corporatum

L'attaque

 Mordred, sonné,  entrouvre les yeux. Ses oreilles se réactivent et il entend des cris sans leur mettre de visages.  Une seconde déflagration éveille ses sens. Quelque chose cloche. L'on attaque ces lieux remplis de monstres terrifiants. Et ces calamités implorent leur salut en courant à travers tout. La norme veut qu'ils traumatisent les espèces fragiles, et non pas l'inverse. Les meilleurs monstres tacticiens participent au festival, mais leur savoir et leur sang-froid se sont envolé et ils détalent pour se sauver. Mordred cherche son ami des yeux. Il l'aperçoit qui évacue les monstres blessés en soulevant le voile du chapiteau. Il court à sa rencontre et lui demande si ça va. Elegon lui apprend qu'une des féminoïdes du groupe a clamsé sous la chute d'un caisson de musique.  Mais le fils de Satan s'en moque, il ne la connaissait pas. Aucune déflagration ne se fait entendre depuis quelques secondes, ce qui lui laisse une occasion d'analyser les évènements.  Le pandemium explose   sous les feux d'une attaque ennemie.  Des popotins royaux et divins, dépassés par la catastrophe,  se bousculent et fuient la fête devenue champ de bataille. Certains recouvrent leurs esprits et incantent de puissants sortilèges.  Mais ils ne parviennent pas à repérer leurs cibles et visent à l'aveugle. Se mettant dos à dos avec Elegon, Loupo s'arc-boute et crache une série de jets d'acide dans les airs. Des projectiles arrosent des convives ce qui fait fondre leur peau comme neige au soleil. Loupo ne souhaite sauver personne si ce n'est lui-même. Tempi pour les dégâts collatéraux. Mordred réfléchit à se rendre utile. Il a compris que l'enfant de tout à l'heure n'est pas étranger à cette offensive. Le boom des détonations lui indique qu'il n'est pas le seul assaillant et qu'ils sont aux moins deux à s'en prendre aux invités. voire 3. Ils entoureraient la place et imploseraient les lieux à des points aléatoires,  appliquant une stratégie de l'entonnoir.  Mordred sourit d'avoir compris la combine. Vérifier les abords et surprendre les envahisseurs en train d'incanter serait la solution.

-"Ils nous attaquent de l'extérieur!" "Ils nous attaquent de l'extérieur"!

Personne ne lui répond. Une crise de panique monte en lui comme de la mauvaise herbe. Il inspire pour la faire passer, mais celle-ci vaillante s'accroche à son coeur. Des souvenirs furtifs et négatifs défilent dans sa tête. Garder le contrôle et diffuser sa découverte capitale devient sa priorité. Il se faufile jusqu'à loupo et tire sur sa manchette. 

"Les attaques" elles nous viennent de l'extérieur!" "il faut se rassembler à l'extérieur!"

-"Mais ferme ta gueule! "  dit Lupo. "Ferme ta putain de gueule! Tu me casses les couilles, tu sers à rien! Je m'en contrefous de tes histoires d'extérieurs! pfff" 

Mordred ignore cette humiliation. Elle le désarçonnerait s'il en tenait rigueur . Par chance, Elegon a entendu ses avertissements et le pousse jusqu'à la sortie. En chemin, ce dernier donne de brèves instructions à ceux qu'il croise  et qu'il juge aptes à aider. Une fois arrivés à l'entrée du pandé, Mordred et Elegon se retrouvent "à la tête" d'une petite armée de 40 convives. Ces derniers arrachent les pans de leurs tenues de gala encore intacts, invoquent leurs armes quand ils le peuvent et se donnent du courage. Un couple parmi eux se roule une grosse pelle de la victoire.  Puis les 40 sauveurs se dispersent aux bords du festival à la recherche des enfants explosifs.  

Mordred et Elegon se suivent en restant sur leurs gardes. Ils savent que l'ennemi est dangereux, et que chaque erreur est mortelle. Ils longent les abords nord-ouest de la fête, marchent sur la pointe des pieds, et finissent par repérer un pré-ado blond lévitant dans les airs. Ses yeux bleus projettent une lumière faible sur les lieux. Ils se dissimulent derrière un rocher, et attendent. Le gamin crie à intervalle réguliers, et à chacun de ses hurlements une explosion frappe  et tue. Toujours dans les airs et concentré sur ses cibles, il n'a pas remarqué les deux monstres. Mais le spot ne les cache pas suffisamment et ne couvre pas leur odeur. Ils doivent agir vite.

"Pardonne-moi?" chuchote Elegon

-Te pardonner pour quoi? " répond Mordred.

Et Elegon pousse Mordred hors de la cachette. Le monstre trébuche sous l'effet de l'élan et se redresse dans les cendres noires. Il constate que le garçon a interrompu son attaque du pandé, et qu'il le fixe désormais de ses yeux clairs et brûlants. Glisser la main dans sa poche et trouver n'importe quoi qui puisse le sauver représente sa seule tactique. Mais le gamin se recroqueville et colle ses bras sur son torse. Il se prépare à lâcher le plus gros rugissement de sa vie, et Dieu seul sait ce qui  arrivera . Mordred n'a pas le temps de fuir  ni de se défendre. Il décide de fermer les yeux en attendant la mort. 

Mort qui n'arrivera jamais. Car juste avant l'explosion, il entend un crac sourd et terrifiant, et l'enfant tombe au sol. Ce  bruit caractérise une action horrible. Le son d'une nuque que l'on brise ou que l'on tranche. Elegon s'était faufilé derrière le garçon pendant qu'il incantait son crac boom. Avec sa bouche, il avait lancé un sort de solidification, transformant ses mains spectrales en serres bien réelles. Avec ces jambes, il avait sauté à plusieurs mètres de hauteur, et en saisissant le jeune garçon par la nuque il lui avait retourné le cou. Si bien que le trouble fête gît à l'endroit à l'envers, le torse collé au sol et la tête face à la lune.  Mordred se rassure à l'idée d'avoir été défendu. Il se dit qu'Elegon appartient à la catégorie des bons amis, de ceux qui vous protègent et à qui vous devez accorder votre confiance sans penser.