Chapitre 5

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_ Alyana _

Lorsque les gardes se stoppèrent enfin et qu'ils se tournèrent vers nous, couverts de gerbes de sang, j'avais stoppé tout mouvement, interdite. Je ne comprenais pas quel sentiment pouvait rendre aussi cruel.

Le chef de la horde desserra son étreinte, mais, immobile, je ne voulais plus m'échapper. Quelle en était l'utilité ? Eloi était mort. Son sang s'insérait dans les lattes, mêlé à ceux de la famille royale.

Mon état de choc fut pleinement utilisé, et le jeune homme aux yeux vert me relâcha, conscient que je n'étais pas vraiment capable de réfléchir. Je titubai, le regard fixé sur cette mare poisseuse, mais n'eus pas le loisir de m'y attarder plus longtemps. Le colosse qui faisait office de geôlier me coupa à cette vue. Clignant plusieurs fois des yeux, je tournais mon regard assassin vers le chef de cette horde qui attendait, enveloppé dans son demi-sourire brûlant.

Une douce haine envahit mes veines, noyant ma peur, et le jeune homme qui m'observait ouvertement vit son sourire s'agrandir.

Le cœur lourd d'une sourde colère, je sentis pulser en moi la violence d'un ressentiment sans égal. Par tous les dieux, ce n'était plus mon poing que je voulais enfoncer entre ses deux yeux mais une hache.

Emportée par ma rancœur, je pris mon élan pour me jeter sur lui et le frapper de mes maigres forces. Il s'en amusa. Car le colosse m'avait vu venir de loin et une nouvelle ceinture de muscle enserra ma taille, me faisant quitter le sol. J'aurais donné mon âme pour tuer cet abruti.

Il étouffa un bâillement, ne s'attardant pas sur mes yeux humides de larmes d'amertume.

   - Reprenons nos questions, trancha-t-il comme si rien ne s'était passé.

Ravalant un hoquet, je refoulai larmes et insultes, refusant de céder autant à la colère qu'aux pleurs. Ainsi, je trouvai un visage contracté, ne découvrant qu'indifférence et mépris. Ce dernier sourit doucement et pivota son visage vers les quatre guerriers qui géraient le petit groupe de prisonniers.

   - Est-ce ta mère ?

Lentement, comme désintéressée de tout, j'obliquai du côté de maman, posant un regard neutre sur son corps martyrisé. Elle avait été relevée par les deux barbares et cracha du sang au sol en regardant l'homme sur l'estrade. Je me détournai de ce spectacle qui me retournait le cœur et fis de nouveau face au chef.

   - Ce n'est pas ma mère.

   - Tu es adorable, trésor, ricana-t-il aussitôt. Penser pouvoir me mentir et le faire avec une telle effronterie, tu m'épates !

Que pouvais-je bien répondre à cela ? Je mentais, et visiblement, il le percevait avec autant de facilité que le reste de mes émotions.

Sa main rencontra ma joue avec une violence qui me détruisit la mâchoire. Ma mère n'eut pas besoin de masquer son exclamation. Le chef de cette horde de brutes avait parfaitement compris notre affiliation. Il abusa de l'emprise de mes joues, me contraignant à dévier mon regard pour retrouver ses affreux yeux verts.

   - Ne me mens jamais, murmura-t-il. Ce n'est pas un conseil, c'est un ordre.

Il avait beau sourire, dans sa phrase sonnait le ronflement d'une terne menace. Il eut un rictus salace.

   - Et avec un tel trésor dans mes cales, je doute mettre beaucoup de temps pour trouver une punition.

   - NE LA TOUCHE PAS ! vociféra alors ma mère.

Le jeune homme sourit, particulièrement satisfait de cette intervention qui venait à l'instant de confirmer mon mensonge. Sans détourner le regard, il bloqua ma mâchoire et poursuivit son inquisition, progressant le long de mon visage dans son demi-sourire sensuel, conscient qu'il l'avait déjà détaillé deux fois. Inspirant ma peur, remuant mes entrailles de son toucher et son regard, il retrouva au fond de mes yeux ce sentiment de panique que j'avais réussi à quitter. Ses lèvres s'allongèrent légèrement, cassant à peine sa cicatrice. Cette pourriture avait ressenti mon angoisse et semblait l'inhaler comme un parfum.

ÉsotériqueWhere stories live. Discover now