Le troll

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Les nuages et le ciel assombrissent la partie supérieure du monde. La lumière d'un foyer court le long  d'une plaine vide. Au milieu de cette étendue, trône une maison rustique. Elle dégage un parfum de bois et des vapeurs de fumées  s'en élèvent.

 Devant la porte d'entrée, Un gros troll  masque la réverbération lumineuse .  Son visage imbécile ne bouge que pour tirer des  bouffées de cannabis . Il fume sans trop savoir pourquoi, lui qui ne fuit aucune réalité . Le plus souvent, il balaye toute pensée trop philosophique d'un revers de tête. Las et docile, il surveille la plaine à la recherche d'un élément qui justifierait sa présence dehors. Le froid nocturne  commence à le geler. Sa toge  de fabrication humaine  portée en bandoulière ne filtre plus la fraîcheur. Cet habit cache péniblement ses parties intimes et le bas de sa bedaine. Il met toujours la toge, comme il a vu s'habiller ses ancêtres, et les ancêtres de ses ancêtres dont il a apprécié les histoires et admiré les portraits.

Il finit par regagner sa maison, en ressassant la tragique histoire des guerres trolls et des rivalités idiotes.  Ces réflexions lui malmène les méninges. Sur son pallier, il voit  Mordred  assis dans le fauteuil du salon. Ce dernier se parle tout seul et se lamente.

-Tu stresses mais c'est pas grave. ça arrive gros. C'est pas grave. intervient le troll

Personne ne sait où le troll a appris à parler . Son dialecte porte atteinte à la conjugaison, à la sienne comme à celle des autres espèces.  

Mordred souffle du nez et fait de grands gestes pour paraître énervé . Mais ses tremblements lui enlève tout crédit.

-"Pas grave? pas grave? Je me suis littéralement enfui d'une simple réunion, à cause d'une remarque. Je ne sais pas où me mettre." avoue Mordred

-"ah ça bah t'es venu te mettre chez moi quand ça t'es déjà arrivé. Au calme. ah tu trouves toujours le chemin de la maison quand t'as un blème man, mais tu veux jamais m'accueillir quand c'est moi qui souffre." Réplique le troll

-"Oh stop avec ça, on sait tous les deux que c'est faux."

-"Personne pour m'aider dans la galère."

-"stop"

-"Je me suis fais tout seul."

-"Arrête ça! "

"Satané bestiau" songe Mordred . La bête raconte ses idioties à qui veut les ouïr, généralement à lui ou à Elegon. Personne ne l'a délogé d'ici depuis 130 ans.  La plaine écarlate l'avait accueillie. En retour, il l'avait sanctuarisé . Elle est le signe de sa réussite sociale. Il y  avait bâti  sa propre maison. Sans aide, fait inédit chez les trolls. 

-"Les gens ils oublient, frère. Un coup ils te font la gueule, et l'autre coup ils te font plus la gueule". Il va chercher dans sa veste une réserve de drogue et un filtre. Puis il  tasse un joint qu'il propose à Mordred. Celui-ci refuse. Le troll gobe alors la fin de son premier roulé. Ensuite, il trouve un briquet dans sa toge et porte le joint neuf à ses lèvres.
Pendant ce temps, Mordred essaie de lui expliquer sa situation.
- "Je ne pense pas que tu comprendras, mais je suis un partisan des anciennes méthodes. Or, ce qu'on nous pousse à faire dans la compagnie, à penser business, à envisager de nouvelles méthodes d'invasion pour rentabiliser nos effectifs, à tirer sur l'ambulance à chaque échec, moi je ne peux m'y résoudre . Et pourtant, à l'heure où je te parle, je ne pense qu'à chercher comment satisfaire mon Ivan. Redevenir le favori d'Ivan. être invité chez lui, manger de la soupe délicieuse de sa femme, rire en le regardant chanter des psaumes en version karaoké..."

-"Ouah mec t'es chelou", lui répond-il. "Ton Ivan t'as pas sauvé la vie non plus."

-"Non, mais il m'a donné le bien le plus précieux ici-bas; une famille. A la boîte, mes collègues sont bien plus que des collègues."

- "Mais de quoi tu me parles toi? une famille? tu sais ce que c'est une famille?"

Mordred réalise qu'il est tombé  bas car même un troll le prend de haut.
Ce dernier percute qu'il a dit quelque chose de mal,  mais il se contente  de grommeler et de plisser les yeux pour s'excuser.

-Au pire la fête du pandé débute bientôt, tu pourras y gratter l'amitié aux demi-dieux, vois s'il y a affaire. Hey! surtout tu pourras danser avec ta future femme."
Il rie. Quel bruit Affreux.

Oui. Elena viendra à la fête. Mordred suffoque en s'imaginant tout. Sa tenue de gala, le parfum fumé de son cou . Il se jure à lui-même  qu'il va aborder le plus de demis dieux, et les convaincre de sa coolitude. Alors Elena tombera dans ses bras ,  impressionnée par ses talents d'orateur et de négociant. 

corporatumWhere stories live. Discover now