Chapitre 19. I.

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« Promenons-nous dans les bois, pendant que la Lune n'y est pas, si elle y était, elle nous maudirait. Comme elle n'y est pas, elle ne le fera pas... »

Scarlett, Comptine revisitée.

*

Chaque arbre, chaque caillou, chaque sentier se ressemblaient dans ce fichu bois aux sorcières. Et pourtant, chaque fois que Scarlett se retournait, le paysage derrière elle se modifiait, s'effaçait. Plus ils s'enfonçaient dans la forêt, plus le chemin du retour s'évanouissait. La faucheuse grimaça. Tout être humain qui avait la malchance de s'y égarer était certain de ne jamais pouvoir en sortir. Heureusement pour eux, ils n'avaient rien d'humain. La Mort était de leur côté. Et même si leur déesse ne pouvait s'aventurer en ce domaine de la Lune, elle soutenait ses enfants mentalement, à travers leurs prières muettes. Les faucheurs pouvaient toujours compter sur leur déesse.

Cependant, ils avaient marché la journée entière et la blonde avait l'impression qu'ils ne faisaient que s'égarer toujours plus dans ce dédale créé par la Lune afin de les perdre. L'instinct de Lowell les guidait et il semblait sûr de lui, pourtant, le temps pressait et ils n'y étaient toujours pas...

La tension dans l'air était palpable. Le fait qu'aucune autre créature ou sorcière ne se soit dressée sur leur chemin n'aidait pas les trois compagnons. Ils avaient l'impression d'être constamment observés, guettés, épiés. Scarlett trépignait presque sur place. Elle fermait la marche et sa main frôlait toujours la cross de son pistolet qu'elle était prête à dégainer à n'importe quel moment.

Soudain, la haute silhouette de Lowell se dressa sur son chemin. L'homme affichait une expression grave, un peu triste et surtout, empressée. Elle leva le visage pour plonger son regard dans le sien, se laissant envahir par toute la douceur du bleu de ses yeux. La voix rauque du roux était peu assurée lorsqu'il murmura :

« Avant que la nuit ne tombe, je dois absolument te parler Scarlett.

Face au ton grave du maudit, la faucheuse se figea. Sa poitrine se serra alors qu'elle remarquait déjà le soleil gris du bois aux sorcières prêt à sombrer à l'horizon. La sixième année était prête à s'achever et ils y étaient presque. Son instinct la poussait à continuer, à ne pas s'arrêter pourtant, elle comprit que s'ils échouaient, c'était là la dernière occasion pour Lowell de s'exprimer. Il n'avait pas la foi, il ne croyait pas en leur réussite.

Ce n'était pas grave, elle avait suffisamment d'espoir pour deux. Voire pour trois, si elle considérait Valentin et son pessimisme.

— Je t'écoute.

L'humain jeta un coup d'œil en direction du faucheur qui s'était arrêté en remarquant que ses compagnons ne le suivaient plus. Comprenant qu'ils désiraient un peu d'intimité, le fils du Patron soupira et se détourna. Être mis à l'écart ne le dérangeait pas, mais le temps pressait et l'approche de la nuit le mettait sur les nerfs. Rien n'était plus dangereux qu'un bois aux sorcières en pleine nuit lors d'un phénomène astrale telle qu'une pleine lune. Un véritable bourbier mortel. Il n'était jamais bon de rester dans un tel lieu lorsque l'astre était aussi rond que le ventre d'une femme enceinte, comme s'il était prêt à accoucher de mille maux.

Mais il n'y pouvait rien si Scarlett et son loup avaient choisi ce moment pour discuter...

Lowell reporta son attention sur la jeune femme qui l'observait de ses prunelles si particulières, avec sa douceur habituelle. Il fut quelque peu troublé par la profondeur de ce regard. Ce dernier était tant assuré qu'il eut la vague impression que rien n'était impossible aux côtés de la faucheuse.

Les Faucheurs II - Maléfice LunaireHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin