IV

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Le soleil s'était couché depuis plus de trente minutes sur les plaines d'Iziria, terres de magie ancestrale. Kian poursuivait son chemin en direction d'un village tandis que Perrine tentait de suivre le loup à l'aveugle et effrayée par l'obscurité croissante. Dans son esprit, le rêve virait petit à petit au cauchemar... Elle voulait se réveiller parce que les hululements de chouettes, les bruits inquiétants de buissons secoués ou de brindilles écrasées, et la présence de cette immense bête qui à tout moment pouvait se retourner et la dévorer, n'alimentaient que l'imagination débordante de Perrine. De plus, elle était fatiguée et ses pieds la faisaient atrocement souffrir.

– Faisons une pause, proposa-t-elle en s'asseyant sur une pierre.

Kian revint sur ses pas et poussa Perrine à continuer sur quelques mètres encore : ils approchaient d'une grotte où leur sécurité serait assurée pour la nuit. « Debout ! Allez ! » avait-il envie de lui dire. Sa faiblesse d'humaine l'exaspéra : ça ne faisait que lui rappeler pourquoi il devait accomplir sa mission et abandonner son corps d'humain. Il lui donna de petits coups de museau dans le dos et Perrine, dans un dernier effort, se leva et se remit en marche. Cinq minutes plus tard, ils entrèrent dans une grotte mal éclairée, et bien que Perrine jugeât cet endroit peu confortable, elle s'endormit presque aussitôt sur le sable fin.

Kian sortit quand il fut sûr qu'aucun animal ne rôdait dans les parages. Il devait transmuter avant que le processus ne s'effectuât de lui-même. Il chercha un cours d'eau et s'y baigna sous sa forme humaine. L'esprit de la rivière lui apparut : c'était une femme sans visage mais d'une stupéfiante beauté et translucidité. Son corps entier était d'eau, aux courbes limpides et aux reflets lunaires.

Depuis que Kian était mi-homme, mi-loup, les autres créatures mystiques ne se cachaient plus de lui. S'il n'avait été qu'un simple homme, il en aurait été tout autrement : il était extrêmement rare, voire impossible d'apercevoir le moindre cheveu de divinités, ou bien si vous en aviez la chance, vous étiez condamné à vivre avec ce secret selon les conditions de la créature en question. Kian pouvait en témoigner : des années plus tôt, il avait été victime d'une puissante déesse...

Un coup de tonnerre retentit. La seconde d'après, il se mit à pleuvoir, encore. L'esprit disparut, retournant à l'état de simple goutte d'eau tandis que Kian changeait de forme pour rejoindre en vitesse la grotte.

Perrine s'était éveillée une étincelle de panique luisant au fond de son regard. Pourquoi faisait-il aussi sombre ? Où était sa salle de bain ? Que faisait-elle ici ? Était-elle morte finalement ? Elle aurait dû être de retour dans sa baignoire mais au lieu de cela, elle avait affreusement mal au dos. Courbaturée, elle observait les alentours quand un loup blanc surgit de nulle part. Son pelage dégoulinait d'eau et son regard sombre se perdait dans l'obscurité de la nuit striée d'éclairs. Alors la jeune femme comprit que ses espoirs de revoir un jour une bouteille de savon étaient vains... Mais très vite ses lamentations furent balayées par un énorme nuage de fumée qui s'élevait au loin vers le ciel nuageux. Le feu.

Kian, percevant l'inquiétude de Perrine, se retourna et instinctivement il sut qu'il fallait s'éloigner, et le plus rapidement possible. Le vent soufflait dans la mauvaise direction et le brasier s'étendait inexorablement vers l'entrée de la grotte. Avant de finir piégés, le loup poussa Perrine vers la sortie qui s'avérait n'être aussi que l'unique issue. Kian régula ses battements de cœur et se lança dans une course effrénée, ne pensant qu'à sa propre survie. Malheureusement, la pauvre Perrine n'avait pas la même endurance et trop vite, les flammes l'encerclèrent, la distançant de son protecteur.

– À l'aide ! Cria Perrine en toussant. À l'aide...

La fumée était noire, épaisse, nul ne semblait entendre la jeune fille désespérée qui tourna sur elle-même. Elle couvrit sa bouche avec la manche de sa chemise mais tout avait une odeur acre qui l'étouffait. Ses yeux la démangeaient, les larmes brouillèrent les flammes, et elle continuait à tournoyer, comme les étincelles dans l'air ardent. Toutes les lumières se mélangèrent en un vaste tableau rouge criard. Abandonnée et étourdie, elle s'effondra sur l'herbe sèche. Elle toussa et le feu s'éleva vers les nuages, les caressant d'une lueur orangée. Elle se souvint des lys de son jardin, de la même couleur brûlante, et elle se dit que mourir ainsi était aussi éclatant que de recevoir un baiser d'une chaleur insoutenable. Elle allait rejoindre l'enfer lorsque l'esprit de la forêt reconnut la jeune femme. Comment pourrait-il, en sachant qui elle était, la laisser succomber aux flammes meurtrières ? Les arbres se joignirent alors aux appels silencieux de Perrine, les amplifiant à tel point que n'importe qui aurait pu entendre ses murmures et gémissements. Quelques secondes suffirent à l'esprit pour s'embraser. Ces dernières forces, il les avait transmises à la frêle Perrine, et lui tenant la main, il lui insuffla le courage de tenir bon tout au long de cette aventure.

