. Je mordis furieusement mon crayon, enfin ce qu'il en reste, quand j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir.

- « Papa ? »

- « Oui, c'est moi » , me répondit la voix de mon père.

Il arriva dans le salon, déposa un baiser sur mon front et se dirigea vers la cuisine, où il ouvrit une bière.

- « Tu fais quoi ? » , me demanda-t-il en revenant vers moi.

- « Je regarde mon formulaire pour la sélection. »

Mon père recracha la gorgée de bière qu'il était en train de boire et commença à s'étouffer, toussant à s'en arracher les poumons. Je comprends que ça le surprenne, mais c'est tout de même un peu vexant. Entre Izarra qui insinue que je n'ai aucune chance et lui, je me sens vachement encouragée.

- « Tu penses que je serai jamais prise ? »

- « Pas du tout, mais je ne pensais pas une seconde que ça te ferait envie. Tu n'es pas du tout comme toutes ces filles qui seraient prêtes à se déshabiller si le prince leur demandait. »

-« Ça, aucune chance que ça m'arrive » , m'exclamé-je. « Je ne peux même pas m'imaginer m'abaisser à ça. Mais tu n'as pas tort, disons qu'Eunice y est pour quelque chose. »

- « Tu sais, tu n'es pas obligé de faire ce qu'elle te demande » , reprend-il.

C'est quoi cette manie ? Je sais très bien que je peux lui dire non, bon même si, je le reconnais, c'est compliqué parfois. Mais si j'ai tout de même pris ce formulaire, c'est qu'une petite part de moi voulais quand même y participer, non ? Même si j'essaye désespérément de la faire taire. Ou alors je ne devrais pas... Rahhh ça me prend la tête cette histoire ! Quel enfer !

Ça serait trop facile d'en vouloir à Eunice et de me dire que c'est elle qui m'a mis ce merveilleux cadeau entre les mains. N'empêche sans elle, je n'en serais pas là, et je manquerais sans doute la plus belle occasion de ma vie. Je suis complètement perdue... C'est décidé, demain je vais voir Dola, elle arrive toujours à m'éclairer.

- « Ouais ouais, je sais... »

- « Mais ? Il y a autre chose ? »

J'hésite à me confier. Malgré ses airs de gros dur, sa carrure imposante et ses nombreuses cicatrices, mon père est quelqu'un de compréhensif et a toujours été à notre écoute. J'observe ses yeux bruns rieurs et ses cheveux légèrement grisonnants. Ça ne serait pas la première fois que je lui raconte mes problèmes d'adolescente énamourée. Je me demande comment il fait pour m'écouter attentivement sans éclater de rire. Quand j'y repense, c'était souvent franchement pathétique, d'autant que je n'ai jamais été vraiment amoureuse. Mais bref, je divague, comme d'habitude.

- « Je... je me demande si dans le fond, je n'ai pas un peu envie d'y aller. Je veux dire... Je suis bien ici, et tout, mais c'est une occasion unique, et pour beaucoup j'ai une chance folle de pouvoir vivre ça, alors... Ce serait bête de ne pas la saisir. »

- « Et puis le prince a l'air sympa » Fit mon père, l'air de rien, en prenant une gorgée de bière.

- « Maiiiis euh Papa ! » Ouaaah, quelle répartie ! D'autant que mes joues doivent être cramoisies à l'heure qu'il est. « Au fait, tu avais à peu près mon âge lors de la dernière sélection, non ? »

La sélection - HennessyWhere stories live. Discover now