Chapitre 14

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_Alyana_

Il pleuvait. A torrent.

L'été se terminait tout juste, et les fortes chaleurs avaient fait exploser les nuages qui pleuraient sur les terres perdues de Suède. Nimbant le monde d'un voile humide, les arbres immobiles supportaient le poids des gouttes incessantes. Pas une brise ne fendait leur course.

C'était une grosse pluie comme les enfants pouvaient les aimer. Qui trace des rigoles sur le sol et transforme la poussière en boue et s'infiltre partout. Dans la chaume des maisons trop vieilles pour être étanches, entre les interstices d'un vêtement, contre une nuque dévoilée, c'était cette pluie qui glisse le long du dos et vous frigorifie peu à peu.

Nous étions vingt-trois. Immobiles, patients. Les sous-bois avaient perdus leur instants vivants et la brume soulevée par l'eau dévoilait une âme sombre et menaçante car les silhouettes brumeuses des arbres s'effaçaient dans l'air humide. Les cimes perforées laissaient s'échapper des guirlandes d'eau qui frappaient les branches et couraient le long des troncs comme des cascades sans fin. Le sol était spongieux, les ramures encore verdoyantes, détrempées, et nos vêtements n'étaient pas l'exception à la règle.

Nous avions pris la pluie plus qu'à raison.

C'était précisément le but de notre tortionnaire.

Depuis que j'avais partagé un duel avec Tyr et que la rumeur avait fait le tour du village, le père de famille s'était fait une obligation de me mettre au même niveau que ses autres guerriers et de me faire participer aux mêmes entraînements.

Ainsi, la cause de notre état était perdue quelque part dans cette forêt détrempée, à faire suer l'un des groupes qui avait eu la malchance de perdre la série de duel qui nous avait départagé.

Alors, tandis que le groupe deux souffrait dans son coin, nous étions droits, immobiles, au repos, formant une grande haie de guerriers dispersés en groupe de quatre. Et face à nous, Tyr portait un point d'honneur à se mettre au même niveau que nous malgré son statut de chef. Ainsi, torse dénudé, il n'avait pas esquissé le moindre geste durant cette dernière demi-heure et avait posé son regard loin dans notre dos, implacable.

Je n'avais pas eus de traitement de faveur. Si je ne pouvais me dénuder autant que les guerriers qui m'entouraient, une simple bande de tissu enserrait ma poitrine et mes épaules, et mon ventre nu ruisselaient. Pourtant, je me refusais de bouger.

Mes cuisses me tiraient douloureusement. J'avais reçu un coup au flanc durant nos duels respectifs, qu'un gros barbu n'avait pas hésité à me donner afin de renverser la situation. Je n'étais pas excellente à l'épée car cette arme était chère et si mon père avait tenté de m'y initié, il s'était bien vite rendus compte que je favorisais les lames courtes et les hachettes. Mais les combats qui avaient départagés le groupe vainqueur avait été fait à mains nus, et les enseignements de mon père m'avaient alors aidés à ne pas me faire écraser.

Ma constitution physique n'était pas chétive et faible et je m'étais toujours félicitée de ma grande taille. Mais lorsque j'avais face au barbu à l'air patibulaire qui avait constitué mon adversaire, je n'avais guère que pus déglutir.

Alors, je m'étais battue avec toute l'ardeur dont j'étais capable et j'avais réussi à lui arracher quelques râles mais lorsque, allongés dans la boue, j'avais tenté désespérément de lui obliger l'abandon en coinçant son bras entre mes cuisses et manquant de lui déboîter l'épaule, il avait mugit comme un fauve et s'était violemment retourné. Mon flanc gauche avait absorbé tout l'impact car malgré la boue, le sol n'avait pas été plus accueillant. De la sorte, mon adversaire m'avait arraché la victoire.

ÉsotériqueWhere stories live. Discover now