Kian revint sur ses pas et brava les flammes ainsi que l'épaisse fumée noire afin de retrouver la jeune fille que son instinct de survie lui avait tant intimé de fuir. En sa compagnie, il courait à sa perte, mais en l'abandonnant, il pouvait dire adieu à tout ce qu'il avait déjà affronté et accompli. Adieu la pierre bleue, adieu son épée, adieu son long manteau, adieu le peu d'effets personnels qui lui restaient.

Il bondit par-dessus les flammes et surgissant de l'obscurité tel un éclair, s'approcha de Perrine, évanouie au milieu d'un cercle parfait d'herbe sèche. Il n'était pas essoufflé mais à cause de la fumée, sa respiration était lente et difficile et bientôt, sa tête se mit à tourner : il manquait d'oxygène et cela devait être le cas de Perrine aussi...

Incapable d'agir en tant que loup, il se transforma et prit dans ses bras la jeune femme à demi morte. Il sentait son petit cœur fragile d'humaine battre contre son torse musclé et il perçut son souffle, faible mais encore là : elle vivait. Il était soulagé de l'apprendre, même si une part de lui aurait souhaité qu'elle meure afin qu'il puisse récupérer ses biens. Que voulez-vous ? C'était sa nature.

Perrine puisa dans ces dernières forces pour entrouvrir les yeux : elle devait se relever, elle ne pouvait pas mourir ainsi, dans un stupide rêve ! Mais elle s'aperçut que quelqu'un la portait ; des bras puissants la sortaient de cet horrible brasier. Elle voyait les flammes teinter d'orange et de rouge la peau de ce mystérieux inconnu et en levant les yeux, elle vit des cheveux blancs. Elle croyait rêver, encore une fois.

Elle s'éveilla à l'aube, quelques heures plus tard, contre un immense chêne. Elle n'avait aucune idée d'où elle était et de ce qu'il s'était passé la veille. C'était étrange et complètement insensé. Quand elle fouilla sa mémoire, elle ne se souvint que par flash. Elle vit des étincelles virevolter, des flammes l'encercler, un majestueux loup blanc s'en aller, quelqu'un lui tenir la main et des cheveux blancs... un homme... « Un humain ! Je suis sauvée ! » pensa-t-elle.

Elle inspecta les alentours malheureusement personne n'était là, pas même le loup. Désespérée, elle baissa les yeux et c'est à cet instant qu'elle remarqua qu'elle n'avait plus de collier. D'ailleurs, en faisant bien attention, elle n'avait plus rien sauf la chemise et le pantalon. Se pouvait-il que cet homme lui eût tout pris ?

– Peut-être que cela lui appartenait dès le départ, supposa-t-elle à voix haute.

Mais là n'était pas le problème, elle était seule maintenant. Et combien de chances avait-elle de survivre dans la nature, sans eau, ni nourriture, ni arme pour se défendre ? Peu selon elle. Elle passa une main dans ses cheveux, inquiète.

– Mais qu'est-ce que... ?

Elle cria. Ses cheveux, ses beaux cheveux blonds avaient été coupés ! Elle donna un violent coup de pied dans l'herbe sèche et serra les poings.

– Espèce de salaud ! Hurla-t-elle.

Effrayés, les oiseaux s'envolèrent et Perrine piétina violemment les pauvres brins d'herbe. C'en était trop : elle voulait rentrer chez elle, elle voulait se réveiller. Elle souhaitait retrouver sa chevelure dorée, son bain relaxant et sa vie de petite fille gâtée. Elle se mit à pleurer : elle comprit alors que ce n'était pas un rêve. Tout ceci était bien réel, parce que si cela ne l'était pas, elle ne se sentirait pas aussi seule, elle ne ressentirait pas toute cette douleur et cette tristesse, et surtout, elle se serait éveillée depuis longtemps dans sa baignoire au lieu de se retrouver ici, au milieu de nulle part.

Agenouillée, Perrine essuya ses yeux inondés de larmes avant de se promettre de sortir de ce monde. Son mystérieux sauveur et voleur lui redonnait l'espoir de découvrir d'autres humains et pourquoi pas une ville ou un village. Au loin sur sa droite, elle apercevait encore de la fumée, reste de l'incendie de la veille qui avait dû s'éteindre avec le déluge qui était ensuite tombé du ciel orageux.

En face, le soleil se levait à peine devant son regard perdu, illuminant la forêt sombre qui se présentait à elle. Perrine supposa qu'il devait être assez tôt et que l'Est, si seulement il existait, se trouvait dans cette direction. Elle choisit d'aller au Nord, préférant les grandes plaines aux arbres centenaires, et marcha sous le soleil d'Iziria sans savoir qu'elle suivait les traces de Kian, vers un village où le jeune homme espérait trouver d'autres vêtements...

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Bonjour bonsoir ! Un nouveau chapitre où on n'apprend pas grand chose (sauf que Kian est un salaud 😂)

Une idée de la suite ? Les deux héros vont-ils se retrouver ? Et que va faire Kian des cheveux de Perrine ? (Ça a l'air assez glauque dit comme ça 😅😂)

Allez bye !

BLUE HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant