Epilogue.

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Les cieux étaient aussi bleus que l'azure. Seul le soleil rayonnait dans le ciel ce jour-là, immense, lumineux. Ses rayons étaient tels que les arbres projetaient de grands faisceaux de lumière sur le sol couvert de feuilles vertes de la forêt. Ce dernier était strié d'or et de vert. La vie régnait en ce lieu dans un lourd silence de paix.

Puis un craquement.

Une silhouette encapuchonnée de rouge se faufilait entre les arbres, d'un pas léger, silencieux et rapide. Un petit panier en main, elle trottait, tâche écarlate au milieu d'un tapis de jade. La forêt autour d'elle semblait paisible, sauvage, préservée de tous torts, qu'ils soient humains ou sorciers.

L'air, embaumé des parfums sylvestres, s'engouffrait dans les poumons de la jeune femme qui évoluait dans les bois, comme si elle en était elle-même issue, semblable à un elfe ou une fée. Un elfe ou une fée habillée entièrement de rouge. Sa robe volait autour de ses jambes, agitée par la brise douce qui caressait sa peau. Le petit panier en osier qu'elle tenait dans ses mains, oscillait au rythme de ses pas tandis qu'elle fredonnait un air lent, doux et grave. L'hymne des faucheurs. Elle se figea un instant en apercevant une silhouette canine se faufiler aux travers des buissons, évanescente. Son totem jamais ne la quittait, la guidant désormais vers son futur. Jadis, elle craignait et haïssait les loups.

Aujourd'hui, les choses avaient changé.

Elle avait changé.

Elle arriva aux abords d'une clairière baignée par le soleil. Le paysage semblait irréel. L'herbe verte était grasse et parsemée de pâquerettes blanches et de violettes. Au cœur de la clairière, assis sur une nappe à carreaux, une massive silhouette masculine lui tournait le dos, perdu dans ses réflexions. Elle se glissa derrière cette silhouette, sans un bruit, faisant preuve d'une telle discrétion que l'individu ne se rendit pas compte de sa présence. Quand soudain, elle plaqua brusquement ses mains sur l'épaule de l'homme et s'écria d'une voix grave et tonitruante :

« Bouh !

Lowell sursauta violemment et fit volte-face, tombant nez à nez avec Scarlett qui éclata de rire. Elle rayonnait dans ce cadre forestier, sa cape rouge étendue sur ses épaules. Son rire s'élevait dans les airs, mélodieux. Le jeune homme ne put s'empêcher de sourire, gagné par la tendresse. Pour toute vengeance, il se saisit de la taille de la Faucheuse et la fit basculer en avant. Elle se retrouva allongée sur le dos, sur la nappe à carreaux étendu sur le sol forestier. Le panier qu'elle tenait dans ses mains roula au sol.

Mais Scarlett s'en fichait. Là, tout de suite, elle se perdait dans le bleu des yeux de celui qu'elle aimait et qui n'avait pas lâché sa taille, se contentant de se pencher au-dessus d'elle. Du bout des doigts, il caressa la cicatrice sur la pommette gauche de la jeune femme avant de déposer ses lèvres sur son front.

— Voilà un accueil des plus plaisants, murmura-t-elle.

— Tu trouves ?

Elle hocha de la tête vivement. Sa chevelure blonde formait un halo d'or autour de son visage. Lowell ne pouvait se laisser de l'admirer. Il la trouvait si fascinante avec ses traits doux et lumineux, ses yeux vairons si atypiques et cette cicatrice qui suffisait à détromper tous ceux qui auraient pu croire à l'inoffensivité de la Faucheuse. Elle était l'incarnation même du courage, elle qui l'avait libéré d'un maléfice que tous pensaient définitif.

Il l'aimait, sans limite, sans frontière, sans barrière.

— Tu es en retard, Scarlett !

— J'avais oublié mon panier. J'ai dû courir comme si j'avais le diable aux trousses pour te rejoindre.

Lowell rit avant de s'incliner nouveau au-dessus d'elle pour l'embrasser. Scarlett réagit aussitôt, entourant les épaules du jeune homme de ses bras pour l'attirer plus fermement contre elle. Dans sa poitrine, son cœur battait à rompre. Elle se sentait bien ici, à embrasser langoureusement l'ex-monstre. Très vite, les choses s'enflammèrent et il finit par s'allonger pour de bon sur elle, s'adossant sur ses avants bras pour ne pas l'écraser. Leurs jambes se mêlèrent tandis que les mains de la Faucheuse glissèrent dans le dos de son amant. Celui-ci finit par quitter la bouche de la jeune femme pour poser ses lèvres sur la ligne de sa mâchoire et dévaler jusqu'à son cou qu'il parsemait de baiser. Un soupire échappa à Scarlett dont les doigts se crispèrent.

— J'ai une faim de loup... grogna-t-il contre la gorge de la blonde qui ne put s'empêcher de glousser.

Une chaleur douce, agréable se répandait dans son cœur et plus particulièrement dans son ventre. Lowell n'était pas le seul à avoir faim. Les yeux mi-clos de plaisir, elle murmura :

— Ce n'est pas moi qu'il faut dévorer, mais le pique-nique !

— Le grand-méchant loup a toujours désiré dévorer le petit chaperon rouge.

— Oui, mais le petit chaperon rouge a préparé un pique-nique spécial pour son p'tit louveteau adoré, donc cou-couche panier !

Un instant, l'homme s'arrêta, le visage toujours enfouit au creux de la gorge de la Faucheuse. Sa main glissa le long de sa taille pour venir relever lentement le bas de sa robe écarlate, le long de ses cuisses avant d'effleurer lentement le tatouage en forme de loup de la blonde. La fraîcheur de l'air contre sa peau contrastait avec la brûlure des caresses du jeune homme. Les paroles de ce dernier lui semblèrent dénuées de sens lorsqu'il interrogea à nouveau :

— Tu as fait de la confiture ?

Un « oui » étouffé lui échappa. Elle sentit le sourire satisfait de son amant contre sa gorge. Puis plus rien. Celui s'était relevé, s'écartant d'elle. Un grand froid la gagna aussitôt en même temps que cette sensation de vide. Pourtant, rien n'était vide en elle. Son cœur débordait d'amour et de joie. Elle était heureuse, purement heureuse. Rien n'entachait le cadre parfait de ce pique-nique en compagnie de Lowell dans la charmante petite forêt qui bordait le manoir. Grâce à Valentin qui était parvenu à convaincre son père, ils avaient pu rejoindre l'Ordre sans craindre le moindre châtiment. La mort était de leur côté. Et si la mortalité du l'ex-monstre avait pu représenter un problème, Scarlett avait décidé de suivre son cœur et de ne pas s'en soucier. Mieux valait s'aimer, même pour un temps fini, que de vivre séparé par la crainte d'un adieu.

Lowell avait ouvert le panier pour en tirer un petit pot qu'il ouvrit sans problème. La bouillie rouge laissa dégager un parfum sucré et enchanteur.

Songeuse, la Faucheuse soupira, son regard perdu sur le plafond vert que formaient les feuillages des arbres :

— On devrait ne jamais quitter cette clairière et y rester pour l'éternité ! Nous y serions si bien...

Cette proposition le tentait bien. Il s'imaginait bien passer le restant de ces jours dans ce lieu que le mal semblait ne jamais vouloir atteindre en compagnie de celle qu'il aimait de tout son cœur.

— Et que fais-tu de la Lune ?

Scarlett se redressa sur ses avants bras, plongeant son regard dans celui d'azure et rétorqua, avec assurance :

— On s'en fou de la Lune. Ce qui compte, c'est nous.

Elle avait assez donné pour le moment. Certes, les monstres et autres créatures de cauchemar n'attendait qu'elle pour se voir privé de leur habilité à semer le malheur mais la Faucheuse refusait de laisser l'astre mortel empiéter sur sa vie. C'était également le cas pour la Mort. Elle servait la déesse avec ferveur. Mais elle comptait aussi vivre sa vie. Et à ce moment-là, elle ne l'imaginait avec nul autre que Lowell. Ce dernier lui sourit avec tendresse avant de répéter, ses yeux brillant d'amour :

— Ce qui compte, c'est nous. »

Plus de sortilège, plus de malédiction. Rien qu'eux.

Les Faucheurs II - Maléfice LunaireNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