Chapitre 18: Une voix dans le néant

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Ellya

Pas un bruit, pas un son... Je ne vois rien. Je ne sais pas si je suis incapable d'ouvrir les yeux ou si je n'en possède tout simplement pas... En tout cas, il n'y a aucune lumière... Le noir m'enveloppe, il enveloppe tout autour de moi... Il n'a jamais fait aussi noir... Mais étrangement, ça ne me dérange pas... Je suis bien, en paix... Je suis seule, en toute tranquillité... Rien ne me dérange. Je suis comme endormie, et pourtant en pleine conscience du lieu où je me trouve, de ce que je suis... Le lieu où je suis est unique, dénué de tout.... Dénué de goût, dénué d'odeur, dénué de lumière, dénué de son, dénué de douceur ou de dureté... En fait, je ne sen rien. J'ai la sensation de penser, mais pourtant j'en suis incapable... Je ressens juste les choses, ou plutôt l'absence des choses. Et je me remémore les autres sensations, celles d'avant, celles que je sentais : le goût, lorsque je mangeais un délicieux repas ; l'odeur, alors que le souffle du vent, que je sentais sur ma peau grâce au toucher, me ramenait les effluves de la pluie... Pluie dont je me souviens de l'avoir entendu tomber... Je me souviens des gouttes, tombant les unes après les autres, sur le sol, sur les tuiles de maison, plus ou moins douces, plus ou moins fortes, plus ou moins grosses, plus ou moins bruyantes... La pluie qui tombe elle-même dans un tonneau rempli d'eau... Et je me souviens d'avoir vu : des centaines et des centaines de choses, des instants remplis de bonheur et de malheur... Ca devrait me manquer, mais, je suis si bien ici, où il n'y a rien... Je suis dans la mort... Je ressens la mort tel un endroit dans lequel je me trouve, pourtant, n'est-ce pas plutôt un état d'âme ?

Je me pose cette question tandis que je me repose, en paix pour toujours... Je ne pensais pas que ce serait comme ceci, la mort... J'imaginais un lieu dans lequel je retrouverais également tous ceux qui ont trépassé avant moi, une sorte de paradis, et un enfer pour punir les âmes mauvaises...

D'ailleurs, en y réfléchissant, ou irais-je, s'il y avait un enfer et un paradis ? Plus j'y songe, et plus je me dis que ce serait en enfer, car je n'étais pas loin de sombrer dans les ténèbres... Mais j'ai également fait des bonnes actions, j'ai sauvé les terres magiques des Rakshasas... Pas toute seule, non, mais nous l'avons fait...

Soudain, je me dis que je suis peut-être dans un lieu qui n'est ni le paradis ni l'enfer, mais une sorte de couloir, de passage vers l'un des deux, comme un lieu dans lequel les dieux décident de mon jugement... Mais je ne sais pas... Je n'en sais rien... Hormis que je suis morte.

Je ne ressens vraiment rien, ici... Enfin, si. Je sens, du moins en ai-je l'impression, que je n'ai plus de corps... Je suis comme une fumée. Non, ce n'est pas ça. Je ne suis plus. C'est la seule façon de le dire.

Même dans mon repos, les sensations que j'avais lors de mon vivant commencent à me manquer... Mais ce qui me manque plus que tout, ce sont Maloan, et mes amis... N'avoir personne avec qui parler, même dans la mort, trouble la tranquillité de ma solitude....

Le temps défile à l'infini... Je n'ai plus la notion de celui-ci. Est-ce que cela fait cinq minutes, ou des siècles que je suis ici ? Je ne peux pas le dire... C'est à la fois si long et court, comme si tout se répétait, telle une boucle infinie... Voilà ce qu'est donc ma mort : un cercle, que je parcoure encore et toujours...

Tout à coup, mon sommeil éternel est perturbé. Une vive lumière entre dans l'espace dans lequel je me trouve. Elle est si blanche qu'elle m'éblouit. Elle entre ici, d'abord comme la lumière au bout du tunnel, puis, je n'arrive même plus à la voir. « C'est donc ça, le paradis ? » me demandais-je alors. D'autres odeurs me parviennent, le toucher me revient, et soudain, c'est comme si j'avais de nouveau un corps, une importance dans ce monde. J'entends alors. C'est alors qu'une voix déclare, alors que mes yeux ne sont pas encore accoutumés à la lumière :

-Ellya, tu m'entends ?

