Chapitre 15

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- Sixième jour du mois de la Foi, en la dixième année de règne du Roi Dastan Ier-

Aujourd'hui, je ne suis plus seule.

Je ne suis plus seule.

Je ne cesse de le répéter car j'ai peine à le croire.

Un être grandit en mon sein.

Je ne serais plus jamais seule. Mais ce vide en moi qui est comblé vient subitement d'ouvrir une nouvelle brèche dans mon âme. J'ai peur... Peur de cette rivalité sans scrupule qui règne en ces lieux. Je suis maintenant en proie aux regards jaloux, aux commérages les plus avilissants et aux complots mortels.

Mon seul espoir pour que tu vives, Petit Être, est de me battre pour toi et à ta place, jusqu'au jour où tu le feras pour moi en retour.

Ressens-tu cet amour si puissant que j'éprouve déjà pour toi ? Il me donnerait la force de conquérir des mondes que je déposerai à tes pieds. Mais avant cela, il te faut vivre !

En toi coule le sang d'un valeureux guerrier et d'un souverain puissant, la gloire est dans tes gènes.

- Extrait tiré du recueil de textes « Mémoires de Concubines »

***

Les affres du doute s'instillaient vicieusement dans son esprit. Faraz ne pouvait fermer l'œil et fixait nerveusement le rayon de lune qui pénétrait par les grandes ouvertures voilées de ses appartements.

Une seule explication possible s'imposait à elle, mais cette explication la contrariait grandement. Cette jeune femme, « Ehsan », était au courant. Voilà que le plan qu'elle s'était donnée tant de mal à élaborer se voyait compromis !

Alors qu'elle sentait la rage et la haine gonfler en son sein, le visage juvénile du prince Kia apparut soudainement entre les battants de la grande porte de sa chambre. Aussitôt, tous les sentiments négatifs qui enflaient en elle s'évaporèrent, laissant place à toute la tendresse et l'affection d'une mère.

Comme le souhaitait la coutume, le garçon venait saluer sa mère avant de partir se coucher. Quinze ans que cet être innocent, ne vivant que pour les plaisirs dû à son jeune âge, partageait son existence. Quinze ans qu'elle ne vivait que pour lui.

« Kia ! Entre, mon trésor ! »

Le jeune homme pénétra dans la vaste pièce parée de tentures rouges et ocres et s'approcha du lit de sa mère.

« Comment s'est passée votre journée, Mère ? » demanda-t-il poliment.

Bien que son ton révérencieux laissât paraître tout le respect que le jeune homme éprouvait pour elle, leur complicité transparaissait au travers de son attitude enfantine et de son regard chaleureux.

Alors qu'il s'avançait vers Faraz, elle saisit ses mains et le fit asseoir à côté d'elle. Amenant les doigts du jeune homme vers sa bouche, elle y déposa un tendre baiser.

« A merveille, mon chéri. Et toi, qu'as-tu à me raconter ? »

Sa simple présence réchauffait chèrement son cœur. Il suffisait que ses yeux bruns, identiques à son père, se posent sur elle et lui revenait en mémoire tout ce qu'elle avait traversé pour pouvoir serrer cet enfant entre ses bras. Depuis ce jour, elle se battait pour lui. Et même si sa journée n'était pas aussi merveilleuse qu'elle le lui avait assuré, il sembla la croire et se répandit en compliments au sujet de la nouvelle concubine qu'elle avait fait entrer dans son harem naissant.

Non, il ne faut pas !

Il ne fallait pas qu'il sache à quel point sa journée avait été rude. Il était trop jeune, trop innocent, trop pur, pour songer à son avenir, au pouvoir et à la domination !

La Porte du Roi : Liberté Entravée - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant