Chapitre 9

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_Alyana_

Mon annonce paraissait avoir secoué les esprits. La fratrie s'agitait, et le borgne et sa femme me fixaient, soudant mon regard comme pour certifier mes affirmations.

   - Songes et déductions, souffla le borgne.

   - Pour quelle raisons un dieu s'en prendrait à un mortel ?, questionna Asphodèle.

   - Beaucoup d'histoires de même types ont été comptées, narra Athénaïs. L'Armée du Dernier Souffle est une légende, prédisant le chaos et la souffrance. Les navires arpentent les mers, abordant les rivages au gré des envies de leur maître, massacrant sans retenue des villages entiers, retournant des régions, détruisant villes et châteaux, et les populations qui ont le malheur de croiser leur route sont anéanties. Longtemps, leur histoire fut inconnue ; leurs attaques ne laissaient aucuns survivants pour les narrer. De maigres témoignage furent recensés, les quelques rescapés traumatisés par ces attaques ont répandus la légende, contant au maître de cette armée le rôle de divinité de la mort, rôdant sur terre comme une ombre malfaisante, frappant les côtes habitées au hasard, car jamais aucun stratège ne comprit les raisons de ces attaques. L'Armée de Dernier Souffle ne prend ni or, ni esclaves. Elle tue pour le plaisir de le faire.

La mère de famille tourna son regard vers celui de son mari.

   - Impitoyable, il a anéanti des villes entières, détruits des nations, assassinant hommes, femmes et enfants sans considération.

Ses prunelles enflammées pivotèrent à nouveau, m'intimidant par leur force.

   - Par tous les dieux, souffla Athénaïs, qu'avait-il dans la tête ?

Un court silence s'empara de la table.

   - Quelle que soit la raison, je doute qu'elle est du sens pour nous autres, coupa la borgne.

Les visages se tournèrent vers lui.

   - Qui était la femme de ton songe ?

Mon expiration fut la seule réponse que je fus capable de donner.

   - Je... je n'en ai pas la moindre idée. Outre la description que je vous ai donné, je n'ai aucune information sur elle.

Le couple royale s'échangea un regard, partageant des idées et des images qui m'échappaient totalement.

   - Quels sont les signes qui te penches à dire que cet homme est un dieu ?

   - Il s'est métamorphosé en loup une fois. C'est mon argument le plus recevable, murmurais-je. Quand il affronte un ennemi, il le prend comme un jeu, souriant comme si son adversaire était un enfant incompétent, quelque soit le nombre et l'agilité de ses adversaires, il les écrase avec une facilité terrifiante... et la puissance de ses coups, la force infime qu'il met dans chaque impact et qui paraîtrait pouvoir fendre la terre... il ne peut être humain...

   - J'ai pensé ton corps et soigné tes blessures, avisa Athénaïs.

Écarquillant mes yeux, je ne pus que lui offrir un visage affolé.

   - Vous... vous...

Elle avait vu mes plaies et mes hématomes, et la couleur de ma peau qui courait contre mon abdomen, et les marques laissées sur mes côtes, les lésions et les ecchymoses offertes par le dieu, la maigreur de ma chair fatiguée par les frugaux repas, la dépérissement inaudible de mon corps en accord avec mon mental qui flétrissaient tous deux.

Je déglutis, laissant passer une bile amer.

Le regard de pitié que la mère me lança bien contre son gré me fit terriblement mal et ma situation m'éclata au visage. Comme résolue, j'avais l'impression d'avoir abandonné la bataille dès lors que je m'étais aperçue de la bienveillance dans les regards de ces gens. J'avais baissé ma garde, fait paraître ma fragilité, sans avoir certifié la justification de leur altruisme.

ÉsotériqueWhere stories live. Discover now