10. Brisée

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-• Tony •-

- T'as les armes?

- Ouais.

- Mardi sans faute au hangar. Si t'es pas là à 22h je te bute.

Il hoche la tête, un peu apeuré, et retourne d'où il est venu. Dans précisément six jours, nous allons chercher la sorcière d'Aaron. C'est un peu long, mais s'il n'est pas content, il n'a qu'à aller la chercher lui-même ce connard.

M'arrêtant en face d'un miroir, je remets mes cheveux en place et souris à mon reflet. Non mais quel beau gosse.

-• Jasmine •-

La petite blonde qui me fait face n'a rien à voir avec celle que je côtoyais quelques semaines plus tôt. Sa robe lui cache à peine le cul et son décolleté est tellement plongeant que rien n'est laissé à l'imagination.

Un frisson de dégoût me parcourt quand j'arrive à son visage froid et trop maquillé.

- Ça fait longtemps.

Sans prendre la peine de parler, je fais un bref signe de tête. La voir ici me pousse à me poser mille-et-unes questions auxquelles je sais que je n'aurais aucune réponse.

Est-elle dans ce gang? L'ont-ils kidnappée elle aussi? Sort-elle avec l'un d'eux? Qu'est-ce qu'elle fait là? Vient-elle me sauver?

Voyant au loin le mal de tête se former, je cesse de me poser toutes ces questions et repose mes yeux sur elle. Rien ne fait du sens.

- T'as rien à me dire ou quoi? Merde, ça fait environ deux mois que tout le monde te cherche! Quand mon frère m'a dit que la nouvelle fille de Nico te ressemblait, je suis venue en vitesse. Ils t'ont fait du mal?

Son frère? Elle a un frère? Comment elle connaît Nico? Trop de questions bordel. Pourquoi elle me regarde aussi froidement en me disant qu'elle s'inquiète. Quelque chose ne colle pas. Je suis disparue depuis si longtemps? Pourquoi la police ne m'a pas retrouvée? Est-ce que la police me cherche?

- Deux mois. Réussis-je à souffler.

Mes parents doivent être morts d'inquiétude.

- Ils t'ont fait du mal?

À présent à moitié dans la lune, je ne peux que souffler un nom. Mes sourcils se froncent à l'instant où il passe mes lèvres.

- Quentin.

Je sens vaguement Kim s'approcher de moi et m'enlacer. Des questions fusent de tous bords tous côtés, sans que je ne puisse les arrêter. Qu'ai-je donc fait pour me retrouver dans cette histoire de gang? Bientôt dans l'un, plus tard dans l'autre. Est-ce ma punition pour tous les mauvais choix que j'ai faits? Je ne me sens pas très bien tout d'un coup. La pièce tangue et mes jambes se font molles. Doucement, je me sens de plus en plus faible, comme si j'allais sombrer dans un sommeil profond. Et c'est ce que je fis.

-• Kim •-

Je laisse tomber la petite seringue que j'avais en main et sors de la pièce, prête à recevoir mon paiement. Parcourant ces couloirs que je ne connais que trop bien, je me rends sans mal devant la porte du bureau de Nico.

Ce dernier est grand, comme tout ce qui se trouve dans cette demeure, et sur les murs, des armes de toutes sortes, posées sur des étagères comme des trophées. On peut dire que le bol de bonbons qu'il garde au coin de son bureau fait tache avec un tel décor.

Je ris mentalement face à cette pensée, mais je ne laisse même pas l'ombre d'un sourire parvenir à mon visage.

Je pose mes yeux sur Nico, qui, comme à son habitude, fait des sudokus. Je n'ai jamais compris cette obsession pour ce casse-tête à chiffres. Depuis que je suis toute petite, je sais qu'il a une place spéciale dans son coeur pour ces puzzles déprimants.

- Papa, elle est calmée. T'as mon paiement maintenant? Dis-je platement.

Il me tend un sac de poudre blanche sans me jeter un regard.

Je l'avoue, je suis une amie de merde.

-• Jasmine •-

Un mal de tête atroce me pousse à garder les yeux fermés. Je sens le matelas dans lequel je me trouve s'affaisser, signe que quelqu'un s'y est posé. Sans ouvrir les yeux, je devine que c'est un homme. Le parfum masculin de ce dernier fait un peu vieillot, mais je sens que son propriétaire est tout sauf vieux.

Posant une main fatiguée sur le côté de ma tête, j'entrouvre les yeux. Je reconnais aussitôt la tignasse brune de Quentin, qui remet son pantalon à l'autre bout du lit.

Qu'est-ce qu'il fait là? Jetant un regard autour de moi, je réalise que je suis à nouveau dans la chambre numéro 7. J'imagine qu'ils avaient besoin de la prison pour quelqu'un d'autre. J'essaie de me relever, mais une douleur se fait ressentir dans mon bas ventre, comme si j'avais été transpercée de bout en bout.

Maintenant paniquée, je lève la couverture posée sur mes cuisses et remarque avec horreur que je n'ai plus de culotte. Le regard satisfait de Quentin quand il sort de la pièce me permet de faire le lien. J'aurais d'ailleurs préféré ne jamais le faire. Ils m'ont droguée.

Ils ont utilisé mon corps.

À cette pensée, je me recroqueville dans le lit et me cache sous la couverture. Malgré moi, mes yeux se remplissent de larmes. Et puis qu'est-ce que ça peut faire si je me noie dans mes larmes? Personne ne sait où je me trouve. Personne ne me cherche. Je n'ai pas à vivre cette vie. Je peux en finir si je le souhaite.

Me couchant sur le dos, je sens quelque chose me piquer. Merde, j'avais oublié le couteau.

J'essuie rapidement mes larmes du dos de ma main, pour ensuite retirer la lame de mon soutien-gorge. Je ne comprends pas comment Quentin a fait pour ne pas la voir.

Rien qu'à penser à ses mains sales sur mon corps, je me tends. Mon reflet lamentable est projeté sur la lame aiguisée. Si il revient, je serais prête à l'accueillir. En attendant, je dois m'occuper de Kim. Cette sale garce a quelque chose à voir avec tout ça, j'en suis sûre et certaine.

Elle va me donner les réponses à mes questions.

Laisse moi partir 1Where stories live. Discover now