33/ MENTEUR MENTEUSE (PARTIE 1)

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On effacera les preuves, ouais, mais pas nos remords
Et le lâche est de sortie, le bonhomme est rare
T'étais tellement fier de mettre le coup de grâce
Et, maintenant, t'es moins fier, t'as pas peur de l'enfer
Mais la tête à l'envers, t'as comme un goût de crasse


PDV IRIS

Les derniers mots de Sacha jetèrent un froid. Un silence de plomb s'installa. Un silence de mort. Chaque conversation s'était arrêté. Chaque personne présente dans l'appartement avait stoppé son occupation. Chaque personne présente avait tourné son attention sur nous. Idriss. Sacha. Moi. Mais surtout sur Ken. Il était debout, à quelques mètres de nous. Tout le monde attendait sa réaction. Mes yeux étaient bloqués sur lui. Comme le reste de la pièce j'attendais sa réaction. Je savais que Ken pouvait être totalement imprévisible quand il était en colère et qu'il se sentait trahit.

Finalement, mon frère releva la tête à une vitesse tellement lente que ce fut insupportable d'attendre de voir son regard. Son regard croisa le mien puis il détourna ses yeux vers Idriss. Je baissais les yeux et vis qu'il serra les poings.

-C'est quoi ce bordel ? Demanda-t-il d'une voix étrangement calme.

Du coin de l'œil, je vis que Deen demanda gentiment à ses invités de partir. Lui, comme moi, savait que ça allait dégénérer, que ça allait mal finir. Au bout de quelques minutes, alors que personne n'avait répondu à la question de Ken, il ne restait plus qu'Hakim, Deen, Mohammed, Mona et Sacha qui allaient être témoin de notre chute.

Je me levais du canapé prête à affronter mon frère. Je sentis le regard d'Idriss dans mon dos.

-Ecoute Ken, je...je vais t'expliquer, tentais-je mais mon frère ne sembla pas de cet avis.

Le visage de Ken devint rouge de colère.

-Putain mais je m'en fous de vos explications, crachez juste la vérité ! Qu'est-ce qu'il foutait chez toi ce matin ?

Je baissais la tête. Je pouvais pas lâcher la vérité comme ça sans rien dire d'autre. Mais avant que je ne puisse dire quelque chose d'autre, la voix d'Idriss se fit entendre dans l'appartement. J'aurai presque préférée qu'il ne dise rien. Ou du moins pas ça. Je savais que ça ne ferait qu'empirer la situation et la réaction de Ken.

-Je l'aime. J'aime Iris.

Je fermais les yeux quelques secondes. Quand je les rouvris, Ken s'était jeté sur Idriss et lui avait déjà mis un coup de poing quand Hakim le souleva pour l'emmener à l'autre bout de la pièce.

-Sur la vie de ma mère, Hakim lâche-moi que je le défonce ! Il a touché à ma sœur.

-Tu vas pas le toucher, claqua la voix sèche du kabyle.

Je crois bien que dans la pièce, hormis Mona et Sacha qui étaient déjà au courant, Hakim était le seul qui ne me regardait pas d'une manière choquée.

Comme si.

Comme si il savait déjà.

-Depuis quand ? Demanda Ken à bout.

Je crois bien que c'était la question la plus difficile. Que répondre ?

-Quand...quand j'avais 16 ans, on a...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que mon frère me coupa :

-Sale bâtard ! Elle était mineure ! T'as 6 ans de plus qu'elle ! Tu me dégoûtes !

Ma vue se brouilla de larmes. J'avais toujours su que ce jour arriverait. J'avais toujours su que ça se passerait mal. Mais maintenant que nous y étions j'avais mal. J'avais mal au cœur. Ce dernier était en train de se briser petit à petit. 

-Je sais, intervint alors la voix d'Idriss. Je...c'était pas prévu, je suis tombé amou...

-Vas-y ta gueule ! Cria Ken. Vous avez pensé à moi, juste deux secondes ?

S'en fut trop. Je laissais couler mes larmes sur mes joues et répliquais, à vif :

-Qu'est-ce que tu crois ?! Je faisais que ça, de penser à toi. J'arrêtais pas de me dire que c'était mal ce que je faisais, ce qu'on faisait. Mais je contrôlais pas mes sentiments.

J'étais consciente que j'étais aussi en train de le briser. Le pire, ce qui me faisait le plus mal, c'est que c'était de ma faute. Ken était mal à cause de moi. Il avait toujours été là pour moi, m'avait toujours soutenu et moi, moi je lui plantais un couteau dans le dos.

-Je suis vraiment désolée, murmurais-je dans un énième sanglot.

-On voulait te le dire, on a essayé, ajouta Idriss.

-Mais vous l'avez pas fait !

-Je suis désolé Ken, s'excusa le kabyle.

Mon frère leva son bras et désigna Idriss.

-Toi, me parle plus. Je veux plus te voir !

Ken attrapa sa veste posé sur un fauteuil du salon et partit en prenant bien soin de claquer la porte d'entrée. Je me levais d'un bond du canapé. Je ne pouvais pas le laisser partir. Je courus jusqu'à l'entrée et courus encore sur le palier puis dévalais les escaliers à toute vitesse.

Je n'avais pas le droit de courir.

Je n'avais pas le droit de faire d'effort physique.

Mais c'était mon frère.

C'était Ken.

C'était celui qui m'avait toujours défendu.

C'était celui qui m'avait toujours soutenu.

C'était celui qui m'avait hébergé quand je me disputais avec mes parents.

C'était celui qui me faisait mes couettes quand j'étais petite.

C'était celui qui m'avait donné le goût de la lecture.

C'était celui qui m'avait donné l'envie d'écrire.

J'étais capable de faire n'importe quoi pour lui.

Même ce qu'il ne fallait pas pour moi.

Une fois arrivée en bas de l'immeuble, il avait déjà disparu. J'avais perdu sa trace. Je m'assis sur la première marche de l'escalier en reprenant mon souffle. Je venais certainement de foutre en l'air mes séances de dialyse. Je venais certainement de foutre en l'air mon traitement.

Mais je l'avais fait pour Ken.

Alors ça changeait tout.

Mes larmes continuaient de couler lorsque je me relevais. Je ne remontais pas et décidais de rentrer à la colocation. Je n'avais vraiment pas la force d'affronter le regard des autres une nouvelle fois. Je n'avais pas la force de croiser les yeux sombres d'Idriss. Je crois bien qu'on devrait prendre nos distances et ne pas se voir, ni se parler pendant un moment.

Du temps pour réfléchir.

Du temps pour encaisser.

Du temps pour penser au futur.

Du temps pour accepter le présent.

Du temps pour maudire le passé.

La sœur de mon frère, c'est ma sœur // FRAMAL [TOME 1]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora