⚜ Chapitre 43 : Tout s'enchaîne ⚜

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Paris, mois de juillet

Céleste

Je brossais lentement les cheveux ors de la reine, souriant à ses babillages sans fin. Anne parlait de tout et de rien, de son futur enfant, de la robe que portait la baronne d'Elmenac'h lors du spectacle, de la canicule qui s'installait petit à petit, des rumeurs sur une possible maîtresse du capitaine de Tréville –peut-être n'avions nous pas étés assez discrets pour les fouineurs qu'étaient les serviteurs du palais–, du duc de Savraux qui s'était fait cocu par la duchesse... A vrai dire, je ne retenais pas la moitié de ce qu'elle me racontait. Mais elle semblait heureuse de faire ainsi la conversation, aussi je la laissais faire.

- Votre Majesté, intervint soudain Constance qui lisait non loin, sans vouloir vous vexer, je doute que Colombe prête la moindre attention à votre discours.

Je foudroyai malicieusement mon amie du regard, qui haussa les épaules en un geste fataliste. Charlotte et Louise relevèrent leurs têtes de leurs travaux de broderies, surprise de la franchise de la couturière. Anne, au contraire, éclata de rire.

- Oh, je l'avais bien remarqué ! s'exclama-t-elle. Elle a un petit air mélancolique, vous ne trouvez pas ?

- Cela est vrai, à quoi pensez-vous donc, Colombe ? me taquina Louise.

Je levai les yeux au ciel en croisant les bras.

- Cessez donc de m'importunez, mesdames, m'amusai-je.

- Un amant, donc... sourit Charlotte.

- Non, répondis-je en même temps qu'Anne et Constance gloussaient de concert.

- Ça veut donc dire oui, songea Louise. Oh, Colombe, qui est-ce donc ?

Je portai une main agacée à mon front tout en lissant la jupe de ma simple robe grise de mon autre main.

- Mesdames, je vous pris, un peu de tenue, fis-je, me sentant rosir.

Les quatre dames rirent ensemble à mes dépends, et je me décidai de ne pas relever plus, mais c'était sans compter sur la têtue Louise.

- Colombe, je vous en prie !

- Hors de question, la menaçai-je avec la brosse que je tenais encore dans mes mains. Et vous êtes trop jeune pour parler de cela, Louise.

Les rires des autres ne firent que redoubler, et je ne pus retenir le mien. Soudain, il y eut un toquement à la porte, et une servante entra en s'inclinant.

- Votre Majesté, souffla-t-elle, tenant entre ses mains un fin plateau d'argent sur lequel reposait une lettre. Une missive pour vous.

Anne la prit délicatement, et fronça les sourcils en nous montrant le sceau. Une fleur de lys reposant sur deux épées croisées. Ce symbole, Constance et moi le connaissions par cœur : nous le voyions à chaque fois que nous passions sous l'arc de la garnison. C'était le sceau des mousquetaires.

Je posai la brosse sur la table de nacre. La reine se leva, brisa le sceau et lut rapidement la lettre tandis que la jeune servante s'inclinait et s'éclipsait rapidement. Anne devint soudainement bien pâle, et me tendit la lettre d'une main tremblante. Je la pris avec curiosité avant de la parcourir, et je reconnus dessus la fine écriture élégante de mon amant.

« Votre Majesté,

Permettez-moi de vous faire parvenir cette lettre pour quémander auprès de moi et de mes hommes la présence de madame Constance Bonacieux et mademoiselle Colombe de Vertus. Nous sommes à la Bastille. Les prisonniers de G. A. ont parlés. Faites vite, je vous en prie.

L'Espionne du Cardinal - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant