26 | LUCIFER

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Elle n'était pas sortie de sa chambre depuis trois jours et moi, je n'avais jamais autant souri que durant ces trois derniers jours.

Mon cadeau avait eu l'effet escompté et Gabrielle l'inébranlable avait fini par trembler devant mon monde. J'avais réussi ma mission et désormais, j'avais l'impression d'être le maître du monde. J'étais dans un état d'euphorie que l'alcool n'arrivait plus à me faire ressentir et pour la première fois depuis longtemps, j'avais l'impression d'avoir rendu à mon père la monnaie de sa pièce.

Je n'avais pas été là à son retour au loft mais son isolement dans la chambre traduisait pour elle sa terreur. Je n'avais pas besoin de lire en elle pour comprendre que Kohr avait rempli son devoir avec brio. Amaris n'avait donc pas menti. La torture avait dû être insoutenable pour que même la féroce ange qui refusait de ployer se laisse abuser par les charmes de la frayeur. J'étais presque jaloux de n'avoir pas su réussir moi-même mais je soulageais ma déception dans le plaisir de la savoir incapable de mettre un pied en dehors de sa cachette.

Elle venait de comprendre que plus rien ne serait comme avant. De force, je lui avais fait passer ce fameux point de non-retour, ce passage qui peuplait vos nuits de cauchemars et vos jours de regrets. Il lui avait fallu de la volonté pour retarder l'inévitable mais il lui en faudrait d'autant plus pour survivre avec.

— Maître, s'inclina poliment le démon sur mon passage, se précipitant devant moi pour m'ouvrir les portes du Devilish.

Je hochai discrètement la tête en réponse à sa politesse exagérée et me laissai bercer par la chaleur du club dont les effluves d'alcool et de plaisirs interdits me parvenaient dès l'entrée.

J'avais beau savourer ma victoire comme un prince conquérant, je n'arrivais pas à me sortir de la tête le regard empli d'un désir refoulé qui brillait au fond de ses pupilles. Elle avait cédé à un autre que moi et, dans les restes décrépis de mon être, ça me rendait fou de ne pas l'avoir vu s'effondrer devant moi. J'avais besoin de connaître toutes ses faiblesses pour mieux la détruire, tous ses fantasmes pour mieux la satisfaire et tous ses putains de secrets pour mieux la préparer à la chute qui allait venir.

Yéléna m'attendait de pied ferme dans le carré VIP du night-club. En l'observant tandis que j'avançais, je ne cessai de me rappeler le goût de ces lèvres que j'aurais aimé être celles d'une autre. C'était Yéléna et son éternelle combinaison noire que j'observais mais c'était Gabrielle dans son incorrigible sourire arrogant que j'imaginais.

Elle m'avait ensorcelé, fait de moi l'ombre d'un monstre prêt à réduire le monde en cendres pour savourer la douceur de sa peau ou le murmure de sa bouche contre mon corps. J'aurais dû rire à gorge déployée, me moquer d'elle et de ses faiblesses et prévoir la suite le sourire aux lèvres mais je n'avais pu que venir noyer mon manque dans l'étouffante ambiance du Devilish.

J'avais souri pour l'image mais dans les tréfonds de mon esprit, elle me manquait. Elle avait comblé un vide par ses sourires et ses piques cinglantes et désormais je ne pouvais plus imaginer ma vie sans elle. J'étais devenu l'un de ses hommes pathétiques qui réduisait le monde en miettes rien que pour le sourire d'une amante cruelle. Tiraillé par des émotions contraires, je me perdais dans mes propres sentiments et me trouvais incapable de décider ce qui valait le mieux pour moi.

J'approchai de la démone aux cheveux noirs sans me presser, certain que la conversation allait ressembler à toutes les précédentes. Yéléna s'était trouvé une nouvelle obsession dans le couronnement de Gabrielle qui approchait chaque jour un peu plus.

— Tu aurais dû me tenir au courant pour le Russe, m'incendia-t-elle avant même que je ne me sois assis sur la banquette libre à la droite de la sienne.

LE PÉCHÉ INFERNAL | Romantasy Où les histoires vivent. Découvrez maintenant