Mission Lycéenne

Chapitre 4

– A... Albrecht ? Albrecht comment ?

Le sentiment étrange et le bouleversement que provoquait le jeune homme chez elle semblait s'atténuer avec la distance. Ce simple pas en arrière parut lui remettre un peu les idées en place. Mais elle devait absolument rester sur ses gardes, cette rencontre n'avait rien d'anodin, et pour cause : malgré ses airs peu engageant et ses connaissances étonnamment précises sur elle-même qui le rendait suspect, le jeune homme dégageait une aura très particulière. Qui donnait envie de se confier à lui.

– Contente-toi déjà de réussir à tenir ta langue au sujet des informations confidentielles que tu détiens, avant d'essayer de me tirer les vers du nez, la railla-t-il, cynique.

Il la défiait, moqueur. Juliette luttait de toutes ses forces contre elle-même pour résister à l'envie inexplicable qui lui prenait de s'appesantir sur son sort. Sans qu'elle comprenne pourquoi, la présence d'Albrecht semblait l'inciter à lui faire confiance, semblait l'inciter à parler d'elle.

Incapable de résister, la jeune apprentie Combattante choisit de se taire, plutôt que de risquer un mot de travers.

Face à elle, Albrecht la dévisageait d'un air narquois, semblant parfaitement conscient de la lutte intérieure que menait la jeune fille.
Enfin, au bout de longues minutes, il sembla la prendre en pitié et s'éloigna de plusieurs mètres. Aussitôt, Juliette sentit le poids de son influence s'alléger, jusqu'à presque s'effacer.

– Qu'est-ce que tu vas faire ? se moqua-t-il, tu n'as pas la force de me confronter toi-même. Il ne te reste plus qu'à signaler ma présence, mais jusqu'où va ton dévouement à la GEMAS ? Seras-tu capable de parler de moi ?

Sur ces mots, le jeune homme disparut dans un couloir.

Juliette, quant à elle, demeura quelques instants paralysée. Il avait raison. En dépit de tout, contre toute logique, elle ne pouvait s'empêcher, quelque part, de ressentir quelques chose pour lui. Et ce quelque chose ressemblait de très près à la confiance.

*

La fin de journée fut exécrable. Arrivée en retard en cours, Juliette oublia de rentrer discrètement dans la salle et récolta un air réprobateur du professeur. Puis toute l'après-midi se déroula avec une lenteur rarement observée. Lorsque le dernier cours pris fin, la jeune fille fila vers son appartement sans demander son reste ni saluer personne. La rencontre avec Albrecht l'avait profondément bouleversée. Même la perspective de sa mission du soir ne parvenait plus à l'enthousiasmer.

Mais elle allait devenir une Combattante. Elle ne pouvait pas se laisser aller ainsi !

Juliette ouvrit la porte de sa chambre avec la ferme intention de se forcer à signaler Albrecht... et se trouva nez-à-nez avec...

– Monsieur...

Non ! Elle se souvint juste à temps de la règle qui stipulait de ne pas appeler les Combattants par leur vrai nom, lorsqu'ils étaient en mission.

– L'Ombre invisible ! se corrigea-t-elle, que faites-vous ici ?

Un homme blond d'une trentaine d'années, la barbe de quelques jours mal taillée à moitié dissimulée dans une cape de Combattant grise se tenait debout, en plein milieu de la pièce.

Malgré une posture un peu courbée, de l'allure de l'homme se dégageait quelque chose de profondément solide et inébranlable. Un roc.

Juliette se sentait toute petite en présence de cet homme, qui faisait partie de la catégorie la plus exigeante des Combattants, dont les membres diplômés se comptaient sur les doigts de la main : les Polyvalents.