⚜ Chapitre 7 : Une nouvelle mission ⚜

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Paris, mois de mars

Céleste

Je remontai la grande capuche sur mon visage pour me protéger de l'air froid, des flocons qui fouettaient mes joues et mes lèvres et des regards des Parisiens. Le soir venait à peine de tomber, et j'avais prétendu à un mal de tête auprès de la reine. Durant la journée, Anne avait dormit tout son saoul pour rattraper sa veillée de la veille. Le bal avait apparemment été une réussite.

J'avais parlé à Constance, lui assurant que jamais je n'avais voulu accueillir D'Artagnan dans mon lit. J'avais été claire et précise, et la jeune femme avait semblé me croire. « Je suis vraiment désolée, Colombe. », m'avait-elle dit. « C'est juste que... Vous, vous êtes libre, pour l'instant, d'aimer qui vous voulez, votre père est loin, vous n'avez ni frères, ni mari. Et moi, j'ai l'impression que je serais à jamais condamnée à rester dans ma cage, condamnée à voir d'Artagnan s'éloigner, rencontrer d'autres personnes, tomber amoureux d'autres femmes... » Et elle avait éclaté en sanglot dans mes bras.

Pauvre Constance... Richelieu n'avait jamais parlé de me marier, mais je savais que ça avait toujours été une possibilité pour assurer au Cardinal une alliance, ou une place avantageuse pour moi. Il existait d'ailleurs toujours cette option, et je savais qu'un jour je me marierais pour le contenter. Heureusement, ce n'était pas pour tout de suite. Je préférai largement avoir de nombreuses aventures que de me contenter que d'un seul homme, qui serait probablement vieux et incapable au lit.

Je secouai la tête et me concentrai sur la rue qui m'entourait. Des déchets par terre, des tavernes encore ouvertes, des femmes qui rentraient rapidement chez elles, des enfants qui observaient la neige par les fenêtres... Une rue basique, somme toute. Je portai ma main à mon visage : oui, j'avais bien un masque qui recouvrait le contour de mes yeux. Simple mesure de sécurité, bien sûr, mais j'étais persuadée que Richelieu enverrait quelqu'un pour m'espionner, alors autant lui rapporter que je prenais très au sérieux mon anonymat. Ikaros volait au-dessus de moi, veillant sur ma personne. Je pris à droite, et un fin sourire naquit sur mes lèvres. Bien sûr, je m'attendais à devoir traverser cet endroit, mais j'aurais bien pus passer mille fois ici, je sourirais toujours.

Je venais d'entrer chez moi. Je pouvais aisément deviner les yeux des gardes de Fléa, qui dirigeait seule la Cour des Miracles depuis la mort de son compagnon, Charon. Car c'était bien là où je me tenais : la Cour des Miracles. C'était là où Alec et moi avions grandi durant nos dix premières années, dans une maison de prostituées. C'était là où nous avions appris à voler, et à tuer. Lorsque nous étions encore ici, le roi se nommait Charon. Il était mort un an plus tôt, dans ses circonstances floues.

Tout le monde me surveillait. Je le savais, la prostituée qui nous avait servi de mère à Alec et moi, Sara, faisait elle-même partit de cette garde. Enfin, avait fait partit, avant qu'une maladie ne l'emporte à l'aube de nos huit ans. J'avançai d'un pas fier, n'hésitant jamais sur les tournants à prendre, sur les escaliers à monter ou descendre pour rallier le plus vite possible l'autre bout de la ville, et la rue Sandeaux. Maintenant, en pleine nuit, le Cour semblait presque tranquille. Mais de jour, que d'activité ! Et les passerelles qui ralliaient les bâtiment entre deux donnaient un air aérien à cet endroit.

La Cour des Miracles, pour reprendre les mots de Richelieu, était « une infâme verrue sur un beau visage », en parlant de Paris. Le Cardinal haïssait cet endroit, et c'était probablement la seule chose avec laquelle j'étais en désaccord avec lui. La Cour regroupait à elle seule tout ce que Paris comptait en brigands, voleurs, escrocs, mendiants, estropiés et miséreux. C'était un lieu sale, sordide et dangereux. Mais c'était là où j'avais fait mes fers.

J'étais plusieurs fois revenue ici depuis mes dix ans. Toujours seule, car je voulais apprendre par cœur le reste des rues que je ne connaissais pas. Cela ne m'avait jamais servi à rien, mais peut-être était-ce une sorte de façon de rendre hommage à Sara, qui connaissait tout comme sa poche. Soudain, Ikaros poussa un petit cri préventif, puis une voix sifflante s'éleva, et je reconnus la langue de la Cour.

L'Espionne du Cardinal - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant