8 | Les Racines du passé

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Baignant dans une chaleur presque étouffante, Hannah était allongée sur son lit, la couverture en vrac juste à côté d'elle. En hiver, elle avait la fâcheuse manie de mettre le chauffage beaucoup trop fort dans sa chambre, malgré ses faibles économies. Elle profitait de son jour de repos pour absolument ne rien faire, à part penser tout en écoutant de la musique douce. A vrai dire, elle crevait de chaud sans même s'en rendre compte. Tant qu'elle s'était dévêtue pour ne garder uniquement que sa brassière et sa culotte.

Son ordinateur était posé à côté d'elle, le clapet fermé, diffusant simplement de la musique dans ses écouteurs. Aucunes paroles, juste parfaite pour planer. Elle fixait son plafond depuis peut-être une heure et demi voir deux heures. Elle était étonnée de ne pas s'être endormie d'ailleurs. Elle pensait à toutes sortes de choses tout en se laissant emporter par la musique, mais ses pensées étaient en particulier centré sur les deux messages qu'elle avait reçu il y a deux jours. Hanji avait donné son numéro à « son ami », qui ressemblait bien trop à la personne qu'elle appréhendait énormément de revoir.

Si ça se trouve, elle se faisait simplement des idées. Ce n'est absolument pas lui, et quelque part elle le pense simplement parce qu'elle espère qu'il le soit. Elle ne savait pas. Elle voulait le revoir, oui ou non ? Non, il s'est passé bien trop de choses. Il appartient au passé, il faut qu'elle se fasse une raison. Cela fait déjà plusieurs années maintenant, ils ont construit leurs vie, chacun de leurs côtés. Oui, tout simplement parce qu'elle tient à lui, plus fort qu'à n'importe qui. Il lui manque malgré tout, même si elle veut se le cacher à elle-même. Dès cette première rencontre, elle le savait, il est spécial.

Mais ce serait pas un peu trop facile de revenir comme ça, franchement ? La vie ne lui avait jamais fais de cadeaux de la sorte jusqu'à maintenant, et ce n'était pas prêt d'arriver. Le bras posé contre le front, un genoux redressé, elle pensait. Pensait et se remémorait les moments heureux, le bon vieux temps. Sa vie avait prit une tournure inattendue, elle avait constamment l'impression de ne pas être à sa place, ça en devenait franchement pénible. C'était comme si, elle avait laissé son esprit, sa vie, son coeur, dans cet orphelinat et à ce lac. Elle se sentait comme incomplète, et ce sentiment devenait de plus en plus amer chaque jours depuis des années. Elle était fatiguée. Fatiguée de vivre le même jour en boucle. Aucuns mouvements, aucuns rebondissements. Elle en demande peut-être trop, car c'est sans doute le problème de beaucoup de monde. Mais elle s'ennuyait, et se sentant presque vide de sentiments.

Elle imagine encore sa voix dans sa tête, ses bras autour de sa taille. Elle imagine son regard posé sur elle, ses mains dans ses cheveux. Mais c'est en ouvrant les yeux que sa chambre vide lui rappelle à quel point elle se sent seule, à quel point il laisse un vide autour d'elle. Elle ne veut pas sentir d'autres caresses, d'autres parfums, elle ne veut pas croiser un autre regard que le sien. Elle ne veut plus aimer. C'est dur, de dévoiler ses secrets et de faire confiance aux autres. C'est dur de faire des choix, de s'attacher, d'aimer, de se battre après l'échec, de savoir quoi faire de sa vie. Elle tente chaque jour de construire ses remparts face à la cruauté et la complexité du monde. Son coeur est aussi fragile que de la porcelaine. Hannah se demandait si elle apparaissait dans ses rêves comme il le faisait dans les siens. S'il lui arrivait de penser à elle, ne serait-ce qu'un peu, pour se rendre compte que les souvenirs font mal. Elle avait enregistré ses derniers mots pour se les repasser en boucle pendant des semaines. Ils la rendaient heureuse, tel un échos de bonheur dans cette vie bien trop sombre, une vague d'insouciance dans laquelle elle plongeait.

Elle avait du mal à croire que c'était ainsi que se terminait le livre. Elle avait comme l'impression que son esprit ne tiendrait pas le coup, qu'elle ne trouverait sans doute jamais d'issues à ce gouffre dans lequel elle s'est elle-même jetée. Elle passerait le restant de ses jours à l'imaginer à ses côtés au clair de lune. Ses courtes nuits la rongent, son corps fatigue et son coeur ralentit. Un parfait mélange pour une âme follement attachée à une autre, mais aussi de crainte de devoir supporter cette absence des années encore. Elle devenait l'esclave de ses yeux d'acier, et des rêves planants qu'il lui apportait. Elle aurait aimé qu'il se rende compte à quel point elle tenait à lui, et à quel point elle tentait d'échapper à la froide réalité du monde. Sous ce dôme étoilé, face à ce lac, elle se sentait revivre, et elle sentait son coeur se réchauffer. Aujourd'hui, personne ne pourrait ramasser ces bouts de ciel qui s'étaient brusquement écroulés sur elle, lorsqu'on l'a arraché à la vie qu'elle voulait mener. Elle n'en voulait pas à Mr et Mme Feldmann, au contraire, elle n'en voulait à personne. A personne mis à part à elle-même. Elle s'en voulait de s'être accrochée à une âme à ce point. C'est vrai, il faut être fou pour trouver le courage d'aimer.

𝐀𝐍𝐃𝐑𝐎𝐌𝐄̀𝐃𝐄 - 𝐋𝐞𝐯𝐢 𝐱 𝐎𝐂 Where stories live. Discover now