corporatum

Le bureau

Deux tours métalliques surplombent  la désolation. La dinde montre des signes de fatigue , et amorce un atterrissage gauche devant celle de droite. Elena  chute plus gracieusement. Juste avant de toucher le sol,  elle écarte les bras comme pour poser devant une caméra  invisible.  

Quand ils entrent dans la  tour, ils sont interpellés par l'absence de monde. Seules les deux morues de l'accueil  bullent sur leurs chaises.  La première se nettoie les branchies avec un coton-tige, ce qui répugne Mordred, et en le voyant arriver, elle interromps son astiquage,  tire son meilleure sourire et se frotte la nageoire crânienne.

-Hey, seigneur Mordred! fait-elle toute rouge. Ne me dites pas que vous avez encore oublié votre sinistro pass.                                                                                                                                              -Salut irma, non, je voulais juste te demander si Ivan était déjà arrivé?                                            - Il vous attends dans son bureau. 

 Elle se rapproche de lui et couvre sa voix  "il a l'air très tendu, mais je ne m'en fais pas pour vous. Vous allez assurer !" Mordred ne réagit pas mais il bout de l'intérieur car la perspective d'affronter son supérieur l'effraie. Elena sent son stresse et pose une main sur son épaule. Elle a peur que son côté fleur bleu fasse irruption  et qu'il ne perde pied pendant l'entrevue. Mordred ne comprend pas que les erreurs permettent de grandir et cela le rend facile à déstabiliser . Il salue les secrétaires qui lui glissent un clin d'oeil en retour. Lui et Elena dépassent leur comptoir pour s'engager dans l'ascenseur de l'entreprise. La machine, aux murs noirs, n'inspire pas confiance et semble  endommagée . Quand Mordred et Elena ont passés son seuil, la porte s'est refermée à une vitesse stupéfiante. A peine agrippent-ils les barres de sécurité que l'appareil se lance dans une ascension spectaculaire vers le dernier étage.

 Elena se rappelle avoir demandé un nouvel ascenseur au service technique. Personne n'a pris sa requête en compte. Dans cette situation ubuesque,  sa haine des blocages administratives se ravive . Mordred serre les dents et se maintient droit. Hors de question qu'il se ridiculise devant sa collègue, qu'il apprécie et à qui il souhaite plaire. Au bout de très longues secondes, l'ascenseur se stoppe brutalement et ses portes s'ouvrent sur un couloir de marbre. Tout au fond, une créature bodybuildée telle que sortie d'un comics feuillète un carnet de poche. Il y gribouille des bilans comptables. Son oreille gauche tourne avec la précision d'un radar, et ses muscles débordent de sa chemise déchirée . Il esquisse un sourire, lève les yeux vers les nouveaux arrivants et inspire, ce qui gonfle les veines de son cou. Son corps se contracte en permanence et ses yeux renvoient une certaine vilénie.

Tu es en avance, Ivan " s'exclame Mordred" où sont les autres?  " Ils ont décliné la réunion à la dernière minute, on ne sera que 3".Son sourire ne veut pas s'effacer.  "à moins que la consultante en incantations chamaniques ne nous rejoigne en cours de route".

Ivan leur indique l'entrée d'un bureau ouvert. Ils s'y engouffrent tous les 3 et Mordred referme la porte derrière eux.