Je reconnais cette voix ! Mais c'est Sibyl. Serait-t-elle morte, elle aussi ?! Mais comment ?! Puis je la vois, telle qu'elle était dans mon souvenir. J'espère que ce n'est qu'un souvenir, et qu'elle a vécu longtemps. Malgré ma tristesse de la voir ici, je suis si heureuse de la revoir, que je m'écrie, en sautant à son cou :

-Sibyl ! Oh mon dieu, je suis si ravie de te revoir ! Si tu savais !

Mais en essayant de la serrer dans mes bras, je me rends compte qu'elle n'est guère plus solide que moi, et que mes mains passent à travers elle, comme les siennes travers moi.

-Moi aussi, tellement, me répond Sibyl. Mais je suis si triste à la fois, car tu es morte.

Je vois des larmes dans ses yeux. Je comprends alors que ma mort est vraiment récente. Je lui demande alors, hésitante :

-Est-ce que... toi aussi... tu l'es ?

-Non, pas encore. Ellya, je dois absolument te parler, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Alors s'il te plaît, écoute-moi. Nous avons besoin de ton aide.

Je comprends alors que quelque chose de grave est arrivé, et hoche la tête. Puis Sibyl commence alors à m'expliquer beaucoup de choses. Les informations se bousculent rapidement dans ma tête tandis que Sibyl me les transmet.

Quand elle m'apprend que Maloan n'est pas mort, et que le destructeur du monde possède son esprit, je m'exclame, horrifiée:

-Comment ?!

Je ne m'y attendais vraiment pas. J'étais sûre que Maloan étais aussi mort, et je n'imaginais pas une seule seconde ce qui se passerait quelques instants après mon trépas. Sibyl semble attendre que j'assimile les informations, en silence, puis hoche la tête :

-Oui... J'imagine que ce doit être un véritable choc pour toi...

Elle termine de m'expliquer quelques dernières choses, des détails, comme le comment-a-t-elle pu me contacter, etc.

-Maintenant, ajoute-t-elle, nous avons besoin que tu essayes de contacter l'esprit de Maloan, et rapidement. Nous voulons empêcher le destructeur du monde de faire son maximum de victimes. Et il y a une autre raison, qui est la mienne : je veux te sauver, Ellya. Tu es ma meilleure amie, et je veux te ramener parmi nous tant qu'il est encore temps, avec Maloan. Ne m'abandonne pas, s'il te plaît.

-Bien sûr, que non, je ne vais pas t'abandonner ! Toi et Bluenn utilisez des sorts obscurs pour me contacter, alors je dois faire tout mon possible. Même si j'avoue ignorer encore comment contacter Maloan, d'ici.

-Je ne sais pas non plus. Mais essaie. Il y a forcément des moyens. Et puis, tu n'es pas n'importe quelle sorcière, Ellya ! Tu es unique ! Tu es la fille de Rose Margret et d'Edouard Pritscher ! Une enfant née d'une sorcière bonne et d'un mauvais sorcier ! Tu as des pouvoirs que nul autre ne possède, enfouis au fond de toi ! Je sais que tu peux y arriver ! Tu peux tout faire ! Tout ce que tu veux, tu peux l'avoir. Réussir tout ce que tu veux, tant que tu y mets des efforts. Regarde ce que tu as parcouru et tu sauras.

A cet instant précis, Sibyl me montra, je ne sais comment, la manière dont elle me percevait depuis tout ce temps. J'en avais les larmes aux yeux, tandis que je voyais ses souvenirs de moi qui défilaient devant moi. Sibyl était vraiment la meilleure des amies au monde, elle me comprenait si bien.

-Je suis désolée, déclara tout à coup Sibyl, mais je ne peux pas rester plus longtemps. Pour trouver un moyen de contacter Maloan, sers-toi de ce que tu as appris dans ce monde, n'oublie pas.

Aussitôt, Sibyl disparue, mais la lumière infinie autour de moi resta, ainsi que l'apparence de mon corps, au milieu de cet infini blanc que rien ne venait troubler.

J'aurais voulu ajouter quelque chose, mais je n'en avais même pas eu le temps. A présent, je devais agir, faire mon devoir. Je me mettais donc aussitôt à la recherche d'un moyen solide pour contacter Maloan.

Comme je n'avais plus aucune notion du temps, j'espérais que celui-ci s'écoulait lentement, et que je ne mettrais pas trop de temps à contacter Maloan...


Maloan: Les aventures des terres mixtes (Tome 2) (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant