Flocon

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CHAPITRE VI

Son corps est tendu contre le mien, je peux le sentir à son immobilité apparente. Juvia a peur, Juvia s'en va. Elle me laisse seul face à l'ennemi. Seul face à Luculia. Tout à coup, je ressens le besoin qu'elle soit là, que derrière cette malédiction, elle se batte elle aussi, à mes côtés. Les mots sortent d'entre mes lèvres sans me demander la permission, indépendants de mon cerveau.

– Reste près de moi, Juvia. Reste ici. Je vais te libérer.

Ma voix se veut douce. Mes gestes aussi. La pluie double d'intensité, nous sommes trempés. Pourtant je comprends immédiatement. Juvia n'est plus. Son regard sombre dans les néants de l'océan et devient effrayant, vide, menaçant. Un frisson me prend. Un sourire s'affiche sur son visage. Pas jovial ni poli. Non, celui-ci est ironique, moqueur. Il me fait peur, son sourire.

La porte du toit s'ouvre en grand, précipitamment. Le visage étonné de Wendy m'apparaît derrière les gouttes d'eau. Mon corps se crispe, il faut qu'elle s'en aille, c'est dangereux. Elle crie à travers la pluie.

– Grey ? Je dérange ? On a besoin d'aide avec Roméo, tu sais pour le festival. Tu nous avais promis !

Je n'entends que vaguement sa demande, mes oreilles bourdonnent et la pluie trompe mes sens.

– Je viens après, promis !

Mes poumons me brûlent tant je porte ma voix au loin. Ses traits du visage s'adoucissent et sa voix vient à moi, une ultime fois.

– Je t'attends devant la porte !

J'ai envie de la prévenir, pars, le plus loin possible, c'est dangereux. Mais la main qui se pose sur mon pectoral me rappelle à l'ordre. Luculia veut mon cœur. Elle le touche, palpe ma peau. Et malgré moi, je suis à nu devant elle. Parce que malgré elle, Juvia est là. Et je suis vulnérable face à elle.

Ses jolies lèvres s'entrouvrent. Quelques mots sont soufflés, effrayants, d'un language qui m'est étranger. Je réalise finalement : ça n'est pas Juvia. Je dois la vaincre. Ma main se pose sur son tatouage. Je l'enferme. Elle se débat.

Je sens son corps se défendre. L'eau m'encercle, l'eau qui tombe du ciel me blesse. Les gouttes sont dures, presque tranchantes. D'un simple mouvement, je crée une protection de glace qui fera l'affaire. Luculia est déstabilisée.

Ni une, ni deux, je choisis. C'est le moment. Une inspiration. Une expiration. Je libère ma magie. Je libère la force qui est en moi. Un rayon s'échappe de mes mains. Froid, bleu, glaçant. C'est moi. Je me récite les quelques mots pour invoquer la glace absolue. Celle qui me permettra de libérer Juvia.

Un, deux, trois, quatre secondes s'enchaînent, puis le silence absolue, la glace, le froid, les ténèbres.

Tic-tac. Je les sens m'encercler. Ils attendent que je sombre, que je m'attarde sur la noirceur de mon cœur.

Cinq.

Le tatouage se brise, Juvia s'effondre, mon cœur s'emballe. Mes mains noircissent. Ma marque s'agrandit, elle me ronge, brûle l'entièreté de ma peau. Ma vue devient floue. J'ai peur. Je me rappelle : un pas de travers et c'est les ténèbres qui t'attendent. Ils sont là. Trop tard ? Je sombre et ils m'enveloppent, comme du coton.

La croqueuse de larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant