Mourir d'amour

2.1K 222 17
                                    

Depuis que Narcissa et Severus avaient été chercher Sirius à Azkaban, l'homme n'avait pas dit un mot. Il s'était laissé entraîner dans le Manoir, et il avait laissé un elfe le laver et lui couper barbe et cheveux.
Il avait repris figure humaine.


Narcissa en personne l'avait fait manger un peu de bouillon - après des années de jeûne forcé, une nourriture trop riche l'aurait rendu malade - et il avait accepté de bonne grâce de se faire dorloter, même s'il ne semblait pas comprendre ce qui se passait.
Severus était ensuite venu sans un mot et avec sa brusquerie habituelle, il l'avait soigné.


Chaque marque sur son corps, chaque ecchymose avait été badigeonnée de potion. Sirius ne l'avait pas quitté du regard, mais Severus s'était appliqué à ne pas croiser ses yeux.
Une fois sa tâche terminée, Severus l'avait fait boire une potion de sommeil sans rêves, décidant que Sirius avait besoin de repos.

Une fois l'homme endormi, Severus l'avait longuement observé, et avait soupiré. Il recommencerait à le détester quand il irait mieux. Il ne pouvait pas se venger d'un homme déjà à terre. Il n'était pas un homme gentil, mais il était loin d'être un monstre.

En sortant de la chambre préparée pour Sirius, il ne fut pas surpris de tomber sur Narcissa, qui attendait, bras croisés.
- Et bien, Severus ? Qu'en penses tu ?
Le Maître des potions grogna en refermant la porte.
- J'en pense que je suis heureux d'avoir accepté les conditions de Dumbledore et d'avoir échappé à Azkaban. Cet endroit... Merlin...


Narcissa soupira.
- Je sais. Mais...
- Ce n'est pas ce que tu voulais savoir.
- Pas tout à fait non.
- Il s'en remettra.


Il y eut un silence, puis Narcissa hocha la tête.
- Bien. Les garçons voulaient te voir. Charles avait l'air inquiet de ton humeur.
Severus renifla, agacé, et partit à grands pas en direction de la chambre des jumeaux. Narcissa le regarda faire avec un sourire.


Lorsqu'il entra dans la chambre des jumeaux, Severus haussa un sourcil amusé en les voyant tous les deux assis sagement sur le bord de leur lit, silencieux, l'attendant visiblement.
Il s'appuya contre le chambranle de la porte, bras croisés.
- Tout va bien ?


Harry hocha la tête doucement, tandis que Charles l'observait attentivement. Puis, ce dernier eut un léger sourire.
- Vous aviez dit que vous nous apprendriez les potions.
Severus écarquilla les yeux légèrement, puis il soupira et ricana.
- Et donc, cette question ne pouvait pas attendre demain ?


Harry fit la moue.
- On voulait voir si vous alliez bien aussi. Tout à l'heure vous aviez l'air en colère.
- De parfaits petits Serpentard, visiblement. Alors que vous venez d'une famille de Gryffondor pur souche... Intéressant.


Charles renifla.
- Donc ?
- Et bien je suppose que nous pourrons voir les bases quand je reviendrais demain.
Il eut le droit à deux larges sourires. Quelque part dans ses entrailles, quelque chose s'agita. Une bouffée de tendresse pour ces gosses abîmés probablement.


Il allait quitter la pièce quand il hésita. Sans se retourner vers eux, il leur posa la question qui lui brûlait les lèvres.
- Vous savez où j'ai été aujourd'hui ?


Il entendit un léger reniflement agacé et il devina que c'était Charles qui avait réagi ainsi. Harry était plus... mesuré dans ses réactions. Pourtant ce fut Harry qui répondit, d'une voix douce.
- Chercher l'homme qui est notre parrain. Celui qui était en prison.
Severus retint un grognement : évidemment, Narcissa avait tout prévu.
- Vous n'avez pas envie de le voir ?
- Pour quoi faire ? On le connaît pas.
Le Maître des potions masqua un léger sourire et les salua, avant de quitter leur chambre.

Le lendemain, Severus avait prévu un livre de potions destiné aux débutants. Cependant, en premier lieu, il se rendit au chevet de Sirius.
L'homme était réveillé, mais toujours silencieux. Presque catatonique. Il fixait le plafond d'un air morne, et rien ne semblait le faire réagir.


Narcissa semblait inquiète. Elle murmura à Severus qu'il acceptait de manger, mais qu'il restait totalement passif. Severus soupira et examina son ancien rival attentivement.
Ses blessures étaient guéries. Il était affreusement maigre, mais ça prendrait du temps avant qu'il ne retrouve un poids normal. Physiquement, il allait étonnamment bien compte tenu des sept dernières années.
Cependant, il semblait plongé dans une profonde dépression sans vraiment de volonté de s'en sortir.


Severus lança un regard à Narcissa, lui faisant signe de ne rien dire. Puis, il s'avança à grands pas dans la chambre, et se plaça dans le champ de vision de Sirius.
Lorsqu'il eut capté le regard gris, il prit une expression dédaigneuse.
- Black... Serais-tu du genre à mourir d'amour ? Tu es vivant non ? Alors pourquoi tu continues de te morfondre ?


Une vague étincelle de colère passa dans les yeux de Sirius, bien vite étouffée. Severus renifla avant de continuer.
- Je commence à me demander si tu aimais tant Potter. Parce que si tu l'aimais autant que ça, tu n'aurais jamais cessé de te battre. Tu as un filleul non ? Ils avaient confiance en toi pour le protéger et toi... Toi tu as joué l'idiot à courir après des chimères et tu l'as abandonné !


Cette fois, les poings de Sirius se serrèrent et une larme coula sur sa joue.
Narcissa approcha et posa une main sur le bras de Severus pour le faire taire.
- Sirius. Ils sont ici. Les enfants Potter. Harry et Charles. C'est pour eux que nous t'avons aidé à sortir d'Azkaban. Dumbledore les avait envoyé chez les moldus et...


Sirius se redressa soudain.
- Les enfants ? Il n'y a que Harry. Il n'y a qu'un seul enfant ! Mon filleul !
Severus secoua la tête.
- Quand je suis arrivé chez eux, il y avait Lily près de deux enfants. Des jumeaux apparemment. Ils se ressemblent assez, et surtout... Ils sont inséparables.


Sirius passa une main tremblante dans ses cheveux et haussa les épaules.
- Je ne comprends pas. Harry était tout seul. Leur seul enfant. Je l'aurais su... Je veux les voir. Je veux les voir maintenant.


Severus grogna, et plissa les yeux.
- Si tu veux les voir, Black, tu vas devoir faire un effort pour ne plus ressembler à un mort en sursis. Ils sont passés par bien des épreuves et il est hors de question que tu en rajoutes.


Autrefois, Sirius se serait indigné. Il aurait protesté. Il aurait cherché à obtenir ce qu'il voulait en dépit de toute logique ou prudence. Pourtant, il se contenta de baisser la tête, épaules basses, vaincu, arrachant une grimace au Maître des potions.


- Que dois-je faire ?


Prompt de demain : Amour sans espoir

Tu es mon doubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant