Chapitre 8. I.

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« Se jeter dans la gueule du loup ? À moins que ça ne soit pour l'empoisonner, non merci ! »

Scarlett, la Faucheuse tueuse de monstre.

*

Lowell semblait peiner à la croire. Malgré ses traits bestiaux, ses expressions restaient humaines. Et dans ses yeux blancs, le doute brûlait autant que la crainte d'espérer. Scarlett releva le menton, touchée par ce regard désespéré qui la confortait toujours plus dans ses décisions.

« C'est bien ce que vous vouliez en implorant mon aide, non ?

— Je ne croyais pas cela possible...

— Dans ce monde, rien n'est impossible.

Son sourire était tel qu'il resplendissait dans ce bois ténébreux. La Lune devait sentir la présence d'une guerrière de la Mort sur ses terres car soudain, le sol se mit à trembler sous ses pieds. Un arbre bascula dans un craquement sinistre. Scarlett perdit aussitôt son sourire.

Ne restons pas là... grogna le loup géant.

Elle acquiesça. Côtes à côtes, ils évoluèrent dans la forêt, sur leur garde. La faucheuse en profita pour questionner un peu plus Lowell sur sa vie d'humain. Il lui raconta quelques passages de son enfance, omettant cependant beaucoup de détails. La jeune femme s'en rendit compte aisément. Elle hésita à pousser plus loin ses interrogations mais finit par se raviser. Cela pouvait attendre.

Avoir à ses côtés un animal canin grand de trois mètres l'impressionnait quelque peu. Il lui rappelait les loups qui avaient attaqué son village et tué sa famille. Parce qu'ils étaient créatures de la Lune eux-aussi. Lowell deviendrait comme eux d'ici quelques jours si elle ne trouvait pas comment inverser le maléfice.

— J'ai besoin que vous réfléchissiez vraiment... murmura-t-elle. Dans combien de temps exactement cela fera sept ans ?

— Cinq jours.

— Cela fait court. Nous aurons du mal.

Le loup se paralysa violemment et lui coula un regard enragé. Scarlett ne se laissa pas intimidée. Elle lui sourit même en retour avant de rajouter :

— J'ai dit que nous aurons du mal, pas que nous n'y arriverons pas.

Son optimisme sembla surprendre encore plus la créature qui lâcha un grondement sourd. Elle ne s'en formalisa pas. Si une faucheuse vieille de trois siècles et un monstre surpuissant n'étaient pas capables de trouver une solution, qui le serait ?

Et si nous n'y arrivons pas ? interrogea tout de même l'esprit humain enfermé dans la bête.

Son sourire vacilla légèrement sans qu'elle ne s'en départîsse. Il était loin d'être dupe. C'est avec honnêteté qu'elle souffla :

— Si nous n'y arrivons pas, la Lune prendra le contrôle. Et je devrais vous tuer.

— À moins que ce ne soit moi qui vous tue.

— Vous pourriez essayer ! rétorqua-t-elle, vive et taquine.

— Il ne suffirait que d'une seule griffure pour vous empoisonner.

— Et moi, d'une balle entre vos yeux pour envoyer votre cervelle tâcher le sol de ce charmant bois.

Scarlett songea alors à ce à quoi pouvait bien ressembler Lowell Ayres sous forme humaine. Ses yeux n'étaient très certainement pas blancs. Sa curiosité la dévorait. Elle espérait le découvrir un jour. Cela signifierait qu'elle aurait réussi. Qu'ils auraient réussi !

La créature montra ses dents pointues dans ce qui ressemblait à un sourire. Le tableau arracha un rictus amusé à la faucheuse. Un loup qui lui souriait. Elle n'avait jamais rien vu ou imaginé de si farfelu. De toute façon, jamais elle ne s'était imaginée dans une telle situation. Elle avait plongé dans les soucis jusqu'au cou et elle nageait dedans à présent avec la grâce innée d'un éléphant qui voudrait danser un ballet.

Autrement dit, aucune.

— Qu'est-ce qui vous a poussé à m'épargner ? s'enquit le loup géant.

La blonde ne réfléchit pas une seule seconde avant de répondre du tac au tac :

— Mon instinct.

— Et vous pensez pouvoir vous y fier ?

— Je ne peux me fier qu'à lui. Il n'y a que lui que le mal ne pourra corrompre.

En prononçant cette phrase, elle avait bombé la poitrine, pleine de fierté. Et malgré sa petite taille, elle dégageait une telle aura qu'il fallait être aveugle ou sot pour ne pas comprendre la force qui coulait dans ses veines. Instinctivement, Lowell coucha les oreilles en arrières, sa queue fouettant l'air avec la violence d'une masse. Mais Scarlett ne craignait rien.

— Espérons que ce dicton dise vrai alors.

— Il le dit.

Un instant, la jeune femme se remémora les huit années passées en compagnie du bûcheron. C'était grâce à lui qu'elle n'était plus cette gamine naïve, c'était grâce à lui qu'elle avait réussi à se pardonner ses erreurs, c'était grâce à lui qu'elle avait pu accomplir sa vengeance.

Lorsqu'il était mort, c'était comme si elle avait tout perdu une seconde fois.

Mais en réalité, elle avait tout gagné : immortalité, force et confiance en son instinct. Jamais il ne l'avait trompée. Ce serait le cas cette fois encore.

— Dans ce cas, je crois que la confiance doit-être réciproque.

— Ce serait bien en effet. Parce que la suite va nécessiter un travail d'équipe de notre part.

Cela lui fit une étrange impression de prononcer ces mots. Une créature de la Lune et une faucheuse, alliées pour sauver le premier.

Le monde semblait bel et bien marcher sur la tête. Et bien que Lowell ne fusse pas un grand expert du monde surnaturel, il s'en doutait également, elle le devina à l'étrange rictus que le loup esquissait. Sa fourrure rousse striée de noire s'agitait alors que le vent projetait son souffle froid sur le monstre. Sans s'en soucier, il interrogea, plus sérieux que précédemment :

Je vous écoute, quel est le plan.

Scarlett prit une profonde inspiration, consciente que le plan était des plus risqués et des plus fous. Elle lui avait brièvement raconté ses découvertes. À présent, il fallait passer à l'action. Balayant les formes des arbres sombres du regard, elle lâcha, songeuse :

— Il va nous falloir capturer une sorcière. »

Lowell coucha les oreilles en arrière et cette fois, la tension qu'il dégagea le transforma en bête menaçante. Il ne semblait pas ravi du tout à cette idée. Mais il n'eut pas le temps de répondre quoique ce soit. Une branche craqua derrière eux. D'un même geste, ils se retournèrent. Scarlett dégaina son pistolet tandis que le loup géant se prépara à sauter. Pourtant, alors qu'une silhouette se détachait des fourrés, sortant en pleine lumière, elle empêcha le monstre d'attaquer, sans pour autant baisser son bras. Le soulagement se mêla à la surprise et à l'inquiétude au fond de son cœur tandis qu'une voix masculine et railleuse s'éleva dans l'air chargé de mauvaises ondes du bois aux sorcières. »

« Je peux savoir comment est-ce que tu comptes t'y prendre Scar' ? »

La faucheuse soupira lorsque son regard plongea dans celui d'un bleu unique et profond de Valentin.

Les Faucheurs II - Maléfice LunaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant