XLIX

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Les retrouvailles de Perrine avec la notion d'hygiène lui inspirèrent une joie profonde. Elle ne savait même plus depuis combien de temps elle n'avait pas vu de baignoire, mais lorsqu'elle arriva dans la salle de bain de la princesse, cela ne lui était plus d'aucune importance. Une baignoire, elle voyait une baignoire, elle touchait une baignoire ! Il y avait du savon aussi, qui sentait la rose et la framboise ! Elle s'approcha des serviettes de bain, tissées de fibres si douces qu'elle en eut les larmes aux yeux.

– Perrine ? Perrine, tu m'entends ?

Elle sortit de sa contemplation et se tourna vers Yna qui venait d'entrer dans la pièce.

– Oh Yan..., souffla Perrine d'une voix aiguë.

Sur Terre, on aurait pu croire qu'elle s'était droguée.

– Oui ?

Perrine s'avança vers son amie et la fixa étrangement, ses yeux brillant d'émotion.

– Je t'en supplie, je ne te demanderai jamais rien d'autre de ma vie, mais je t'en prie : laisse-moi prendre un bain.

La princesse fronça les sourcils.

– Euh... d'accord.

Perrine se mit alors à danser comme... "une folle", pensa la princesse qui n'avait jamais vu pareil spectacle. Lorsque la terrienne surprit le regard interloqué de l'izirienne, elle s'interrompit soudain.

– Désolée, c'est... une danse de la joie. C'est une coutume là d'où je viens, se justifia-t-elle.

– Je vois, essaya de comprendre Yna.

Mais elle ne comprenait pas du tout et se demanda seulement dans quel pays de ce monde on avait des traditions aussi étranges et inconvenantes.

Perrine s'en préoccupa bien peu, accaparée par une seule et unique pensée : se sentir propre et surtout sentir bon. Yna fit alors appeler des servantes qui apportèrent des seaux d'eau fumante qu'elles versèrent ensuite dans la baignoire. Puis elles se munirent de flacons dont elles ajoutèrent le contenu, un liquide ambré à l'odeur puissante et enivrante. Enfin, elles jetèrent quelques poignées de pétales de jasmines.

– Les pétales sont imprégnées de pensées relaxantes pour favoriser la détente du corps durant le bain, expliqua une des servantes.

Était-ce vraiment possible ? Ce monde était-il si parfait ? Certes, l'eau courante n'existait pas, mais n'avait-on jamais vu pareille magie qui donnaient aux fleurs des pouvoirs surnaturels ? Perrine se hâta de remercier les servantes afin de se glisser dans l'eau le plus tôt possible. Dans son cocon chaud et parfumé, elle oublia même jusqu'au monde où elle se trouvait.

Mais laissons un peu d'intimité à notre belle terrienne et sortons des quartiers de la princesse Yna afin de rejoindre ceux du prince Erian. Louis et les deux frères se préparaient pour la soirée en l'honneur du retour d'Enkil le Sage. C'était ainsi que se nommait officiellement Erian, mais il n'avait jamais aimé cet attribut qu'il avait hérité de son arrière-grand-père. Et pourquoi était-il le "Sage" tandis que son frère aîné était le "Juste" ? L'âge ne primait-il pas en matière de sagesse ? De plus, comment pouvait-on posséder le moindre sens de justice lorsqu'on abandonnait aussi lâchement son trône et sa famille pour l'amour d'une roturière ?

Ces idées hantaient Erian et l'occupèrent tout au long de son habillage. Mais une fois vêtu et prêt à se rendre au bal en son honneur, il chassa ses préoccupations et se concentra. Depuis combien de temps n'avait-il pas participé à de telles festivités ? Deux ans ? peut-être trois ? En partant de ce palais des années plus tôt, il n'avait emmené aucune notion du temps.

Il observa Kian et Louis à ses côtés ; ils marchaient tous deux d'un pas assuré, au moins en apparence, car le prince pouvait percevoir la nervosité de chacun. Autrefois, Erian aurait ressenti la même inquiétude mais aujourd'hui, tout avait changé. Il connaissait le monde extérieur, il l'avait vécu, s'y était fondu : ces festivités n'étaient rien en comparaison. Elles transpiraient la superficialité. Pourtant, malgré ce qu'il savait, une part de lui souhaitait encore appartenir à ce monde. Après tout, s'il en devenait le roi, ne serait-il pas capable d'en changer l'injustice ?

Les portes s'ouvrirent alors sur l'immense salle de bal. Le silence se fit tandis que le prince, qui s'était fait désirer, fendait une foule sous les chuchotements curieux de l'assemblée. Derrière lui, il devinait les sentiments contradictoires de ses compagnons sans toutefois en comprendre les raisons. Pourtant, celles de Louis étaient aussi limpides que le ruisseau auprès duquel il avait rencontré la reine. Son costume en soie brodé de fils d'argent l'étouffait, ses chaussures étaient trop étroites, le cuir trop neuf, rien de ce qu'il dégageait à cet instant ne reflétait ses véritables intentions. Et il se demandait surtout s'il serait capable de supporter tout ceci. Il avait une mission et il comptait la mener à bien, mais à quel prix était-ce ? Devait-il vraiment endosser ce stupide déguisement ? Il passa un doigt entre son col et la peau moite de son cou. Respirer, se reprendre, voilà ce qu'il se dit afin d'avancer plus sereinement à travers cette immense salle remplie de tout ce qu'il haïssait. Quant à Kian, il n'avait jamais été aussi sombre. Lui qui ne sortait jamais sans son chapeau, il se retrouvait tête nue, au milieu de ce palais, de son palais, traversant cette foule qui pourrait le reconnaître à tout instant. Cela faisait vingt ans certes, mais ses parents... pouvait-il être certain qu'ils avaient oublié son visage ? Alors Kian gardait les yeux tournés vers le sol. Ses cheveux teints en brun protégeaient sa condition de maudit, sa jeunesse l'éloignait sûrement des quarante ans qu'il aurait dû paraître aujourd'hui ; il y avait en réalité très peu de chance que quelqu'un sût qui il était réellement. Et si par hasard un tiers évoquait sa ressemblance avec le prince disparu, il pouvait très bien mentir, personne ne s'en douterait. Ici, on le considérait sûrement comme mort.

Perdu dans ses pensées, il s'arrêta soudainement lorsque les pieds d'Erian entrèrent dans son champ de vision. Son frère s'était arrêté. Kian leva les yeux vers Louis ; lui aussi était figé et son regard incrédule fixait un point au loin. Le prince maudit fronça les sourcils, pourquoi... ? En même temps que cette pensée le traversait, il décida de jeter un oeil par-dessus l'épaule d'Erian.

Le roi et la reine, ses parents, étaient assis sur leurs trônes au fond de la salle. Jusque-là, il n'y avait rien d'anormal. Pourtant, à leurs côtés se tenaient trois jeunes femmes. Et d'entre toutes, l'une d'elles resplendissait étrangement. Cette aura, Kian aurait pu la reconnaître au milieu de milliers d'autres. C'était celle de Perrine.

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Salut ! Vous allez bien ?

Enfin un chapitre publié à temps ! Le prochain sort le mercredi 24/02
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Bonne lecture !! À très vite !

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